Capture d'écran de TVA Nouvelles |
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J'avais presque sept ans quand j'ai regardé pour la première fois un écran de télévision, à travers le moustiquaire d'une porte chez des cousins. C'était au début de juin 1953, et on pouvait vaguement y apercevoir, en noir et blanc sur fond gris enneigé, Elizabeth Windsor accédant au trône britannique. Je n'y comprenais rien mais l'empreinte de ces images est restée, indélébile, comme un heureux souvenir d'enfance. Mes parents n'avaient pas atteint la trentaine, la reine et son prince avaient la vie devant eux. Tout respirait printemps, jeunesse. Adolescent, puis adulte, je suis devenu anti-monarchiste, républicain convaincu, mais j'ai toujours associé à mes moments de bonheur l'accession d'Elizabeth au trône du Royaume-Uni.
Ce souvenir vieux de 70 ans a ressurgi quand que je me suis installé devant la télé un peu après 5 heures du matin, ce 6 mai 2023, pour suivre en direct le couronnement de Charles Windsor. Mais le repère jadis joyeux de 1953 s'est vite dissipé à la vue de ce vieillard (j'ai le droit de l'appeler ainsi, je suis plus vieux que lui) vêtu d'un costume d'allure médiévale, portant une lourde et laide couronne d'or pur sertie de 444 pierres précieuses, reprenant avec sa mine patibulaire paroles et gestes archaïques qui faisaient de lui souverain et chef religieux. Le rite entier évoquait le déclin et la corruption des symboles auxquels s'attache l'ancienne puissance royale d'outre Manche.
La cérémonie, essentiellement religieuse (de fait c'est une messe), rappelle aux citoyens-sujets que c'est le Dieu chrétien lui-même (sans doute un Anglican) qui a installé Charles III et sa famille sur ce trône, et fait de lui à la fois un monarque héréditaire et le chef de son Église d'Angleterre (défenseur de la Foi...). Ils doivent être rares, ceux et celles qui peuvent toujours croire de telles fables. Et qu'ont dû penser tous ces humains de multiples confessions ou athées qui, dans la cathédrale et à travers le monde, ont entendu Monsieur III affirmer sa défense du protestantisme anglais et jurer de transmettre sa couronne aux seuls Anglicans? Un tel engagement porte en lui une vision de l'inégalité des humains, l'intolérance religieuse, la rigidité doctrinaire, une réfutation de la démocratie et plus qu'une pincée de racisme.
En plus d'affirmer un assujettissement perpétuel de la masse de l'humanité, ce ramassis de rites et symboles d'époques révolues étale sur la place publique l'opulence de la famille Mountbatten-Windsor et de l'aréopage d'élites fortunées qui les accompagne, ainsi que les sommes exorbitantes investies pour ce spectacle télévisuel dans un monde où les mains tendues de la pauvreté, de la famine et de la maladie sont écrasées par les carrosses en or. J'ai vérifié. Le couronnement de Monsieur III a coûté plus de 400 millions $! Et c'est sans compter tous les autres millions que les invités de marque et leurs pays ont déboursés pour s'y rendre ou pour souligner l'événement (y compris le Canada), les factures colossales d'une mobilisation médiatique mondiale, ainsi que les fortunes en achats de souvenirs et de produits dérivés de tous genres. Quel gaspillage!
Je n'ai rien contre Charles Windsor et sa famille. Ce sont sans doute de bonnes gens. Mais ce sont des humains comme nous. Nos égaux! Ni Dieu (s'il existe) ni l'hérédité ne peuvent faire d'eux des rois et des reines et, du même coup, de nous des sujets de ces rois et reines. Louis XVI est passé de roi de France à citoyen Capet dans la nouvelle république. Je ne l'aurais pas guillotiné (je suis contre la peine de mort) mais après avoir vu le luxe débridé de Versailles je peux comprendre, sans les approuver, certains des excès de la ferveur républicaine. Heureusement pour nous, l'industrie contemporaine du marketing et divertissement, s'appuyant sur Internet et dérivés, n'existait pas à cette époque: les descendants toujours couronnés de Louis Capet et Marie-Antoinette auraient été assis en 2023 à l'abbaye de Westminster pour saluer Charles et sa bande. Que le président de la république française, Emmanuel Macron, se soit rendu à Londres pour rendre hommage à la monarchie britannique ne semble avoir soulevé aucune controverse au sud de la Manche. Quel reniement des valeurs républicaines!
