lundi 28 décembre 2020

Le franglais et l'anglais à Radio-Canada

Si une chose a changé dans ma vie depuis le début du confinement pandémique en mars dernier, c'est que je regarde plus qu'auparavant les informations à la télévision de Radio-Canada. Les bulletins de midi, 18 heures, 22 heures. Des heures et des heures de lecture de nouvelles, de reportages, d'interviews, de bulletins de météo... Et aussi une quantité indigeste de publicités en grappes, parfois une douzaine d'affilée, occupant une part disproportionnée du temps d'antenne...

L'autre soir, en écoutant André Tourigny, entraîneur-chef de l'équipe junior du Canada, affirmer que les joueurs devaient «focusser» sur la «game» et de voir une telle déclaration, exemple parmi d'autres du massacre de la langue française dans les milieux sportifs, passer comme du beurre dans la poêle, je me suis souvenu de l'époque de René Lecavalier où Radio-Canada servait de phare à ceux qui oeuvraient à l'amélioration du français parlé et écrit, notamment au hockey.

Il fut une époque où les médias de langue française, les journaux en particulier mais aussi la télé et la radio, prenaient au sérieux leur devoir de présenter un français sans faute aux lecteurs et auditeurs. Au quotidien Le Droit, quand j'y suis arrivé en 1969, il y avait en poste une équipe de correcteurs à l'atelier de composition qui passaient au peigne fin tous les textes et les titres des nouvelles (et des publicités) pour offrir au lectorat la plus haute qualité possible de rédaction. Et les auteurs d'erreurs en étaient informés!

Manifestement, sur les ondes de la télé française d'État en 2020, ce genre de souci fait partie de lointains souvenirs. Jour après jour, l'absence de respect pour notre langue nationale est scandaleuse. C'est à croire que Radio-Canada a complètement oublié ses obligations linguistiques. Comment la télé française peut-elle présenter sans hésitation des pubs (Heineken, Pandora) où la totalité ou la quasi-totalité de la trame sonore est constituée d'une chanson anglaise, à laquelle on ajoute de peine et de misère quelques sous-titres ou une conclusion en français?

Comment Radio-Canada peut-elle offrir en toute conscience à son auditoire francophone une annonce du VUS Rogue (prononcé ROWGG en anglais) de Nissan qui s'adresse à votre «gang» d'explorateurs, à votre «gang» de plongée, à votre «gang» d'astronomes... Ou encore cette pub de Skip qui montre un couple québécois en train d'engouffrer un repas à bloquer les artères, avec le gars qui plonge son hamburger gras-dégoulinant dans une épaisse sauce en soufflant à sa conjointe, «Oh yeah!»... En matière linguistique, ces jours-ci, les publicités se campent au dénominateur commun le plus bas...

Si au moins tous les animateurs, reporters et invités des bulletins de nouvelles compensaient en offrant un français châtié, ce serait un moindre mal mais nombre d'entre eux commettent des fautes impardonnables sans sourciller. Combien de fois ai-je entendu au fil des mois «les (choses) que j'ai besoin», «se mériter» au lieu de mériter, débuter comme transitif, des verbes mal accordés, des problèmes maladroitement promus au rang de problématique, des anglicismes, ou même une expression ou un terme anglais quand un mot français tout à fait approprié est disponible. Et que dire des personnes interviewées durant les reportages? Parfois, les déclarations sont faites en anglais, sans sous-titre, sans explication, ou la qualité du français (même chez un francophone) est pauvre au point d'être quasi incompréhensible... Si c'est ça le français moderne, alors j'mets mon drapeau en berne comme diraient les Cowboys fringants.

Et je n'aborde ici que les bulletins de nouvelles à Radio-Canada. Quand j'écoute d'autres émissions, plus rarement, à la télé ou à la radio d'État, les oreilles me frisent. Les membres de la communauté artistique québécoise, qui circulent d'une émission à l'autre en boucle à l'année, trônent trop souvent au sommet des utilisateurs de mots anglais alors qu'ils accordent une entrevue en français.

Et je ne peux résister à mentionner la dominance des chansons anglaises à des émissions comme En direct de l'univers... Pourquoi Radio-Canada n'établit-elle pas une règle claire pour ce genre d'émissions: le réseau est français, les chansons sont en français. Les invités sauraient à quoi s'en tenir et proposeraient uniquement des chansons de langue française.

