Erin O'Toole
Si le nouveau chef conservateur fédéral Erin O'Toole maintient sa promesse de privatiser la chaîne publique de télévision anglaise, CBC (bit.ly/3hzOkkd), les carottes sont cuites pour son parti, qui risque de dégringoler en troisième, ou même en quatrième place sur l'échiquier politique pan-canadien.
«Notre objectif est de privatiser pleinement la télévision de CBC d'ici la fin de notre premier mandat», avait clairement affirmé M. O'Toole au début de 2020. C'est ce qu'on appelle se faire hara-kiri sur la place publique, alors qu'environ 80% des Anglo-Canadiens - et plus de 50% des partisans conservateurs - se diraient favorables à une hausse du financement de leur CBC...
Peu importe la popularité des positions qu'il prendra ailleurs, l'assassinat de la télé de CBC restera comme une arête dans la gorge d'une nation Canadian qui peine, au-delà de son anti-américanisme viscéral, à se distancier culturellement de ses voisins du Sud. Gavés d'émissions, de musique et de films américains, les Anglo-Canadiens s'accrocheront à la CBC comme à une bouée de sauvetage.
L'idée même de remettre à de cupides intérêts privés ce que les deniers publics ont bâti depuis plus d'un demi-siècle fera passer M. O'Toole pour le bandit de grand chemin qu'il deviendra. On aura beau critiquer la CBC, souvent avec raison, des barricades se dresseront partout pour bloquer ce pillage éhonté d'un patrimoine culturel irremplaçable.
Les défenseurs de la télé publique anglaise brandiront le spectre de la fermeture de studios de production et salles de rédaction partout au pays, de l'étouffement d'élans créateurs qui n'ont pas eu, jusqu'à maintenant, à se plier aux impératifs des profits de propriétaires privés pour offrir à leur auditoire un contenu nettement plus Canadian que celui des concurrents capitalistes. Pour de nombreux Anglo-Canadiens, ce sera comme leur arracher un morceau de coeur.
Et M. O'Toole s'apercevra très rapidement que sa promesse de sauver la télé française de Radio-Canada pendant qu'il liquide son pendant anglais ne passera pas très bien au sein d'un électorat qui apprécie peu les francophones et le Québec depuis le «love-in» de 1995. La minorité qui appuiera la privatisation exigera que la guillotine s'applique aussi au réseau des «grenouilles»... et il y a fort à parier qu'un tel débat fera vite éclater l'alliance tendue entre la droite modérée et l'extrême-droite du Parti conservateur...
Même si le rapport entre la télé de CBC et la nation anglo-canadienne n'est pas aussi intense que celui de Radio-Canada avec les collectivités francophones, celle du Québec en particulier, les partisans de la télé publique anglaise livreront un âpre combat. Et ils ne pardonneront jamais à la bande de M. O'Toole (qu'elle gagne ou perde l'élection) d'avoir voulu déboulonner le plus grand monument médiatique de la «culture» anglo-canadienne.
Les Anglo-Canadiens, tout occupés qu'ils ont toujours été à circonscrire (le mot est doux) «notre» langue et «notre» culture, recevront comme un électro-choc cette atteinte fondamentale à l'institution qui incarne et protège «leur» identité collective... Le tout sera instructif pour eux... et surtout pour les conservateurs d'O'Toole...
Le nouveau chef du PCC ne semble pas de rendre compte qu'il va piétiner un nid de guêpes...
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