jeudi 17 décembre 2020

Soins de santé. Trudeau flaire l'occasion... Il veut l'affrontement avec Legault...


Quand ça compte, quand ça compte vraiment, le gouvernement fédéral a peu de respect pour les compétences des provinces. Il a utilisé à répétition son pouvoir constitutionnel de dépenser (ou de ne pas dépenser) pour casser les dirigeants provinciaux. Le fédéral s'est servi des tribunaux (Ottawa nomme tous les juges de cours supérieures) pour invalider des lois provinciales. Parfois, des politiciens fédéraux n'ont pas reculé devant l'illégalité pour contrer des projets québécois...

Mais jamais un premier ministre n'est allé aussi loin que Justin Trudeau - même pas son père - pour justifier ces intrusions constitutionnelles. Pour imposer des normes fédérales aux États provinciaux en matière de soins de santé de longue durée, une compétence clairement provinciale, le premier ministre Canadian a déclaré, en anglais: «La dignité des aînés, la sécurité des personnes âgées, ne relève pas vraiment d'une compétence particulière. Pas quand on parle de leur survie.»

Non mais se rend-on compte de ce qu'il vient d'énoncer? Trudeau affirme qu'Ottawa peut, de son propre chef, décréter que les politiques ou pratiques d'une province, agissant démocratiquement dans son domaine de compétence, mettent en jeu la dignité, la sécurité et la vie des vieux qui vivent dans des centres de soins de longue durée. Ainsi, quand le gouvernement de la majorité anglo-canadienne à Ottawa estimera que les malades âgés du Québec sont maltraités, eh bien le reste du Canada aura le droit d'imposer sa volonté au gouvernement québécois, et de retirer à l'Assemblée nationale et aux citoyens qui l'ont élue des droits consacrés par la Constitution.

Et il en rajoute en déclarant que les provinces qui ne choisissent pas d'offrir à leurs aînés les normes de qualité les plus élevées - il faut comprendre qu'il parle ici de ses propres normes fédérales, bien sûr - devront en subir les conséquences. Elles n'auront pas l'aide financière d'Ottawa, et auront le fardeau de la preuve devant leurs propres citoyens, qui voudront savoir pourquoi leur gouvernement provincial ne prend pas les sous de ce gouvernement fédéral qui a tant à coeur le bien-être des vieux... C'est à la fois méprisant et arrogant. Digne de Pierre Elliott. Comme s'il était évident qu'Ottawa sait mieux que Québec, ou Toronto, ou les autres, quelles sont les normes de qualité les plus élevées...

Avec de tels arguments, plus aucune constitution ne tient. Au nom d'un pouvoir sans limite de dépenser, au nom de la dignité, de la sécurité et de la vie, au nom d'un savoir supérieur apparemment évident, Ottawa pourrait piétiner toutes les compétences des provinces, celles du Québec en particulier, sans exception, et finir par obtenir l'aval de tribunaux de plus en plus serviles, remplis de nominations sympathiques aux priorités fédérales. On a vu le sort de la Loi 101 depuis 1977. Et que dire de la Loi 21, qui passe présentement dans le tordeur judiciaire. Le domaine de la santé n'y échappera pas.

La seule solution durable, pour le Québec, passe par l'indépendance, mais de toute évidence le moment n'est guère propice pour relancer une telle démarche. Par contre, le gouvernement québécois n'est pas sans arme devant les assauts d'Ottawa. Sans volonté peut-être, mais pas désarmé. Du moins pas politiquement. Sans modifier cette constitution qui nous étouffe, Québec peut refuser une fois pour toutes de jouer le jeu fédéral-provincial, et surtout le jeu d'Ottawa.

Après l'échec de l'Accord du lac Meech, Robert Bourassa avait juré que le «un contre dix», c'était fini et que désormais, le gouvernement de la nation québécoise négocierait d'égal à égal avec le Canada anglais. Que Bourassa ne l'ait pas fait n'enlève rien à la valeur de cette stratégie, qui aurait le mérite de modifier le rapport de force traditionnel d'un Québec à la table face à Ottawa et neuf provinces. Quand la sauce se gâte et qu'Ottawa fait son chantage habituel, on sait d'avance de quel côté se rangeront la majorité des autres capitales. À un contre un, le jeu n'est plus le même.

Québec peut aussi une fois pour toutes dénoncer cette Loi constitutionnelle de 1982 qu'il n'a jamais signée et qu'on lui impose contre son gré depuis 1982. Qu'en tant que représentant de la nation francophone du pays, il juge illégitime la démarche de la nuit des longs couteaux de 1981 et n'accepte plus les conditions de l'entente à laquelle il n'était pas signataire. Qu'il ne reconnaîtra plus les arbitrages constitutionnels de tribunaux dont tous les membres sont nommés par le premier ministre fédéral. Que le «nonobstant» devient la règle plutôt que l'exception tant que ce régime continue sans modification.

Enfin, le gouvernement Legault devrait se rappeler, même sans foncer vers la souveraineté, même sans trop bouger sur le plan constitutionnel, que Robert Bourassa avait raison quand il déclarait en juin 1990 que «le Québec est aujourd'hui et pour toujours une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement». Et aussi, en tirer les conclusions, c'est-à-dire gouverner non comme une province parmi d'autres mais comme «une société distincte, libre et capable d'assumer son destin». C'est ce qu'il a fait avec la laïcité de l'État. 

L'occasion se présente d'agir avec la même fermeté en santé, puis avec la Loi 101. Mais les occasions, sans volonté, ne mènent à rien. Surtout quand ceux d'en face semblent avoir de la volonté (et de l'argent) à revendre...


1 commentaire:

  1. Il faudra bien qu'un jour les québécois finissent par comprendre qu'ils ont tout à perdre et absolument rien à gagner en restant dans ce pays unilingue anglophone !!! Malheureusement, les canadiens-français des autres provinces se font assimiler à une vitesse grand TGV !!! Ne pas attendre le point de bascule, sinon il sera trop tard !!!

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