Même règle pour les émissions de variétés comme Tout le monde en parle, Parlons parlons, etc... Si un artiste est invité à présenter une de ses compositions, on établit clairement qu'il doit s'agir d'une chanson en français. S'ils veulent chanter en anglais, eh bien qu'ils s'en aillent à CBC ou à la télé privée de langue anglaise... ou à la radio anglaise. Ce n'est pas trop demander à la télé d'État française de respecter et de promouvoir la langue dans laquelle elle diffuse. Une langue menacée, qui en a bien besoin.

On m'accusera sans doute de cibler injustement Radio-Canada, qui fait peut-être mieux que toutes les autres chaînes. C'est bien possible. Je n'écoute pas les autres chaînes. Je n'en sais rien.

Des fin-finauds me rappelleront la vieille maxime: que celui qui n'a pas péché lance la première pierre. J'accepterais cette critique. J'en fais, des fautes. J'ai appris dans mon enfance le français de la rue dans mon petit quartier francophone d'Ottawa, avec ses fautes et ses anglicismes. J'ai tenté tout au long de ma vie de corriger les erreurs et de m'améliorer. Je dois bien ça à ceux qui m'ont transmis la langue et la culture françaises, ainsi qu'à ceux à qui je voudrais bien la léguer.

Avec mes petits moyens, j'ai fait des progrès. Mais Radio-Canada, avec de puissants moyens, ne semble faire aucun effort. Et cela me met en beau joual vert...


12 commentaires:

  1. C'est un excellent texte, Pierre Allard !
    Je vais le publier sur FB...
    Comme vous le dites, il fut un temps où R-C faisait vraiment la promotion de notre langue et de notre culture, en lien avec la Francophonie. Or, ce temps est révolu depuis les gestes des P.E. Trudeau et J. Chrétien.
    Nous en sommes depuis à la LA LIQUIDATION PLANIFIÉE (voir sur mon site, 'Les grands Labours' :
    https://grandslabours.blogspot.com/2020/05/la-liquidation-planifiee.html

    Sur la façon que j'estime essentielle pour que le français renaisse au Québec, prenez connaissance de ma réplique, dans votre 'messenger', à mon collègue Gérard Bouchard que Le Devoir n'a pas osé publier...
    Vos commentaires sont les bienvenus sur les propositions avancées dans mon texte où la RÉCIPROCITÉ Québec-Canada est mise en évidence...
    Tous mes meilleurs voeux pour 2021 !

    Jean-Luc Dion
    Ingénieur et professeur retraité
    Département de Génie électrique et Génie informatique
    Université du Québec à Trois-Rivières

    Courriel : JL.Dion@cgocable.ca
    https://www.facebook.com/jeanluc.dion

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  2. "Et je ne peux résister à mentionner la dominance des chansons anglaises à des émissions comme En direct de l'univers... Pourquoi Radio-Canada n'établit-elle pas une règle claire pour ce genre d'émissions: le réseau est français, les chansons sont en français. Les invités sauraient à quoi s'en tenir et proposeraient uniquement des chansons de langue française.

    Même règle pour les émissions de variétés comme Tout le monde en parle, Parlons parlons, etc... Si un artiste est invité à présenter une de ses compositions, on établit clairement qu'il doit s'agir d'une chanson en français. S'ils veulent chanter en anglais, eh bien qu'ils s'en aillent à CBC ou à la télé privée de langue anglaise... ou à la radio anglaise. Ce n'est pas trop demander à la télé d'État française de respecter et de promouvoir la langue dans laquelle elle diffuse. Une langue menacée, qui en a bien besoin."
    ***
    Merci M. Allard .
    Heureux de savoir que je n'étais pas seul à dénoncer Radio-Canada et ses émissions à saveur anglophone, par exemple En direct de l'Univers, ICI on Chante etc.

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    1. les pubs de langue anglaise traduite en français... tellement évident.

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  3. Merci monsieur Allard pour cette suberbe vue d'ensemble de l'état de notre langue dite maternelle. Pourquoi dis-je maternelle ? Parce que nombre de mères de jeunes familles sont si obnubilées par le "génie" de leur progéniture à apprendre et intégrer si rapidement à peu près n'importe quoi, qu'elles en oublient l'essentiel : leur lègue culturel francophone !

    J'en suis outré, mais c'est le cas, même au sein de membres de ma progéniture dont mes petites filles âgées de 6 et 8 ans sont déjà bilingues et se parlent même entre elles en anglais. Elles sont à l'école privée (Montessori), école qui modèle ces jeunes esprits à la langue de Shakespeare mieux, voire beaucoup mieux qu'à celle de Molière ! Celle de 8 ans a même de la difficulté dans l'apprentissage de cette dernière !!! C'est quoi le problème ?

