mercredi 16 février 2022

Ne comptez pas sur le Commissaire fédéral aux langues officielles...

Pendant qu'un consensus s'établit chez les francophones a mari jusque ad mare à l'effet que la langue française soit menacée même au Québec, et que la Loi sur les langues officielles du gouvernement fédéral doive être modifiée pour tenir compte de cette situation, les Anglo-Québécois se sont trouvés un allié de taille en faveur du statu quo: le Commissaire fédéral aux langues officielles, Raymond Théberge!

Comme d'habitude, les médias ne suivent pas de près les réunions du Comité permanent des langues officielles, au Parlement d'Ottawa, mais ils auraient eu avantage à prêter attention aux propos de M. Théberge lors de sa comparution du 9 février. Celui-ci, comme le Commissariat qu'il dirige, comme la loi qui le mandate, adhère depuis toujours à la thèse d'une symétrie parfaite entre la minorité anglophone du Québec et les minorités canadiennes-françaises et acadiennes ailleurs au Canada.

En vertu de cette thèse qui n'a rien à voir avec la réalité, les millions d'Ottawa dépensés chaque année au Québec pour des programmes découlant de la Loi sur les langues officielles ne servent qu'à protéger et promouvoir la langue anglaise! Le jour où on inclut le Québec comme territoire où le français est en danger, et que les lois fédérales sont modifiées en conséquence, les bottines doivent suivre les babines. Mais personne ne sait trop comment...

Le député du Bloc québécois Mario Beaulieu, un des vice-présidents du Comité permanent des langues officielles, a profité de la présence du Commissaire Théberge pour l'interroger à ce sujet et les réponses reçues augurent mal pour ceux et celles qui voudraient qu'on mette fin à cette symétrie, à cette égalité fictive entre Anglo-Québécois et francophones hors Québec. M. Beaulieu a commencé par le commencement: admettez-vous, a-t-il demandé à Raymond Théberge, que le français soit en déclin au Québec? 

Alors que tous s'attendaient sans doute à un «oui, mais...» de la part du Commissaire, celui-ci s'est contenté de dire que le français avait des défis à relever partout au pays, y compris au Québec, mais que la situation au Québec avait évolué en faveur du français. On constate, a-t-il dit, que les Anglo-Québécois sont aujourd'hui moins bien nantis que la majorité française du Québec. C'est le message qu'avait livré devant ce comité Marlene Jennings, du Québec Community Groups Network, il y a quelques mois...

Donnez-nous des exemples, a rétorqué le député du Bloc. «À un certain moment, on pourra vous offrir tout un complément de statistiques là-dessus», a répondu Raymond Théberge, précisant plus tard dans son témoignage que ces chiffres portaient entre autres sur les revenus et l'éducation. Rien de nature linguistique, cependant... Rien sur la langue maternelle, la langue d'usage ou la langue de travail... «Les Anglo-Québécois ont des défis particuliers, tout comme les francophones hors Québec ont leurs propres défis», d'ajouter le Commissaire.

Ainsi le Commissaire fédéral aux langues officielles, sans réfuter la thèse du français langue menacée au Québec, ne l'accrédite pas. Mais il appuie clairement cette notion d'une anglophonie québécoise minoritaire et défavorisée... Pire, comme l'indique sa réponse, le Commissariat aux langues officielles a compilé un dossier statistique important sur les anglophones du Québec, devant servir à réfuter les affirmations du Bloc québécois, du gouvernement du Québec et de tous ceux et celles qui voient depuis des décennies un déclin plus que perceptible de la langue française, notamment dans la région de Montréal où vit la moitié des Québécois.

À la députée libérale anglo-montréalaise Patricia Lattanzio, qui alléguait  qu'avec une législation asymétrique on créerait de nouveaux droits pour les francophones québécois au détriment de ceux de la minorité de langue anglaise, le commissaire Théberge a déclaré «comprendre les préoccupations de la communauté anglophone» et ajouté que les gouvernements devaient repenser l'asymétrie en fonction d'assurer une égalité réelle entre les langues française et anglaise au pays, pour que les «communautés en situation minoritaire soient robustes et solides».

Le Commissaire a bien insisté sur le fait que la modernisation de la Loi sur les langues officielles et les projets qui en découleront touchent aux principes de base de «l'identité canadienne» et font partie du projet politique canadien de «nation building» (construction de la nation) comme le multiculturalisme et la réconciliation. Il n'y a rien dans cette déclaration qui semble indiquer une préoccupation pour la protection et la promotion du français au Québec...


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