jeudi 18 mai 2017

Adieu Dean Louder!


J'aurais aimé rencontrer Dean Louder. Il est mort le 9 mai 2017, sans que j'aie eu la chance de le connaître autrement que par quelques échanges via Facebook... J'aurais voulu aborder avec lui son sujet de prédilection (et l'un des miens), l'Amérique française. Comme journaliste, j'aurais eu un plaisir fou à l'interroger sur la trajectoire de vie qui l'a mené de son Utah natal jusqu'au Québec, où il a planté ses pénates au point de devenir véritablement «l'un des nôtres».

J'avais acheté vers la fin de mars la nouvelle édition du livre Franco-Amérique (bit.ly/2q6bx5d), que Dean Louder a co-dirigé avec Éric Waddell. J'avais reçu un court message de Dean Louder par Facebook, quelques jours auparavant: «Pierre, pendant que j'y pense, dans l'intro de la nouvelle édition, nous te citons»... J'étais flatté qu'on me cite, bien sûr, mais encore plus heureux de savoir que ce champion de l'Amérique française lise à l'occasion mes textes de blogue...

Dès qu'on m'a informé de son décès, j'ai fait le tour des médias québécois, espérant y trouver quelque texte ou hommage bien senti pour celui (du moins selon ceux qui en savent quelque chose) qui fut l'un des grands de cette «Franco-Amérique» qu'il continuait de fréquenter, de découvrir et de raconter. Mais je n'ai rien vu. J'étais déçu. Je ne peux pas dire que j'étais surpris, cependant, vu l'état actuel des journaux, de la télé et de leurs salles de rédaction décimées...

Je n'aurais pas de peine à croire que son parcours de vie fût tout à fait unique. Né en 1943 à Park City, dans l'État américain du Utah, mormon comme la plupart des gens de ces régions, Dean Louder a obtenu ses diplômes universitaires à Salt Lake City Puis à Seattle (Université de Washington). Sa première incursion dans l'univers francophone est survenue à l'âge de 19 ans, quand il a séjourné deux ans à Paris comme missionnaire mormon.

Pendant ses études à Seattle, il avait rencontré un Québécois, Paul Villeneuve, doctorant comme lui en géographie, qui l'attira à l'Université Laval. Je laisse Anne Gilbert, elle aussi géographe et directrice du Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa, poursuivre le récit:

«Dean Louder arrive à son tour à Québec en 1971. Il enseigne la géographie sociale à Laval. Il s’intéresse à l’espace des minorités – enfants et personnes âgées, Noirs, populations démunies - notamment aux États-Unis. Il passe sa première année sabbatique en Louisiane, en 1977-1978. La Louisiane est le pays de son épouse. Il y retrouve l’Amérique, non pas celle de son enfance ou de son enseignement, mais une Amérique différente, française.»

Il a pris sa retraite en 2003. Selon un collègue et ancien étudiant fransaskois, Michel Marchildon, il a «poursuivi sa passion de géographe en sillonnant les routes d'Amérique.» Au début de mai, une semaine avant sa mort, il avait raconté dans son blogue, Les carnets de Dean Louder (bit.ly/2ruVTz3), ce qui devait être son ultime voyage terrestre, une participation au Rassemblement des écrivains, artistes et créateurs franco-américains au Centre franco-américain de l'Université du Maine.

Le chanteur louisianais Zachary Richard fut parmi les nombreux amis et admirateurs qui ont rendu hommage à Dean Louder dans les jours suivant son décès: «Nous avons perdu un grand homme, et j'ai perdu un grand ami», écrit-il. Un autre message est signé Valérie Broussard, toujours de Louisiane: «Il était un grand homme qu'avait une belle esprit. Sa passion et son amour pour le français et ses recherches du français en Amérique sont inspirantes.»

Dean Louder était aussi estimé comme professeur. Christine Bricault, coordonnatrice au Conseil québécois du patrimoine vivant, lui rend un vibrant hommage: «Il y a de ces professeurs qui marquent... Dean Louder était assurément l'un d'eux. Quelle passion! Quel amour de transmettre. Et un tel respect pour ses étudiants. Que de bons souvenirs des cours et des séjours sur le terrain des chers Francos d'Amérique.» Un autre ancien étudiant, Michel Bouchard, ajoute: «Il a tellement fait pour la francophonie»... Et de conclure Adrien Bérubé, du Nouveau-Brunswick: «La Franco-Amérique perd son meilleur ambassadeur.»


L'Université franco-manitobaine de Saint-Boniface lui avait décerné un doctorat honorifique en 2015 et rendu hommage à son dévouement pour la francophonie nord-américaine (bit.ly/2pXGDcM). Michaël Landry, de Québec, a finalement bien résumé la vie de Dean Louder: «Merci, Dean. Toi tes souliers ont beaucoup voyagé. Bonne route.»

Cet Anglo-Américain du Utah qui aimait le français au point de s'établir à Québec et d'y consacrer sa carrière et son oeuvre mérite, me semble-t-il, quelque reportage dans nos grands journaux et en ondes à l'occasion de son décès. L'animation intense que son départ a provoquée dans les médias sociaux n'a pas eu d'échos dans les médias traditionnels du Québec... On doit le regretter, sans pour autant s'en surprendre...



      

2 commentaires:

  1. Comme il arrive trop souvent, on rencontre les gens dans leur nécrologie. Heureusement que leurs écrits restent, et qu'il y a des gens pour les signaler.

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  2. Un bel éloge que je viens tout juste de découvrir.

    Je ne me souviens pas d'avoir rencontré Dean Louder, bien que nous aurions pu nous croiser sans le savoir à diverses reprises. J'étais au courant de son travail, que j'admirais beaucoup. C'est en voyageant dans mes propres souvenirs et en fouillant dans mes propres archives que j'ai découvert cet article dans ton carnet électronique.


    Fernan Carrière (fernancarriere.com)

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