L'annonce de la nomination de Mary Simon comme Gouverneure-générale n'est que le plus récent pion placé par Justin Trudeau dans une campagne électorale qu'il a lancée sans déclaration officielle. Le premier ministre est parfois détestable, mais faut l'avouer: il est rusé.
Tout est calcul dans cette fiction d'annonces en provenance d'un gouvernement libéral minoritaire qui, de toute évidence, n'attend que le feu vert des sondeurs pour dissoudre un Parlement dans lequel il se voit obligé de négocier avec les oppositions.
Faire campagne sans la déclarer, sans justification, constitue un détournement flagrant de démocratie que permet notre système parlementaire. Et en matière de détournement de démocratie, les libéraux fédéraux sont des experts. Le Québec s'en souvient.
La nomination, aujourd'hui, d'une gouverneure-générale qui ne parle pas français constitue un accroc majeur à la convention voulant que le chef d'État connaisse les deux langues officielles du pays (voir communiqué de la FCFA à bit.ly/2UlMnRD), mais cela permettra aux libéraux d'emmagasiner plus de votes dans les franges francophobes du Canada anglais.
Le fait de nommer une Inuit épaissira le glaçage de réconciliation que beurrent les libéraux fédéraux sur un passé de racisme plus que systémique du gouvernement canadien contre des Autochtones qu'il a anglicisés même au Québec. Mary Simon en est la preuve.
Et au cas où la nomination d'une anglophone qui ne parle pas français comme vice-reine du Canada lui ferait perdre des appuis, le gouvernement Trudeau annonce le même jour un projet majeur de train à grande vitesse reliant Québec, Montréal, Ottawa, Toronto et Windsor, sous une pluie de compliments du maire de Québec, Régis Labeaume.
Les petits Québécois seront contents contents. Ils ne se rendront même pas compte que les francophones, à 21% de la population canadienne et en constante décroissance, ne font désormais plus partie des calculs stratégiques quand vient le temps d'affirmer les symboles monarchiques du beau-grand-bilingue Dominion...
L'avant-veille, Justin Trudeau avait annoncé un investissement de plus de 400 millions pour moderniser une usine d'acier, un des gros employeurs de Sault-Sainte-Marie, en Ontario, sous les yeux complaisants des médias et les yeux impuissants des quatre partis d'opposition où, sauf au Bloc québécois bien en selle, règne sans doute une certaine panique. Et Trudeau n'a pas besoin des circonscriptions du Bloc pour obtenir une majorité au Parlement.
Revenons à Mary Simon. Peu de dirigeants francophones oseront critiquer trop ouvertement sa nomination parce qu'elle est Inuit et que, présentement, telle critique causerait des démangeaisons chez les thuriféraires de la rectitude politique. Mais avouons-le: l'accession de Mme Simon au poste de chef d'État d'un pays ayant le français comme langue officielle constitue une claque en pleine face aux Québécois, Canadiens français et Acadiens.
On peut sympathiser avec elle quand on nous rappelle que les pensionnats et externats autochtones fédéraux, même au Québec, anglicisaient les enfants mais Mme Simon a travaillé à CBC et représenté le Canada comme ambassadrice au Danemark et aux Affaires circumpolaires. Durant toutes ces années d'expérience médiatique et diplomatique, elle n'a jamais eu l'idée d'apprendre la seconde langue officielle du pays et la seule langue officielle de sa «province», qui lui a d'ailleurs remis l'Ordre national du Québec?
Mme Simon a promis d'apprendre le français, une fois assermentée comme gouverneure-générale. Ce genre de promesse, que j'ai entendue des milliers de fois quand j'étais Franco-Ontarien et résident d'Ottawa, laisse sceptique, pour dire le moins. Elle aurait pu commencer à suivre des cours de français il y'a longtemps, ou même tout de suite, sans attendre l'assermentation. On nous prend pour des caves? Bonne question. Certains n'aimeraient pas la réponse...
Le premier mot québécois à enseigner à Mme Simon? Enfirouaper. C'est ce qu'on nous fait présentement. Encore. Trop souvent.
Merci pour cette analyse.
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RépondreEffacerVous avez bien raison, M. Allard. Presque tout est calcul politique. Seul le champ des oiseaux ne l'est pas, ni les sourires des enfants... Avec un cinquième du poids démographique du pays, les Franco-Canadiens ne sont plus, aux yeux des Anglo-Canadiens, que la plus importante des minorités ethniques du pays. Cela leur aura pris deux siècles et demi d'efforts soutenus pour parvenir à cette situation, ce qui prouve dans le fond l'importance d'être patients et constants. La seule façon de brasser la cage et de changer les choses, c'est d'unir les minorités et de chercher à ébranler la majorité. Autochtones, francophones, minorités culturelles, sexuelles, religieuses, sociales: unissez-vous! La Couronne britannique était le symbole de ce qui unissaient les Anglo-Canadiens d'autrefois, alors que celle-ci, aux yeux des Chinois de Toronto, des Indiens de Vancouver, des Acadiens, des Ukrainiens de l'Ouest, des autochtones et de tous les autres non-britanniques, devient (et continuera de devenir) de plus en plus quelque chose d'abstrait et d'extérieur, de non-essentiel et de superflu. Les Anglo-Ontariens, dans le fond, resteront le bouchon à faire sauter. L'avenir n'est pas encore écrit...
RépondreEffacerLes Anglo-Ontariens ont réussi à faire pendre Louis Riel. Il n'est pas trop tard pour le venger, même à tant de décennies de distance temporelle. Vengeons Louis Riel!
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