Certaines gens voient les choses telles qu'elles sont et disent: «pourquoi?» Je vois les choses telles qu'elles n'ont jamais été et je dis: «pourquoi pas?» (adaptation libre de Robert Kennedy)
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Le texte de François Cardinal, vice-président information de La Presse, intitulé La fin du papier? (voir lien en bas de page), m'a laissé une arête dans la gorge. Comme aurait dit Bobby Kennedy, M. Cardinal voit «les choses telles qu'elles sont» et tente, du mieux qu'il le peut, de les expliquer. On retrouve chez lui les repères habituels de l'argumentaire entourant la disparition des journaux papier - la rentabilité des «modèles d'affaires», les coûts du papier, les revenus publicitaires en chute, les coûts de distribution, les baisses de revenus provenant du tirage et ainsi de suite. «La marche inéluctable vers la fin d'un modèle d'affaires qui tient de moins en moins».
Et c'est justement là le noeud du problème. En tenant pour acquis l'existence de quotidiens se conformant aux règles de l'économie capitaliste, où sévit une concentration extrême des capitaux et du pouvoir qu'ils permettent d'exercer, la presse imprimée est à peu près condamnée. À moyen terme, les quotidiens numériques itou mais c'est un scénario qui se profile à peine pour le moment. Il surgira, j'en suis sûr, quand on aura fini d'achever les «produits» (les journaux papier) qui risquent dans l'immédiat de rougir l'encre des bilans financiers.
Vous remarquerez que dans ce genre d'analyse, on passe sous un rigoureux silence (parfois embarrassé) certains des enjeux les plus fondamentaux de la presse écrite y compris le droit du public à l'information, la mission de renseigner de nos quotidiens, les multiples avantages du papier comme support de lecture, les dangers inhérents à miser sur le seul numérique, les effets civilisationnels de l'abandon de l'imprimé, les médias d'information comme assise de la démocratie, et bien d'autres. Écoutez François Cardinal: «Le problème, il se situe surtout du côté des colonnes de chiffres.» Mais c'est faux!
Les colonnes de chiffres préoccupent essentiellement les propriétaires d'entreprises qui s'intéressent à leurs organisations médiatiques dans la mesure où elles remplissent les coffres. Je n'ai rien contre ça. C'est ainsi que le système capitaliste fonctionne. Si les profits sont au rendez-vous, vous aurez votre journal papier. Sinon, on ferme les portes ou on vous laisse un onglet sur votre tablette ou votre téléphone. Jusqu'au jour où même l'onglet ne sera pas suffisamment rentable et là, en bon citoyen corporatif, on mettra tout le monde à la porte en blâmant les conditions du marché... Écoutez François Cardinal, ciblant les coûts du papier, «qui explosent en raison d'un marché contrôlé par une poignée de grands acteurs». Le capitalisme fonctionne ainsi: au plus fort la poche. Les autres, arrangez-vous...
Il est grand temps d'aborder de front le coeur de l'affaire. Sans une information quotidienne de qualité, préparée librement par des journalistes professionnels sur les meilleures plates-formes possibles, ce sera la glissade vers l'ignorance collective et la fin de nos démocraties. Cette glissade est déjà amorcée. Si le système capitaliste est dans l'incapacité ou indisposé à envisager l'information ainsi, alors il faut trouver autre chose et vite!
L'information est de loin plus importante que les colonnes de chiffres. Elle l'a toujours été, le sera toujours. Un journal quotidien n'est pas une vulgaire boîte de conserve sur une tablette. C'est un bien essentiel pour tout citoyen qui veut resté informé. Et sans citoyens informés, nous sommes à la merci des plus vils propagandistes. Un débat de fond s'impose sans délai, pendant qu'il reste encore quelques lambeaux de presse écrite dans nos kiosques. Mais il faudra compter sur l'engagement de citoyens soucieux de l'avenir du droit à l'information, parce que ce qui reste de nos salles de rédaction d'antan marche vers le précipice dans un silence parfois assourdissant!
Tant qu'on abordera la crise des journaux imprimés sous l'angle exclusif des modèles d'affaires, aucune solution n'est possible. Il faut sans tarder imaginer «des choses telles qu'elles n'ont jamais été et dire: pourquoi pas?» Nous ne manquons pas de cerveaux. Il est grand temps d'en rassembler autour de nos tables. Quand il ne restera plus rien, et cela arrivera si la tendance actuelle se maintient, ce sera trop tard!
SOS!!!
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Lien au texte La fin du papier dans La Presse+ : http://plus.lapresse.ca/screens/4d945848-e18f-42ec-8c17-164a0871d4a0__7C___0.html?utm_content=facebook&utm_source=lpp&utm_medium=referral&utm_campaign=internal%20share&fbclid=IwAR0kbF1GK_vTARLwaVE4XT08cLdjQi3ouaJ7cLzGVvu-dunQEKbjNafRDSk)
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