Je ne regarde pas souvent la télé en après-midi mais ce jeudi 20 octobre, à 14 h 15, je me suis planté devant le petit écran (55 pouces, c'est petit?) pour voir et entendre l'assermentation du nouveau conseil des ministres de François Legault.
L'ambiance fait un peu penser au septième match d'une finale de hockey. Nos savants experts, analystes et commentateurs, ayant mis à profit leurs sources «bien informées», ont longuement supputé les chances de succès et d'échec des vedettes, et l'issue du match. Mais on ne sait jamais. Des surprises, il y en a parfois. Alors on scrute le terrain (ou la patinoire) en attendant avec anticipation le début de l'action.
Enfin, les caméras de la télé passent des gradins à l'arène... Les questions que je me pose sont sans doute les mêmes que celles de l'ensemble des citoyens... Qui seront les têtes d'affiche du ce gouvernement de la CAQ, en économie, en éducation, en santé, dans le dossier primordial de la langue française, de la laïcité? Et qu'arrivera-t-il aux députés de ma région, l'Outaouais? Un d'entre eux siège déjà au cabinet Legault, mais deux autres apparaissent ministrables...
Et le défilé commence... Un tourbillon de ministères, de titulaires, de sourires, d'accolades, de baisers, de poignées de main, ce coups de coude, d'applaudissements, de commentaires parfois irritants à la télé pendant les annonces officielles... Une première constatation... Au-delà des noms les plus connus - les Dubé, Guilbeault, Lebel, Fitzgibbon, Barrette, Roberge, Girard, Drainville - il y a devant moi une majorité de visages que je ne reconnaîtrais pas dans la rue si je les croisais...
J'ai vu Christian Dubé des milliers de fois à la télé, pandémie oblige, mais certainement pas Suzanne Roy, André Lamontagne et au moins une douzaine d'autres... Je me suis rendu compte qu'à force de suivre tel ou tel enjeu de près, on reconnaît instantanément certains arbres mais on perd de vue l'ensemble de la forêt. Qui sont donc ces personnes que je connais peu et qui exerceront pendant quatre années le pouvoir exécutif au Québec? D'où viennent-elles? Quelle expertise apportent-elles? Quel passé traînent-elles?
Pour en savoir davantage, j'ai fais ce que je fais depuis ce 9 juin 1969 quand j'ai mis les pieds pour la première fois dans une salle des nouvelles comme journaliste... J'ai tenté de m'informer et plus j'avançais, plus ce conseil des ministres - du moins dans les ministères à vocation économique - avait l'air d'un conseil d'administration d'entreprise privée ou de chambre de commerce... Que la syndicaliste Suzanne Tremblay, nouvelle députée de Hull, n'ait pas reçu d'appel du premier ministre ne me surprenait plus..
L'impression donnée, c'est qu'en matière économique, François Legault dirige le Québec en puisant beaucoup trop dans l'expertise, l'expérience et la philosophie d'entrepreneurs privés et du milieu des affaires. Entre François Legault, Éric Girard, Christian Dubé, Pierre Fitzgibbon, Christine Fréchette, Andrée Laforest, Kateri Champagne-Jourdain, André Lamontagne, France-Élaine Duranceau, Christopher Skeete, toute une litanie d'entreprises -Banque nationale, Price Waterhouse, Domtar, Financière BN, Walter Capital, Desjardins, Cashman Wakefield, chambres de commerce, etc. - se succèdent dans les CV.
Le militantisme ouvrier et communautaire, garant de l'intérêt public, n'y brille pas... Même à l'Enseignement supérieur siégera une ministre - Pascale Déry - ancienne vice-présidente aux communications de l'IEDM (Institut économique de Montréal), un organisme à distance de marche d'une droite radicale, qui prône trop souvent la réduction du secteur public au profit de privatisations. Et je n'ai pas vu de ministre au passé marxiste-léniniste pour contrer les possibles relents de l'IEDM dans ce cabinet Legault. La CAQ se considère peut-être une coalition entre fédéralistes et quasi-souverainistes, mais elle n'est certainement pas une coalition entre la gauche et la droite économiques. À droite toute!!!
Quand elle a été recrutée, la présidente du Syndicat de l'enseignement de l'Outaouais et nouvelle députée de Hull, Suzanne Tremblay, savait-elle qu'elle ferait partie d'un gouvernement où les rênes économiques seraient entre les mains de ressortissants des milieux d'affaires? Qu'espérait-elle quand François Legault l'encensait publiquement et que les rumeurs la voyaient candidate au poste de ministre de l'Éducation? Avoir été directrice ou propriétaire d'un collège privé, ses chances auraient sans doute été meilleures d'accéder au conseil des ministres.
Un mot, enfin, sur le décor dans lequel la cérémonie d'assermentation s'est déroulée. Dans la mesure où le symbolisme conserve toute son importance, notamment en raison du débat actuel sur le serment d'allégeance au roi Charles III, cela vaut la peine de noter que notre premier ministre a présenté son cabinet sous l'autorité d'un lieutenant-gouverneur nommé par Ottawa, représentant officiel de la monarchie britannique et anglicane au Québec, et que le drapeau du Canada trônait à côté du fleurdelisé au Salon rouge. Un spectacle humiliant!
Bon retour parmi nous. Moi aussi j'ai cherché qui était plusieurs de ces nouveaux ministres.
RépondreEffacer