mercredi 4 août 2021

Trudeau a-t-il le droit de déclencher une élection maintenant ? NON !


Le chef du Nouveau parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, avait raison de demander à la gouverneure générale, Mary Simon, de ne pas obéir à Justin Trudeau si celui-ci veut déclencher des élections à l’été. Depuis l’adoption des modifications à la Loi électoraleprévoyant des élections à date fixe au fédéral, la donne a changé. La situation antérieure, où la date de déclenchement d’un scrutin appartenait au premier ministre, n’existe plus.

 

Les articles pertinents, adoptés en 2007 sous le premier gouvernement Harper, se lisent comme suit :

 

«Maintien des pouvoirs du gouverneur général

 

«56.1 (1)Le présent article n’a pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs du gouverneur général, notamment celui de dissoudre le Parlement lorsqu’il le juge opportun.

 

«Date des élections

 

«(2)Sous réserve du paragraphe (1), les élections générales ont lieu le troisième lundi d’octobre de la quatrième année civile qui suit le jour du scrutin de la dernière élection générale, la première élection suivant l’entre en vigueur du présent article devant avoir lieu le lundi 19 octobre 2009.»

 

Avant l’apparition de cette disposition, le gouverneur général agissait essentiellement à titre de représentant de la monarchie britannique, un rôle honorifique. Tous savaient et reconnaissaient que le véritable pouvoir appartient aux élus de la Chambre des Communes qui, sauf en situation de gouvernement minoritaire, sont à peu près soumis aux diktats du premier ministre du parti au pouvoir. Celui-ci pouvait à son gré choisir la date d’un scrutin, habituellement au moment le plus favorable pour une réélection.

 

Sous les nouvelles dispositions de la Loi électorale, le premier ministre doit attendre les quatre années réglementaires et respecter la date prévue à l’article 56 (2). Le paragraphe (1) de l’article vise de toute évidence la situation créée par un gouvernement minoritaire, où le parti au pouvoir perdrait la confiance des Communes ou serait paralysé dans son action législative par les partis d’opposition majoritaires. Le gouverneur général est alors appelé à trancher, mais son rôle, ici, n’est plus honorifique.

 

En vertu des modifications de 2007, le gouverneur général n’agit plus à titre de représentant de la reine d’Angleterre. Son pouvoir ici n’a rien à voir avec la constitution. Il a été délégué au gouverneur général par les députés du Parlement canadien. Le g-g agit donc ici à titre de représentant des élus fédéraux et de la population du Canada. Son pouvoir n’est pas symbolique. Il exerce un mandat confié à sa fonction par les élus du peuple. Et l’article mentionne clairement le «gouverneur général» seul, pas le «gouverneur général en conseil», expression pour désigner le cabinet et le premier ministre.

 

La nouvelle gouverneure générale Mary Simon a donc non seulement le pouvoir, mais le devoir d’examiner les motifs du premier ministre s’il demande un scrutin général. A-t-il perdu la confiance des Communes ? Non. Le Parlement est-il paralysé par une obstruction systématique des partis d’Opposition ? Non. Clairement, nous sommes ici devant un premier ministre frustré de ne pas avoir les coudées franches qu’il aurait avec une majorité, d’être obligé de négocier avec les partis d’Opposition, et qui voit dans les plus récents sondages une fenêtre vers une majorité aux Communes.

 

Les libéraux, au Canada, se sont toujours vus comme le parti le mieux outillé pour exercer le pouvoir au pays. Ils tolèrent mal les obstacles, même légitimes, et ont recours à la méthode forte pour gagner. Or, on voit aujourd’hui un premier ministre à qui la population canadienne a confié un mandat minoritaire, élisant une majorité de députés conservateurs, néo-démocrates, bloquistes et verts. Une population qui, ce faisant, a dit au chef libéral de gouverner en tenant compte de cette réalité. En refusant de le faire, le gouvernement actuel viole l’esprit, sinon la lettre de la Loi électorale, et la gouverneure générale – pas à titre de chef d’État mais comme mandataire du Parlement canadien et des citoyens – a le pouvoir et le devoir de le rappeler à l’ordre.

 

Si le gouvernement Trudeau continue d’avoir la confiance de la Chambre des communes, si le fonctionnement législatif n’est pas paralysé, la loi me semble claire. La prochaine élection doit avoir lieu en octobre 2023 !

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