jeudi 24 février 2022

МОЛИТВОСЛОВБ pour l'Ukraine...

Pendant que Vladimir Poutine donne de sa main droite le signal de l'invasion militaire de l'Ukraine, sa main gauche oscille autour du bouton nucléaire...

Comment interpréter autrement son avertissement au monde entier de se tenir coi, au risque de subir «des conséquences comme vous n'avez jamais auparavant connu dans votre histoire»?

Et parce qu'assez de gens croient à la mégalomanie et la paranoïa de Poutine - bref qu'il s'agit d'un fou furieux, sans conscience - la planète assistera sans intervenir, impuissante, dans la honte et la peur, à l'agression russe qui risque de rayer l'Ukraine de la carte du monde.

Une nouvelle tache noire dans l'histoire de l'humanité.

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Le grand mot en majuscules signifie «Prières»

Je n'ai jamais visité l'Ukraine, autre que par les images de la télé, les articles de journaux et les livres d'histoire où j'ai appris qu'au fil des siècles, ce peuple a vécu la tyrannie des tsars, la répression des Soviétiques, les horreurs de Staline et Hitler, sans oublier la catastrophe de Tchernobyl, avant de trouver une petite place au soleil il y a une trentaine d'années, après la dislocation de l'URSS.

Et pourtant, sans avoir foulé le sol de Kiev, Kharkov ou Odessa, j'ai dans ma mémoire des souvenirs «ukrainiens». Je les avais presque oubliés. Dans une de mes bibliothèques, j'ai conservé un petit recueil de prières (МОЛИТВОСЛОВБ) du rite oriental catholique, imprimé en alphabet cyrillique, qu'un prêtre ukrainien m'avait offert vers la fin des années 1950.

Dans ma paroisse canadienne-française d'Ottawa (Notre-Dame des Anges), le sous-sol de l'église accueillait tous les dimanche matin une messe différente des nôtres. Le latin et le français y cédaient la place à l'ukrainien.

Comme j'étais un des seuls enfants de chœur disposé à servir une messe qui durait souvent une heure et demie, j'étais devenu un «régulier» et j'avais appris à connaître des membres de la communauté ukrainienne d'Ottawa qui, pour la plupart, savaient parler français. 

Ils étaient catholiques mais pas comme nous. Ils suivaient un rite qu'on appelait oriental. La langue m'était inconnue mais le prêtre, né sans doute à l'époque des tsars, m'avait appris à suivre la cérémonie et je commençais même à pouvoir prononcer correctement les lettres de l'alphabet ukrainien.

Ces gens, pour la plupart, avaient fui la répression et la violence dans leur mère-patrie. La Seconde Guerre mondiale n'était terminée que depuis une douzaine d'années à l'époque. Ils avaient apporté avec eux leur langue, leurs coutumes et leur religion. Je revois l'encensoir manié presque comme une arme offensive, la communion sous les deux espèces (inconnue chez nous en 1957-58), les petits enfants recevant une cuillère de vin de messe à la communion.

Mon grand-père maternel, cloué à son fauteuil roulant depuis près de 30 ans, était une encyclopédie vivante. Il m'avait montré, dans sa collection de timbres, les pages consacrées à l'est de l'Europe et on y trouvait quelques timbres de l'Ukraine, remontant à une brève période d'indépendance entre 1918 et 1923, entre l'empire tsariste et l'URSS.

La toute dernière série de timbres, imprimée en 1923, était consacrée à la grande famine qui sévissait en Ukraine depuis 1921. Affamés par les bolchéviques de Moscou,  environ 1 million et demie d'Ukrainiens étaient morts de faim... Une seconde famine (1932-33) sous l'URSS avait coûté la vie à plus de 4 millions d'Ukrainiens et est largement considérée comme une tentative de génocide...

J'ai pensé à tout cela en feuilletant les pages incompréhensibles de mon petit recueil de prières en ukrainien, imprimé à Rome (Italie) en 1922, que je traîne dans mes bagages de souvenirs, sans trop savoir pourquoi, depuis 65 ans... Tiens, mon seul livre en caractères cyrilliques a justement 100 ans cette année!

Je n'ai jamais revu ces familles ukrainiennes depuis les messes au sous-sol de l'église Notre-Dame des Anges (qui a depuis ce temps été convertie en église croate). Aujourd'hui alors que leur pays est de nouveau ravagé par les bombes, les chars d'assaut et les balles russes, j'essaie d'imaginer ce qui leur passe par la tête. S'ils sont enragés contre tous ceux et celles, y compris moi j'imagine, qui restent impuissants devant l'agression de Vladimir Poutine, je ne pourrais guère les blâmer.

Si j'avais réussi à apprendre l'ukrainien, j'aurais au moins pu leur offrir une des prières dans mon missel de 1922... Et si Dieu existe, peut-être aurait-il (elle) consenti à y répondre... parce qu'en 2022, sur cette Terre, la justice et la démocratie se font de plus en plus rares...


3 commentaires:

  1. Bonjour Pierre,
    Quel article inspirant! C’est une analyse tellement percutante de ce triste événement. Merci encore.

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  2. Cher M. PYA, j'ai l'impression que vous me blämez pour ce qui est passé lorsque vous avez quitté le Droit. Ce qui vous a été dit et ce qui s'est passé précédemment ne correspondent pas. La vraie personne à blâmer, c'est le plus jeune vice-président de la Presse canadienne, une étoile montante du fédéralisme francophone qui montait sans doute trop vite, trop haut et trop impitoyablement. Il y a des choses dont vous n'êtes pas au courant concernant ces événements. Ne serait-il pas mieux que vous les sachiez avant le grand saut vers l'infini, la rencontre avec Gaïa? Effacez ce message. M. CM

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  3. Qu'est-ce que vous entendez par ''la communion sous les deux espèces''? Je ne saisis pas le sens de cette expression...

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