Historiquement, la plus grande partie de l'humanité a été asservie ou assujettie, et trop longtemps accoutumée à laisser des dictateurs, monarques ou oligarchies de riches et puissants exercer le pouvoir à sa place. La démocratie républicaine est exigeante. Les dirigeants y sont les serviteurs, les mandataires du peuple, et non l'inverse. Au Canada, les citoyens sont toujours, en 2023, les sujets d'un roi... étranger par surcroit. En France comme dans toute république démocratique, le peuple occupe le sommet de la hiérarchie, et délègue son pouvoir à un président chef d'État. Bonnet blanc blanc bonnet, diront certains, et pourtant la différence est profonde sur le plan des valeurs. Le débat actuel sur la laïcité de l'État au Québec en fait foi. Le principe même de la laïcité heurte de front une constitution canadienne fondée sur la reconnaissance de l'autorité divine et l'obligation de fidélité à un monarque religieux anglican.
Se débarrasser de Monsieur III et de son trône obligerait le Canada tout entier à enclencher un remue-méninges qui mènerait bien au-delà du remplacement de la famille Windsor par un chef d'État élu. Les séquelles de l'ancienne monarchie, présentes partout dans les textes constitutionnels, permettent au premier ministre fédéral (et jusqu'à un certain à ceux et celles des provinces) de gouverner comme de quasi-dictateurs pendant quatre années avec un mandat majoritaire. Les vieilleries en politique, même lorsqu'elles paraissent inoffensives, ont parfois leur utilité et peuvent servir à éviter des remises en question salutaires. Alors on continuera de sortir le vieux trône d'Édouard, les sceptres, les couronnes bijoutées, les costumes médiévaux et les rites archaïques pour les descendants de Charles Windsor et sa bande. On continuera de voir leurs faces sur les timbres et la monnaie. Et les héritiers fédéraux des vieux pouvoirs monarchiques pourront continuer à imposer leurs constitutions sans consulter les Québécois (et les Canadiens), contrôler les tribunaux supérieurs, envahir des compétences qui ne sont pas les leurs, saper nos petites Loi 21, 96, 101 et semblables.
J'aimerais bien, avant de quitter ce monde, nous voir guillotiner ces liens constitutionnels avec l'édifice décadent, tout rouillé, de la monarchie britannique, et créer une république québécoise à notre image, dans le respect de valeurs démocratiques qui sont à la fois nôtres et universelles. Voilà ce que je retiens des quelques heures passées à écouter et regarder le couronnement de Monsieur III, Charles de son prénom, ce 6 mai 2023.
En fait le véritable nom de famille deCharles III Windsor est Schleswing-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg. C'est la même dynastie qui règne au Danemark et qui règna en Grèce de 1862 à 1924 et de 1936 à 1967. Le père de Charles, le Prince Philip était membre de la branche grecque de la dynastie danoise. Et le véritable nom de la défunte reine Elizabeth était Saxe-Cobourg-Gotha. Le nom, faisant trop allemand, fut abandonner pour celui de Windsor durant la Première Guerre Mondiale.
RépondreEffacerVive la République canadienne! Vive la République autonome du Canada! Ils nous faut plus de pouvoirs politiques, que ce soit dans le cadre d'une république à part entière ou dans celui d'une république autonome. Mieux vaut une république autonome s'inspirant du modèle français qu'une province britannique sur le modèle...britannique. Le Canada fait toujours partie de l'Empire britannique, qu'on qu'en pense. Ce n'est pas une confédération mais un royaume britannique. La Jamaïque va peut-être abandonner son statut de royaume britannique, après que la Barbade a fait la même chose. Sur la quarantaine de monarchies encore existantes, le tiers sont des royaumes britanniques!
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