samedi 19 décembre 2020

Une bouteille à la mer... vers les côtes de l'Acadie...


J'avais 23 ans quand j'ai mis les pieds à Caraquet, au Nouveau-Brunswick, pour la première fois. J'étais jeune journaliste franco-ontarien au quotidien Le Droit et pour mes premières deux semaines de vacances, n'ayant pas d'économies, j'avais décidé de partir à pied avec mon sac à dos et de traverser le Québec vers l'est «sur le pouce». J'ai fini par atteindre la péninsule acadienne avant de revenir sur mes pas...

En tant que reporter, je me faisais bien sûr un devoir de feuilleter le quotidien ou l'hebdo de chaque localité sur mon chemin. Arrivé à Caraquet, j'ai fini par mettre la main sur un exemplaire du journal mensuel «Le Voilier», un petit bijou d'information locale imprimé de façon artisanale avec une merveilleuse devise d'inspiration acadienne: «Il est battu par les flots, mais ne sombre pas.» J'avais en main la parution de juillet 1970 (volume 5, numéro 11). Je l'ai toujours, en décembre 2020.

J'ai beau faire le ménage dans mes paperasses, tenter d'élaguer comme me le propose souvent (avec raison) mon épouse, je n'arrive pas à mettre cet exemplaire du «Voilier» au bac de recyclage. Après 50 ans, il a sans doute acquis une valeur historique. Combien reste-t-il de copies de ce numéro de juillet 1970? Peut-être plusieurs, peut-être sont-elles rares. Et si c'était l'une des dernières? Je ne veux pas risquer de perdre pour l'éternité toute l'information qui s'y trouve...

Cela me rappelle un peu Le Droit de jadis (disons avant les années 1950). Le Voilier propose à son lectorat des nouvelles locales comme on n'en voit plus dans ce qui reste de notre presse écrite en 2020. C'est la vie intime de la communauté acadienne de Caraquet qui habite ses pages. Le Voilier ne se contente pas d'apprendre à ses lecteurs et lectrice que la cohorte de diplômés de l'École régionale de Caraquet compte 150 élèves. On inclut dans le texte le nom de chacun, chacune des 150 diplômé(e)s!

Un texte raconte avec force détails les événements entourant le 25e anniversaire de la Fédération des caisses populaires acadiennes, auxquels assistaient des représentants des 75 caisses pop du Nouveau-Brunswick! Combien en reste-t-il aujourd'hui? Le Voilier propose aussi un article sur une visite en canot-automobile du site du futur «Village acadien» à la Rivière-du-Nord. «Nulle part au Nouveau-Brunswick pouvait-on trouver un lieu qui rappelait davantage Grand-Pré», écrit-on.

Sous le titre «Nos chers disparus», le mensuel transforme parfois en petites nouvelles les avis de décès. Ainsi pour la mort de M. Emond Doucet, on apprend, au-delà des noms des proches parents et des détails sur les funérailles, toutes les circonstances de l'accident tragique de motocyclette qui lui coûta la vie. Les textes sont rédigés dans un français châtié, et emploient des formulations qu'auraient avantage à imiter les nécrologies du 21e siècle. Ainsi peut-on lire que le 23 juin 1970, «la mort enlevait à l'affection des siens M. Adélard Boudreau».

La rubrique «Quoi de plus heureux?» informe les gens de Caraquet des mariages, en y incluant le déroulement de la cérémonie, les noms des invités, les lieux de la réception et même des détails sur le voyage de noces à venir... Le Voilier fait même la description du mariage de Jean-Claude Haché et d'Anne-Lise Duguay dans le petit village de Marathon, situé sur les rives du lac Supérieur, en Ontario. Pourquoi? Parce que la mère du marié et ses frères, résidents de Caraquet, y assistaient. Le voyage de noces devait aussi amener le jeune couple dans la péninsule acadienne.

Le mensuel propose même une section intitulée «Nos visiteurs» où l'on apprend le nom d'à peu près tous les visiteurs à Caraquet. Entre autres, on peut y lire que «M. et Mme Freddie Doucet et leur  fils Donald et sa dame de Montréal ont visité des parents à Pokesudie et Caraquet. M. Donald devint un amateur de pêche au maquereau avec la chance qu'il avait.» 

Avec une publication vieille de 50 ans, on tombe inévitablement sur des noms d'associations ou d'organismes disparus. Ainsi cet «Institut de Sheila» auquel Mme Azade McGraw rend hommage dans les pages du Voilier. Fondé en 1948, le groupe fait partie d'un réseau d'instituts féminins acadiens qui oeuvrait dans la région de Caraquet depuis 1920... Est-un précurseur de l'actuel Institut féminin francophone du Nouveau-Brunswick? Je n'en sais rien...

La publication d'une quarantaine de pages fait aussi état de «belles manifestations» au Festival marin du Bas-Caraquet et d'activités à venir au Festival acadien en août. «Décorons... Pavoisons... Illuminons... pour le Festival acadien et surtout, costumons-nous! Donnons-nous la main!»

Je lance ce petit texte de blogue comme une bouteille à la mer. Me refusant à détruire ce journal, précieux témoin d'une autre époque, j'espère qu'il pourra trouver refuge ailleurs. Si des organismes ou des médias acadiens, ou quelque organisation à vocation historique de la région de Caraquet collectionnent et conservent ce genre de document, laissez-moi un message...



 

2 commentaires:

  1. Bonjour M. Allard,

    Oui, ne le jetez surtout pas! Je ne connais pas les archives du Centre d’Études Acadiennes de l’U de Moncton, mais au pis aller, vous pourriez le leur faire parvenir.
    https://www.umoncton.ca/umcm-ceaac/
    Il existe certainement des endroits où vous pourriez le laisser, mais je ne suis pas assez versé dans le domaine. Le Edmond Doucet dont il est question était mon propre cousin et je me souviens de cet accident qui lui a arraché la jambe!

    Merci de votre intérêt... et le Voilier était un journal local produit avec les moyens du bord. Il en existe probablement des exemplaires dans les archives, quelque part, mais ne le détruisez pas.

    Abbé Lanteigne
    Alanteigne660@gmail.com

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    1. Merci de votre réponse. Je vais m'informer auprès du Centre d'études acadiennes. Joyeux Noël et Bonne année 2021!

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