    Pour certains gouvernants, [notamment d'appartenance anglo-saxonne (comprendre autres provinces), libérale, ethnique (faut appeler un "chat" un "chat") et j'en passe] le contexte nord-américain doit être privilégié plutôt que sacrifié à une poignée de francophone ! Ce qui m'exaspère le plus, c'est de constater les différences fondamentales de notre culture face à celle anglo-saxonne. Nous ne réfléchissons pas comme eux, notre identité a été forgée aux fils des siècles passés et maintenant que tous ces bien-pensants [ci-haut] ont constaté leur échec à nous assimiler, ils ont enfin trouvé le moyen ultime de le faire : Confronter notre "libre-arbitre" à nos contradictions ! WOW ! Ils réussissent enfin à nous "américaniser", le tout sournoisement avec l'appui de pseudo-intellectuels Français, dont la langue ne cesse de recourir soit à des mots anglais (alors que les équivalents français existent) ou à se forger des mots totalement idiots du style "footing" ou encore de recourir à une féminisation de mots tels que tout dernièrement avec "auteur" qui faisait "auteure" au Québec mais devient maintenant "autrice", dont je déteste la prononciation, ou encore l'utilisation de l'anglais dans les titres d'émission ("Live" au lieu du "direct" comme au QC) ou d'événements culturels et j'en passe !

    Je crains l'influence que l'Académie Française accorde à la langue de la rue "Meuf" au lieu de "ma blonde, ma compagne, mon amie, ma petite amie, une femme en général", j'en suis gêné, VS notre office de la langue française qui, elle, se veut plus mélodieuse (e.g. "auteure", "ingénieure", "mairesse" (féminin non utilisé en France !) et tout le travail effectué par cet organisme pour franciser nos anglicisme d'antan au niveau de l'industrie automobile etc.

    Si personne ne se lève pour crever la "balounne" des français de France et leur snobisme à la noix, et arrêter l'intrusion anglo-saxonne parmi nous, je ne sais combien de temps il nous reste avant l'assimilation majoritaire de notre Province (entendre "pays", peu probable mais possible) ?

    Charles-Henri Dumont, ingénieur retraité
    Optimiste de nature, mais pessimiste quant à l'avenir de notre langue !

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  4. Je propose que vous portiez plainte à l'ombudsman de Radio-Canada. J'y songe moi-même et suis en train de monter un dossier. Ça n'a pas besoin d'être long, mais avec des exemples comme dans l'émission, Plus on est de fous, plus on lit! Avec Marie-Louise Arsenault, le 10 septembre 2020. Un interlocuteur nous fait écouter un texte en anglais. À la fin il dit : « Je vous passe la traduction, ce serait trop long »? J'ai écrit à Marie-Louise Arsenault : Quel mépris pour vos auditeurs! » Elle n'a pas répondu.
    On doit faire quelque chose et une plainte est un début.

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  5. Bravo M. Allard.
    La situation exécrable que vous dénoncez à Radio-Canada est consternante. Dans certains cas, on ne parle ni français ni anglais, mais les deux à la fois: c'est du cajun ou du brayon comme on appelait la langue du nord du Nouveau-Brunswick. Sérieusement.
    Si ce n'est ni du français ni de l'anglais, le CRTC doit intervenir: il accorde des permis pour des sociétés qui diffusent en français ou en anglais. Si ces postes ne diffusent ni dans l'une ni dans l'autre langue, ils ne se conforment pas aux conditions de leur permis et le CRCT doit le leur retirer. La situation est assez grave pour justifier de telles mesures.

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  6. Bravo pour ce texte qui pose bien le problème de la dégradation du français à Radio Canada, aussi bien à la radio qu'à la télévision. Les exemples de français que vous citez me cassent aussi les oreilles, tout comme le fait que les lecteurs et lectrices des nouvelles commencent leurs phrases par une relative qui ne se rattache à rien. "Le gouvernement qui a décidé de ..." , au lieu de Le gouvernement a décidé que". Sans parler d'un ministre qui met "des si avec des rait" et un médecin hygiéniste qui dit que la désinvolture des gens face à la Covid, sala pas de bon sens....

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  7. Je vous taquine: les gens qui commentent et ne se sont pas identifiés portent le nom "Unknown".

