Non seulement a-t-on imposé au Québec la Loi constitutionnelle de 1982, on a donné à des juges nommés exclusivement par Ottawa le pouvoir d'utiliser cette soi-disant Charte des droits et libertés pour dépecer la Loi 101 et enfarger le Québec à chaque détour!
Récemment, dans le jugement sur la taxe carbone, une majorité de juges de la Cour suprême du Canada a allègrement modifié le sens de l'article 91 de l'AANB de 1867 pour créer un nouveau «fédéralisme de supervision» en vertu duquel Ottawa peut envahir à volonté les champs de compétence provinciaux en invoquant «l'intérêt national».
Et maintenant voilà qu'un juge de la Cour supérieure du Québec, Marc-André Blanchard (nommé lui aussi par Ottawa), vient de se permettre de modifier l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour nous faire croire que laïcité et langue d'instruction sont synonymes! Si je ne l'avais pas lu, je ne l'aurais pas cru...
Pourtant, l'article 23 ne porte pas à confusion. Il a pour titre «Droit à l'instruction dans la langue de la minorité». Au début des années 1980, on y avait vu un rempart contre l'application de la Loi 101 dans le réseau scolaire anglais du Québec, mais par un étrange tour de force, il est devenu un tremplin juridique vers l'affirmation du droit de gestion scolaire des francophones hors Québec.
Mais toujours, les causes invoquant l'article 23 ont tourné autour des droits linguistiques minoritaires. Rien d'autre. Lisez le. Le texte est limpide. Ça ne prend pas un fin juriste pour comprendre le champ d'application de ce texte constitutionnel. Il fixe le droit pour les francophones et anglophones en milieu minoritaire d'être instruits dans leur langue, dans des écoles qui leur appartiennent.
L'article 23 ne transforme pas des commissions scolaires franco-canadiennes ou anglo-québécoises en petits États souverains. Toutes les autres lois, provinciales ou fédérales, doivent être respectées dans la mesure où elles n'enfreignent pas les droits linguistiques tels que définis à l'article 23.
L'Ontario oblige toutes les écoles de la province à enseigner le même programme d'anglais. Ainsi, l'élève franco-ontarien qui termine son secondaire doit réussir les mêmes examens d'anglais que les élèves anglophones. Cela ne limite pas son droit à l'école française. Donc hors d'atteinte de l'article 23... Le Québec n'est jamais allé aussi loin...
L'État provincial peut adopter à volonté des lois et règlements ayant des conséquences pour tous les établissements scolaires - diplômes requis pour enseigner, normes de santé-sécurité, jours fériés, taxes et impôts, accommodements divers, etc. - qui n'ont absolument rien à voir avec la langue d'instruction, et donc rien à voir avec l'article 23.
Alors quand l'État québécois décide de légiférer en matière de laïcité sans que cela ait un effet sur le droit à l'enseignement en anglais dans la province, les commissions scolaires anglaises (elles-même laïques) n'ont qu'à obéir. On pourra toujours faire valoir que l'interdiction de signes religieux enfreint leur droit de gestion, mais certainement pas en rapport avec le droit à la langue d'instruction.
Ça ne prend pas la tête à Papineau pour saisir cette évidence.
J'ai beau lire et relire le jugement Blanchard, j'ai peine à comprendre comment il a pu sérieusement écrire ce qui suit: «Dans la mesure où une ou plusieurs commissions scolaires anglophones décident que leurs institutions d'enseignement désirent engager et promouvoir des personnes portant des signes religieux parce qu'elles considèrent que cela participe à promouvoir et à refléter la diversité culturelle de la population qu'elles desservent, l'article 23 de la Charte empêche le législateur d'obvier directement ou indirectement à un tel objectif.»
Le port d'un signe religieux change-t-il quoi que ce soit à la langue d'enseignement d'un établissement scolaire? Non, bien sûr. Le lier à l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982 n'a aucun sens.
Si je ne sais pas comment le juge Blanchard a pu énoncer cette distorsion constitutionnelle, je sais cependant pourquoi. Il l'écrit lui-même. Il préfère la façon dont les commissions scolaires anglaises font les choses en matière de «diversité». C'est on ne peut plus clair.
«Sans nier ni diminuer (sic) le fait que la reconnaissance de la diversité culturelle et religieuse existe et se trouve valorisée dans le système d'éducation publique francophone, le Tribunal (c.-à-d. le juge Blanchard) doit constater que la preuve non contredite permet de conclure que les commissions scolaires anglophones et leurs enseignants.es ou directeurs.trices accordent une importance particulière à la reconnaissance et célébration de la diversité ethnique et religieuse», précise le jugement.
Notez, pour les francophones, qu'il parle de «reconnaissance de la diversité culturelle et religieuse» alors que pour les anglos il évoque la «reconnaissance et célébration de la diversité ethnique et religieuse». Pas de célébration de la diversité ethnique dans les écoles françaises du Québec, semble-t-il... Mais ce n'est pas tout. Le juge Blanchard poursuit:
«Pour le Tribunal (c.-à-d. lui-même), il ne fait aucun doute que la diversité des appartenances culturelles et religieuses participe à l'élaboration de programmes didactiques qui visent à bonifier l'éducation multiculturelle et que la participation réelle de personnes représentant ces différentes appartenances constitue un atout, non seulement pour l'élève, mais également pour le corps professoral.»
C'est-y assez clair? Justin Trudeau n'aurait pas dit mieux. Une véritable profession de foi au multiculturalisme à l'anglo-canadienne. Mais dans tout cela, est-il une seule fois question du droit à l'instruction dans la langue de la minorité? Non. Parce qu'il n'y a aucun lien entre laïcité et langue d'enseignement, qu'on parle français ou qu'on parle anglais...
Le gouvernement Legault a déjà décidé de porter sa cause en appel. Il devrait faire plus. Il devrait laisser savoir aux Anglo-Québécois qui se moquent de nous, et à Ottawa qui nous regarde de haut, qu'il n'acceptera plus jamais de décisions rendues en matière constitutionnelle provenant de juges nommés par le seul premier ministre fédéral.
Y'a un boutte à toute!!!
La conception canadianiste multiculturelle qui anime le juge Blanchard l’autorise dans son esprit à interpréter la constitution comme un élastique extensible à l’infini puisque les droits religieux sont totalitaires dans la doctrine de l’État canadien depuis 1982. Mais face au principe de réalité, l’élastique va casser.
RépondreEffacerJe ne suis pas juriste mais cette réinterprétation frauduleuse de l'article 23 devrait conduire à une annulation pure et simple de son jugement machiavélique.
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