Empêtré dans ses menteries officielles depuis plus de 50 ans, le gouvernement fédéral a enfin admis que la langue française a besoin de protection au Québec. Pas seulement à Moncton, Sudbury ou St-Boniface, mais oui... à Montréal aussi! Fini ce «pays des merveilles» où les politiques linguistiques sont fondées sur une fictive symétrie entre la situation des francophones hors-Québec et celle des Anglo-Québécois.
Il était temps! Mais que fera-t-on du «plan d'action» quinquennal des langues officielles inauguré par le gouvernement de Justin Trudeau et Mélanie Joly en 2018? On continue toujours de s'appuyer sur ce document aux prémisses ridicules pour distribuer tous les ans des centaines de millions de dollars aux minorités linguistiques, y compris quelque 80 millions $ pour protéger et promouvoir la langue anglaise soi-disant minoritaire au Québec...
Le constat démographique initial du «plan d'action» fédéral tripote les statistiques du recensement de 2016 pour adoucir une réalité amère. «Au Canada, y écrit-on, il y a plus d'un million de francophones qui vivent hors Québec et plus de 1,1 million d'anglophones qui vivent au Québec.» Et on ajoute que «ces populations sont dynamiques et continuent de croître.» Voilà la première fausseté, et l'une des plus fondamentales. Un maquillage statistique dissimulant des choses qui, sur le terrain, crèvent les yeux!
Je sais que les gens baillent aux corneilles devant des colonnes de chiffres, mais ici, derrière chacun de ces chiffres se trouve un humain et son milieu de vie. Les critères traditionnels pour mesurer l'appartenance linguistique au Canada sont la langue maternelle (depuis fort longtemps) et la langue la plus souvent parlée à la maison, aussi appelée langue d'usage (disponible depuis le recensement de 1971). Comparer la première à la seconde permet de saisir la dynamique linguistique d'une collectivité et de mesurer les taux d'assimilation d'une langue à une autre.
La langue maternelle désigne celle qu'on a apprise en premier, généralement des parents, tandis que la langue d'usage reflète la réalité linguistique d'aujourd'hui au foyer. Aucun des deux critères n'est idéal, mais la langue le plus souvent parlée à la maison constitue un indicateur plus fiable du comportement linguistique d'un individu. On considère généralement que si - disons pour le français - les chiffres de la langue d'usage sont plus élevés que ceux de la langue maternelle, le milieu favorise des transferts linguistiques d'autres langues vers le français. Le contraire indique une érosion du français.
Là-dessus, les recensements sont sans pitié et ce qu'ils révèlent n'a rien à voir avec les mirages du Plan d'action fédéral pour les langues officielles. S'il est vrai qu'environ un million de personnes ont le français comme langue maternelle à l'extérieur du Québec, seulement 620 000 conservent le français comme langue la plus souvent parlée à la maison... Ce déficit de près de 40% par rapport à la langue maternelle contredit de toute évidence la thèse de collectivités francophones dynamiques et en croissance l'extérieur du Québec. On y voit plutôt un signal de détresse, d'un océan à l'autre.
Dans son plan d'action, le fédéral se dit préoccupé par la diminution du pourcentage de francophones hors Québec, leur nombre augmentant moins rapidement que celui des anglophones. Mais la réalité est bien pire. Au chapitre de la langue d'usage, on comptait 676 000 francophones à l'extérieur du Québec en 1971, alors qu'il n'en reste que 620 000 en 2016. Non seulement le pourcentage (hors Québec) est-il passé de 4,3 à 2,4% mais on enregistre une perte appréciable en nombres absolus. Dans au moins sept provinces, le français sera au bord de l'extinction d'ici quelques générations. Dans plusieurs localités, il l'est déjà...
Parlons maintenant du Québec, où les savants analystes de Patrimoine canadien se disent inquiets devant «les défis auxquels sont confrontées les communautés rurales anglophones du Québec»... Au-delà du fait que les anglophones de communautés dites rurales représentent une très faible proportion des Anglo-Québécois, qui vivent massivement dans la grande région montréalaise, elles sont à peine touchées par l'assimilation. De fait, dans la plupart des petites localités où on compte plus de 20 ou 25% d'anglophones, ce sont les Franco-Québécois qui enregistrent des pertes devant l'assaut de l'anglais!
Que l'on se trouve à Morin Heights dans les Laurentides, à New Carlisle ou Newport en Gaspésie, à Sutton ou Stanstead en Estrie, à Grosse-Île chez les Madelinots ou à Blanc Sablon en Basse Côte-Nord, le nombre de personnes ayant l'anglais comme langue d'usage est toujours supérieur à celui de langue maternelle anglaise. Ai-je besoin d'ajouter que dans ces localités, ce sont les francophones qui se font lentement assimiler à l'anglais... Ah oui j'avais oublié les villages du Pontiac, en Outaouais, où les taux d'assimilation des francophones sont tellement élevés qu'ils avoisinent ceux des Franco-Ontariens...
Si je cite en exemple Stanstead, dans les Cantons de l'Est, on compte même 750 unilingues anglophones pour une population totale de 2780... La moitié des Anglos sont incapables de se débrouiller en français, et ce, dans une région administrative à forte majorité francophone. On y dénombre 1445 individus de langue maternelle anglaise (choix uniques) et 1655 personnes disant parler l'anglais le plus souvent à la maison. Cela fait quelques centaines d'individus de langue maternelle française qui ont maintenant l'anglais comme langue d'usage... Un phénomène impensable en francophonie hors-Québec.
Alors quand Mme Joly, M. Trudeau et les autres artisans du Plan d'action des langues officielles affirment que la situation des «communautés rurales anglophones du Québec» est préoccupante, c'est de la bouillie pour les chats... Quant aux Anglo-Québécois urbains de la région montréalaise, ils en mènent tellement large qu'ils sont en train d'angliciser notre seule métropole... Et le Plan d'action fédéral sur les langues officielles continue de verser plus de 80 millions $ tous les ans pour protéger et renforcer la langue anglaise au Québec... C'est un scandale public.
Un changement de cap s'annonce. Il était plus que temps. Verra-t-on des millions fédéraux s'acheminer vers la caisse du Mouvement Québec français, du Mouvement Montréal français, d'Impératif français ou des autres organisations qui luttent pour l'affirmation du français comme langue commune du Québec? Cela me surprendrait beaucoup... Enfin, on verra...
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