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  8. C'est vraiment HONTEUX !!! Mais, malheureusement, je crois qu'on prêche dans le désert. Il fut un temps où Radio-Canada, radio et télé, était le phare de la langue française, par exemple, Henri Bergeron, Michelle Tisseyre, René Lecavalier, Jean-Louis Roux, et autres.

    LCN, RDI, avec des sous-titres avec des fautes d'orthographe ou du franglais. France24 qui affiche Paris en direct, Paris Live et Paris..... en arabe !!! L'Oréal de Paris qui annonce des produits en anglais.

    On retrouve souvent des anglicismes dans le Journal de Montréal et de Québec, Le Devoir, Le Droit et La Presse.

    Gilles Sauvageau
    L'Assomption

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  9. M. Allard, excellent texte et excellent plaidoyer. On ne cessera jamais d'être trop exigeant à ce qui touche la qualité de notre langue et ce qui se passe sur les ondes radio-canadiennes est tout simplement honteux. C'est une capitulation devant l'effort pas si immense qui est requis pour parler en ondes un français correct. Radio-Canada est devenue un radiodiffuseur comme les autres, et c'est là où réside le scandale.

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  10. Cher peuple,
    La présente est pour vous avertir que nous sommes en train de perdre Montréal, Laval et les municipalités environnantes. Toute la région métropolitaine, véritable coeur économique et démographique du Québec, est concernée.
    Cause de cette perte appréhendée : un cas d'anglicisation aiguë (stade critique, phase terminale). Le mal est en progression constante depuis l'automne 1995.
    Sachez, cher peuple, que le Parti libéral du Québec et le Parti libéral du Canada n'entendent pas faire grand-chose pour contrer le phénomène, pas plus que la Coalition avenir Québec (quoique celle-ci fait au moins l'effort de reconnaître un peu l'urgence du problème).
    Les quotidiens francophones fédéralistes traitent le sujet, mais à contre-coeur et un peu à reculons, parce qu'il faut bien le faire, même si ça contrevient à leur ligne éditoriale, selon laquelle tout va bien dans la Grande Famille Canadienne.
    Les journalistes fédéralistes, les éditorialistes fédéralistes et les rédacteurs en chef fédéralistes sont unanimes à préconiser un sourire béat et une attitude jovialiste. Il ne faut surtout pas déchanter : tout se porte à merveille et tout est sous contrôle.
    Rappelons que le sénateur libéral fédéral qui, la semaine dernière, avait interrompu ses tâches importantes (et très bien rémunérées) pour écrire au premier ministre canadien considère toujours qu'il ne faut pas s'inquiéter. Le français n'est pas menacé à Montréal et Laval : la preuve, c'est que le français utilisé sur les ondes de Radio-Canada Information est impeccable...
    En ce qui touche cette société d'État, il faut souligner qu'elle doit tenir compte de son mandat pancanadien. Ainsi, le sort du campus St-Jean, d'Edmonton, importe plus pour l'avenir de la confédération que la place du français dans la région métropolitaine de Montréal et Laval.
    Sur ce, cher peuple, permettez-moi de souligner que, si jamais nous perdons Montréal et Laval, il nous restera toujours les montagnes Rocheuses en guise de consolation.
    Bonne année, cher peuple, et bonne continuité. Charles Millar

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  11. Je suis fier de vous lire et d'entendre un message aussi cohérent au sujet de la qualité de notre belle langue française au Canada sur un réseau national de télédiffusion d'Etat qui devrait mettre et maintenir la barre plus haute en tout temps. C'est décevant d'entendre trop souvent un niveau de langue trop laisser aller et une espèce d'anglicisation des termes ou l'acceptation d'une certaine paresse linguistique. Il n'est jamais trop tard pour resserrer les rangs afin d'offrir un niveau de qualité en français plus acceptable et d'un niveau supérieur. C'est à nous tous de contacter Radio-Canada et de leur partager notre déception en ce qui concerne cette qualité du bon français lors de nos émissions préférées. C'est simple il ne suffit que de s'adresser à l'ombudsman a Radio-Canada et soumettre une plainte à ce sujet et si plusieurs d'entre nous le feront, et bien ils nous entendront et devront adresser la question d'ici peu, c' est à espérer! En toute solidarit, élevons nos voix et laissons-leur savoir! C'est plus que crucial! M-P Joanis a Toronto :)
    L'ombudsman (Radio-Canada) des services en francais: https://ici.radio-canada.ca/plainteset devenez aussi membres :https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/548989/tous-amis-radio-canada Ici, un fier Franco-Ontarien qui y tient a coeur! A+

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