Avez-vous vu l'assermentation de Joe Biden le 20 janvier? Qu'avez-vous ressenti? Quant à moi, j'étais ému. Pourquoi? Parce que nous étions enfin débarrassés de Donald Trump? Non, il y avait plus que ça. C'était tout le cérémonial. Les paroles prononcées, l'hymne national merveilleusement chanté, les drapeaux à perte de vue, le tout couronné par l'inspirant poème d'Amanda Gorman.
Pour un vieux socialiste comme moi, cela peut paraître contradictoire. J'ai manifesté contre la guerre américaine au Vietnam dans les années 60, soutenu les luttes afro-américaines contre un racisme endémique, pesté contre le soutien de Washington aux assassins d'Allende, contre les inégalités engendrées par un capitalisme débridé et bien plus... Et pourtant, j'aime les Américains.
J'ose même affirmer que j'aime bien les États-Unis. Pas ce qu'ont fait et ce que font toujours nos voisins du Sud à la planète, mais le pays lui-même. Les États-Unis d'Amérique. L'idée des États-Unis d'Amérique. L'idéal que cette contrée incarne depuis son indépendance à la fin du 18e siècle. Un idéal formulé dans une constitution qui commence par «We the people of the United States». Nous, le peuple. Voilà le fondement de l'autorité constitutionnelle. Le peuple... L'idéal républicain!
Une république sera toujours en devenir. Son cheminement cahoteux, ses progrès et ses revers, doivent inexorablement mener vers «a more perfect union», vers une certaine perfection républicaine que tous savent inatteignable. Mais l'idéal reste, comme un phare, sous l'autorité suprême de «nous le peuple» et de sa constitution. Voilà ce que je voyais ce 20 janvier, quelques semaines après qu'un président toxique eut raté son coup d'État. La république se dressait.
Comparez ce symbolisme à celui du Canada et de ses États fédérés, y compris le Québec. Issu de la tradition britannique, le Canada est fondé sur la suprême inégalité des citoyens, ayant à sa tête un monarque héréditaire, de droit divin, chef de l'Église anglicane par surcroit. Les citoyens ne sont pas «nous le peuple» comme chez nos voisins américains, mais des sujets d'Elisabeth Windsor et de ses sous-chefs vice-royaux au Canada.
Le système parlementaire modelé sur celui la Grande-Bretagne est un rejeton de la monarchie absolue et de son ancienne aristocratie. Les premiers ministres d'ici ont en mains tous les anciens pouvoirs royaux et règnent en quasi-dictateurs pendant leurs mandats, alors qu'aux États-Unis, le président est directement élu par le peuple et tout l'appareil législatif lui échappe. La Constitution canadienne de 1867 émane du parlement britannique (pas du peuple) et celle de 1982 a été imposée (notamment au Québec) sans que quiconque soit consulté après la fameuse «nuit des longs couteaux».
La question n'est pas de savoir quel système fonctionne mieux, ou lequel est le plus démocratique, mais bien de déterminer qui, en dernier recours, assume le pouvoir suprême. Au Canada, c'est le premier ministre coiffé de l'ancienne autorité de la couronne britannique. Dans une république comme les États-Unis ou la France, le régime est fondé sur l'autorité du peuple. Personne ne doit y faire la courbette devant une «Sa majesté la reine». Et M. le président ou Mme la présidente sera toujours un simple citoyen.
Voilà pourquoi le «we the people» des États-Unis reste si émouvant. L'idéal républicain déborde les frontières. Des «nous le peuple» il y en a partout, y compris chez nous au Québec. Quand affirmerons-nous notre «volonté citoyenne»?
Il arrive que la première démocratie moderne puisse être inspirante. Mais pas en cette occasion, qui n’est autre que l’assermentation d’un usurpateur ayant commis un coup d’État électoral.
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