À force de voir les nôtres se faire accuser faussement de xénophobie et de racisme par différents individus et groupes au Canada anglais (et même chez nous au Québec), il me semble que j'aurais dû développer une carapace au fil des décennies... un bon blindage...
Eh bien non! J'aurai bientôt complété trois quarts de siècle et les fions qu'on nous lance régulièrement continuent de me prendre aux tripes... Quand le vase est trop plein, même les petites gouttes le font déborder...
J'écoutais en direct, cette semaine, les audiences du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, qui étudie entre autres la situation du français au Québec, dans le cadre du projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Comparaissait, à titre d'expert, M. Jack Jedwab, PDG de l'Association d'études canadiennes (AEC), une organisation basée à Montréal «dont l'objectif principal est l'amélioration des connaissances des Canadiens à propos de l'histoire de leur pays».
Détenteur d'un doctorat en histoire canadienne de l'Université Concordia, M. Jedwab a notamment enseigné à l'UQAM et à McGill. Le Commissariat fédéral aux langues officielles a déjà eu recours à ses compétences. Un type sérieux, estimé dans plusieurs milieux.
Après d'intéressantes remarques en français sur les concepts de majorité et minorité linguistiques sur l'île de Montréal, cet Anglo-Québécois a brièvement laissé tomber sa rigueur professionnelle pour se lancer dans une tirade perfide et indigne.
Clairement, M. Jedwab n'avait pas tout à fait digéré la campagne contre l'expression bilingue «Bonjour-Hi» et la résolution de l'Assemblée nationale incitant les commerces à accueillir leur clientèle avec un simple «Bonjour», que tout le monde, y compris les anglophones, comprend.
Sans autre preuve que son propre vécu, le PDG de l'AEC a laissé entendre que cette controverse avait provoqué un ressac et que l'utilisation du «Bonjour-Hi» avait beaucoup augmenté depuis l'adoption de la résolution à l'Assemblée nationale.
«J'entends Bonjour-Hi partout où je vais maintenant», a-t-il dit aux députés, ajoutant un «presque» à la fin, comme s'il avait conscience d'y être allé un peu fort. Mais il n'avait pas terminé. Après avoir donné un caractère quasi scientifique à ses propres impressions, il fallait enfoncer le clou rouillé un peu plus...
Je trouve un peu drôle, ajouta-t-il, qu'à notre Assemblée nationale (le notre est de lui), we say we don't want the word "Hi" but we're OK with the N-word... Traduction... Nous ne voulons pas du mot Hi mais le «mot en N» ne nous dérange pas... Et voilà... claque en pleine face, lancée sans préavis, sans contexte, sans justification...
Décodé, le message est le suivant: nous sommes intolérants envers l'anglais, mais tolérants envers un mot perçu comme raciste... Ce que nous percevons comme une résistance essentielle de notre petit coin de pays francophone au rouleau compresseur anglo-américain venait d'être qualifié d'intolérance.
Et, sans préciser de quel «N-word» il parle, de l'anglais ou du français, il transforme en suggestion de racisme un combat tout à fait légitime en faveur de la liberté d'expression, et surtout de la liberté universitaire, contre les bâillons que voudraient imposer les thuriféraires de l'idéologie multculturelle-woke-à-l'anglo-canadienne.
Du Québec-bashing avec une main de fer dans un gant de velours...
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Le 25 février dernier, un autre témoin anglo-québécois au Comité permanent des langues officielles, Marlene Jennings, ancienne députée fédérale de Notre-Dame-de-Grâce-Lachine aux Communes, avait elle aussi laissé sur nous une petite coulée de boue...
Craignant les effets sur la collectivité anglo-québécoise de la nouvelle approche fédérale en matière de langues officielles, reconnaissant la menace qui pèse sur le français partout au pays, y compris au Québec, elle a brossé un tableau d'une minorité anglaise défavorisée et malmenée, tant sur le plan économique que linguistique... et mis en garde contre toute réforme linguistique qui serait défavorable aux anglophones du Québec...
Comparant le processus de mise à jour linguistique à un autobus qui se met en marche, elle a offert cette image saisissante du sort qui semble, selon elle, attendre les Anglo-Québécois : «We're going to let you on the bus but you're going to sit in the back of the bus»...
Ainsi, si je comprends bien ce message décodé, les Anglo-Québécois craindraient d'être traités un peu à la manière des Noirs du sud des États-Unis, que les blancs racistes obligeaient à s'asseoir à l'arrière des autobus publics, les sièges à l'avant étant réservés aux Blancs. L'Alabama du Nord, pour reprendre une comparaison faite par un prof de l'Université d'Ottawa...
Le fait que Mme Jennings soit elle-même de race noire ne pouvait qu'ajouter à la force de ce commentaire.
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Le plus triste (enrageant?) dans ces histoires, c'est que de telles déclarations passent comme un couteau dans le beurre. Elles sont accueillies comme vérité d'Évangile au Canada anglais, où elles ne font que renforcer des préjugés existants, et suscitent une large indifférence dans ce qui reste des salles de rédaction québécoises.
En les consignant à mon blogue, j'espère assurer que ces injures accumulées ne tombent pas dans l'oubli le plus complet...