jeudi 17 décembre 2020

Retrouver la vraie «castonguette»...

Magistrale caricature d'Ygreck dans le Journal de Montréal

Durant son deuxième mandat, au milieu des années 1960, Jean Lesage avait fait appel aux services de l'actuaire Claude Castonguay dans le dossier entourant le projet fédéral de régime de pensions du Canada. Le projet élaboré par Castonguay a permis au Québec de créer son propre régime des rentes, la fondation sur laquelle a été érigée la Caisse de dépôt et de placement du Québec.

Pour cette seule réalisation, Claude Castonguay aurait pu figurer au palmarès des grands bâtisseurs de la Révolution tranquille. Mais l'histoire ne faisait que commencer. Après sa victoire surprise contre les libéraux de Lesage en 1966, le gouvernement de l'Union nationale sous Daniel Johnson a eu recours à l'expertise de Castonguay pour jeter les bases d'un régime universel d'assurance-maladie au Québec.

Les travaux de la Commission Castonguay-Nepveu ont mené à la création de la Régie de l'assurance-maladie du Québec en 1969. L'année suivante, Robert Bourassa a recruté Claude Castonguay comme candidat libéral dans Louis-Hébert pour lui permettre de compléter l'oeuvre entreprise: la mise en place du régime d'assurance-santé.

Le politicien Clause Castonguay a siégé moins de quatre années à l'Assemblée nationale, mais son empreinte sur l'assurance-maladie québécoise fut telle que la carte d'assurance-maladie, avec son image flamboyante de coucher de soleil abitibien, est vite devenue «la castonguette» dans le langage populaire.

Au moins de juin 2020, l'ancien ministre accorda une entrevue d'une heure à Michel Lacombe pour l'émission «Le 21e», à la première chaîne de Radio-Canada. L'interview a porté sur une diversité de sujets mais Lacombe a commencé par ce pour quoi on le connaît le mieux: la santé.

Rappelant que l'appellation originale d'assurance-maladie avait été troquée pour assurance-santé au fil des ans, l'animateur a demandé à Claude Castonguay ce q'il pensait du changement de nom. Ce dernier a indiqué sa préférence pour la première (on a d'alleurs conservé le nom de la RAMQ), estimant toutefois que la mise sur pied d'un système de santé public et cohérent (qui n'existait pas avant 1970) pourrait justifier une identification à portée plus vaste.

Ainsi, qu'on ait changé l'appellation «assurance-maladie» pour «assurance-santé» ne le dérangeait d'aucune façon... «Par contre, ce que je n'aime pas c'est qu'on ait changé la carte!», ajouta aussitôt Claude Castonguay en réponse à Michel Lacombe. 

Pourquoi, lui demanda l'intervieweur, amusé et curieux? «Bien, c'est quelque fonctionnaire qui a décidé qu'il fallait changer la carte pour profiter, je suppose, des progrès au plan technologique, mais on aurait pu garder l'image parce que la carte soleil il me semble que ça faisait symbole et aujourd'hui c'est une carte comme une autre». Ouais, ça ressemble en effet à une carte de crédit, remarqua Michel Lacombe. «Exactement», de répondre M. Castonguay...

Le décès de Claude Castonguay ne passera pas inaperçu. Au-delà des témoignages, on voudra sûrement plaquer son nom sur quelque bâtisse ou lieu public, rebaptiser une route ou quelque chose du genre. Ou même lui dédier une statue que des générations futures voudront sans doute déboulonner. Pourquoi, plutôt, ne pas répondre à son voeu et revenir à la carte-soleil d'avant, qui avait effectivement «valeur de symbole» et qui lui était étroitement associée?

La nouvelle carte, plutôt insipide, a conservé en arrière-plan fade et pâle un soleil forestier mais l'image est à peine visible. Ne soyez pas surpris que je sorte parfois mon permis de conduire quand on me demande ma carte de la RAMQ. Elles se ressemblent beaucoup... Comme le disait Claude Castonguay, elle est devenue «une carte comme une autre»...

Revenir à la carte soleil, à la vraie «castonguette», serait le meilleur hommage à rendre à cet éminent bâtisseur d'une époque charnière du Québec. Car Claude Castonguay, comme la carte qui a porté son nom, demeure un symbole de ce qu'il est possible de faire quand l'occasion et la volonté se conjuguent. 




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