L'attribution du nom «Université de l'Ontario français» au mini-campus universitaire de langue française qui ouvrira bientôt ses portes à Toronto compte parmi les grands vols d'identité en ce début de 21e siècle!
Quiconque a vraiment suivi ce dossier depuis une dizaine d'année saura que le projet d'université franco-ontarienne - du moins sa plus récente mouture - avait d'abord pour but d'assurer une gestion francophone de l'ensemble de l'offre universitaire en français, existante et future. D'étendre au palier universitaire une gestion «par et pour» les Franco-Ontariens, déjà acquise au fil des décennies au primaire, au secondaire et au collégial.
Une véritable «Université de l'Ontario français» aurait récupéré les programmes de langue française des deux grandes institutions bilingues, l'Université d'Ottawa (qui abrite la majorité des étudiants universitaires francophones en Ontario) et l'Université Laurentienne à Sudbury, ainsi que ceux de l'Université de Hearst et du collège Glendon à Toronto, en plus de créer des campus ou des programmes dans les régions (dont Toronto) où l'offre était faible ou nulle.
Le projet a été torpillé à partir de 2014, en partie par une mobilisation trop faible des militants au sein du RÉFO, de la FESFO et de l'AFO (1), mais surtout par les coups de masse assénés au projet par les puissances en place. D'abord par le recteur d'alors de l'Université d'Ottawa, Allan Rock, qui affirma que les Franco-Ontariens n'avaient pas besoin d'une université. Ils en avaient déjà une: l'Université d'Ottawa! Personne dans le milieu ne donna de vraie réplique à cette déclaration insultante.
Au contraire, la ministre des Affaires francophones du temps au gouvernement ontarien, Madeleine Meilleur, et d'autres, se sont dits fort satisfaits de l'offre en français à l'institution bilingue d'Ottawa, et dès 2015 il était devenu clair que Queen's Park avait transformé un projet global en projet régional du centre-sud-ouest ontarien, avec pignon sur rue à Toronto. La quasi-totalité des étudiants francophones continueraient de fréquenter des campus bilingues à majorité anglaise!
Quand on a finalement conféré l'appellation «Université de l'Ontario français» à un minuscule campus torontois, créé avec difficulté et offrant des programmes qui garantissaient une faible inscription, le vol d'identité était complet. Et comme par le passé, dans ce milieu que j'ai bien connu jadis et où j'ai milité, les porte-parole ont eu des réactions tout en nuances au lieu de protester avec véhémence. Une minorité trop longtemps persécutée, rabattue, privée de ses droits par une majorité hostile hésite à refuser les miettes qu'on lui consent de temps à autre.
La conséquence, cependant, c'est que l'échec possible du mini-campus à Toronto rejaillira sur l'ensemble de l'Ontario français, qui ne mérite aucun blâme ici. Dans les médias, qui ont très mal suivi l'évolution du projet depuis 2012, on ne parlera pas des difficultés d'une initiative régionale dans la région torontoise. Advenant l'insuccès, c'est le nom «Université de l'Ontario français» qu'on placardera à toutes les unes, dans toutes les manchettes. L'Ontario français tout entier mangera la claque médiatique.
Allan Rock avait tort quand il disait, il y a sept ans, que l'Université d'Ottawa était l'université des Franco-Ontariens. Mais elle l'était davantage que celle qui se fait aujourd'hui appeler «Université de l'Ontario français» à Toronto.
Si on veut réellement garder vivante cette belle appellation, offrons-la plutôt à l'Université de Sudbury sous Serge Miville. En attendant, comme le souhaite entre autres le professeur François Charbonneau, que l'Université d'Ottawa soit scindée pour créer un campus de langue française dans la capitale, ce qui se fait à Sudbury se rapproche davantage des idéaux défendus par les militants de la première heure!
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(1) Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO)
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