capture d'écran de Radio-Canada |
Dans son allocution lors de la cérémonie d'assermentation des trois députés du Parti québécois, ce vendredi 21 octobre 2022, Paul St-Pierre Plamondon a évoqué la conquête, la violence coloniale, les patriotes, les fourberies de 1867, la Charte imposée de 1982, le rejet de l'Accord de Charlottetown en 1992, pour rappeler que jamais, au grand jamais, les Québécois ou leurs représentants élus n'ont dit oui à la monarchie britannique ou à l'actuelle constitution canadienne. La conquête, les armes et la violence ont jadis scellé notre sort, affirme-t-il.
Que l'on conteste ou non le fond ou la forme de son propos (pour ma part j'y souscris), il faut savoir reconnaître au chef du PQ d'avoir rappelé avec éloquence que le présent et l'avenir se construisent sur un passé qu'il ne faut pas oublier. Personne ne semble se souvenir que «Je me souviens» reste la devise du Québec. Regardons autour de nous. On cache les vieux (et leur vécu) dans des résidences ou des CHSLD, le droit de mourir a tassé le droit de naître, les livres d'histoire se font poussiéreux et surtout, on enterre «les vieilles chicanes». On réécrit le passé avec des idéologies importées pour discréditer la noblesse d'un parcours historique unique. Juste dire «nous» est devenu suspect...
Si les députés péquistes (et ceux de Québec solidaire) refusent de prêter un serment d'allégeance au roi Charles III, c'est parce que l'histoire nous a liés à la monarchie britannique. Contre notre gré. Au nom des rois et reines du Royaume-Uni, on a usé de décrets impériaux et de violence pour mater toute tentative de révolte jusqu'à la création, par loi britannique, d'une fédération en 1867. On nous a refusé le pouvoir politique et économique après la conquête, et délibérément tenté de supprimer notre langue et notre culture. Acculés à la survivance, nos ancêtres ont fait ce qu'ils ont pu. Surtout des tas d'enfants. «Survivre c'était déjà vaincre», chantait Georges Dor.
Cette résistance silencieuse de millions de Québécois et Québécoises, ponctuée de sursauts de rébellion occasionnels, a créé un terreau fertile pour la Révolution tranquille des années 1960 et ses séquelles, qui nous marquent toujours en 2022. Les jeunes générations ne naissent pas spontanément, par miracle. Ma mère de 98 ans me raconte la vie des années 1930, de la Grande dépression. Sa mère, née au 19e siècle, me parlait de son père, bûcheron, tué sur un chantier forestier. Mon père a dû quitter l'école à l'âge de 13 ans pour travailler, et mes parents se sont privés de tout pour assurer l'éducation des enfants. Ça, c'est mon histoire, mais chacun, chacune a son propre vécu, qui remonte parfois jusqu'au 17e siècle dans le bassin du Saint-Laurent.
Ces générations se sont sacrifiées pour les suivantes, pour nous ouvrir des fenêtres qui leur étaient fermées à clef. S'il existe un au-delà (je n'en suis pas sûr mais je l'espère), tous ces anciens Canadiens français devenus Québécois doivent trouver leurs descendants bien ingrats parfois. Non seulement les oublie-t-on mais le plus souvent, nos dirigeants reprochent à ceux et celles qui s'en rappellent de déterrer de «vieilles chicanes», sans importance pour les défis d'aujourd'hui. Et voilà, enfin, qu'un chef politique évoque l'histoire de ces ancêtres qui ont étouffé trop souvent leurs ambitions individuelles et collectives mais n'ont jamais vendu leur âme à la monarchie britannique qui les avait opprimés. Dans les gradins de l'au-delà que j'imagine, il me semble entendre un tonnerre d'applaudissements.
J'ai écouté le discours de Paul St-Pierre Plamondon avec fierté et émotion. Il ne parlait pas seulement pour sa formation politique, mais pour la nation entière, pour les 400 années de notre aventure nord-américaine, pour notre passé, notre présent, notre avenir. Je lui dis: Bravo!
Merci pour ce bel article, M. Allard.
RépondreEffacerMoi aussi, j'ai écouté avec une certaine émotion le magnifique discours d'assermentation de PSPP.
D'ailleurs, son "On ne peut servir deux maîtres" et "« Nous sommes du camp de ceux qui affirment que les mots ont un sens, que lorsqu’on donne sa parole, qu’on prend un engagement, qu’on appose sa signature ou qu’on vote une loi, on engage son honneur. » (PSPP faisait allusion au reniement de Legault qui avait apposé sa signature en 2018 sur un document concernant le scrutin proportionnel ) c'était simplement magnifiques.
ooo