lundi 7 décembre 2020

Avec le multiculturalisme, l'unilinguisme anglais...

Des élus manifestent contre le projet de loi 21 | Politique | Actualités |  Le Quotidien - Chicoutimi

Crédit photo: le quotidien.ca

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Au Canada, multiculturalisme égale, ou égalera un jour, unilinguisme anglais.

Quand j'ai finalement compris cela, tout s'est éclairci. Deux plus deux faisaient enfin quatre!

Je suis assez vieux pour me souvenir de la création, en 1963, de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme.

Personne n'aurait eu l'idée d'enquêter sur le bilinguisme et le multiculturalisme. Cela n'aurait aucun sens à l'époque.

Cette commission présidée par André Laurendeau et Davidson Dunton allait étudier ce que tout le monde reconnaissait comme étant le coeur de l'expérience pan-canadienne : la coexistence de deux peuples, de deux nations, chacun ayant sa langue et sa culture.

D'un côté, les collectivités canadiennes-françaises partageaient la même langue, mais avaient aussi en commun un certain vécu historique et des valeurs à l'image de l'expérience et de la culture françaises.

Les anglophones avaient leur propre trajet jonché de valeurs culturelles individualistes, principalement issues de la grande tradition anglo-britannique et anglo-américaine.

Deux langues. Deux cultures. Se touchant parfois, mais largement parallèles. Bilinguisme. Biculturalisme.

Quand Pierre Elliott Trudeau est arrivé au pouvoir en 1968, tout a été chambardé. Trudeau père n'avait jamais été friand des valeurs collectives et nationales des Canadiens français du Québec, préférant les valeurs individuelles à l'anglo-saxonne.

La politique du multiculturalisme, inaugurée en 1971, avait pour effet de consacrer l'égalité juridique du français et de l'anglais, mais de reléguer la culture historique canadienne-française (devenue québécoise) au rang d'une parmi tant d'autres.

Un exemple? La Loi sur les langues officielles affirme le droit d'un francophone de travailler en français dans la fonction publique fédérale, mais ne prévoit aucune mesure pour assurer le respect de ce droit. Pas de ministère ou de grandes unités administratives où la langue de travail serait obligatoirement le français, permettant aux nôtre de s'y sentir chez eux.

Le résultat? Noyés dans une majorité de langue anglaise, celle-ci devenant le vecteur d'intégration de la quasi-totalité des immigrants, les Canadiens français s'anglicisent de plus en plus au travail, et leur culture, ne trouvant plus de milieu favorable à son épanouissement, s'effrite avec la langue.

Au cours du dernier demi-siècle, hors-Québec et même à Montréal, l'arrivée massive d'immigrants a entraîné une diversification des collectivités culturelles et une multiplication de valeurs souvent opposées, coexistant tant bien que mal sous le parapluie du multiculturalisme.

Mais le le lien commun, le fil conducteur de cette cacophonie, c'est la langue anglaise. Au Canada, les gouvernements hors Québec semblent prêts à tous les accommodements pour les manifestations culturelles ou religieuses jadis étrangères, à condition que la langue commune de communication soit l'anglais. Et elle l'est!

Au Québec, où la majorité de langue française épouse des valeurs culturelles collectives différentes, on attend des nouveaux-venus qu'ils adoptent non seulement le français comme langue commune, mais qu'ils fassent des compromis lorsque certaines de leurs valeurs entrent en contradiction avec celles de leur foyer d'accueil. C'est un rejet du multiculturalisme à la Trudeau.

Ainsi la Loi 101, Charte de la langue française, la Loi 21 énonçant la laïcité de l'État, conformes aux valeurs et à la tradition françaises, mais une hérésie dans l'univers multiculturaliste pan-canadien de langue anglaise.

Pour de nombreuses franges multiculturelles, l'adversaire est désormais la nation québécoise, qui incarne la langue et la culture françaises vues comme un ensemble, comme un tout, comme porteuses de valeurs qu'on associe volontiers, et faussement, à l'exclusion, à la xénophobie et même au racisme.

Le partisans les plus radicaux du multiculturalisme ont raison de croire langue et culture indissociables au Québec, au Canada français et en Acadie. On ne peut attaquer l'une sans attaquer l'autre. On perd l'une, on perd l'autre. L'anglicisation entraîne des abandons culturels. Adopter les valeurs du multiculturalisme canadien mènera tout droit vers une assimilation linguistique.

Personne ne se surprend de voir des pancartes en anglais à une manif contre la Loi 101. C'est normal. Les Anglais se défendent. On sursaute cependant à chaque fois que les slogans et pancartes en anglais abondent à des manifestations contre la Loi 21 ou contre le soi-disant racisme «systémique». On ne devrait pas. Dans les deux cas, le même multiculturalisme est à l'oeuvre. On cible la langue, on cible les valeurs associées à cette langue.

Dans l'esprit des multiculturels, le Québec est d'abord canadien. Ils ne se voient pas comme minoritaires au Québec mais majoritaires au Canada. De plus, ils ont hérité des préjugés les plus vils et les plus tenaces des Anglo-Canadiens à notre endroit. Ils n'arrêteront pas de nous confronter, avec tous les moyens à leur disposition, jusqu'à ce que nous soyions prêts à hisser le drapeau blanc et accepter d'intégrer le «melting pot» canadian. 

Ce sera alors l'accélération de la fin de l'épopée nord-américaine de la langue française. Le bilinguisme et le biculturalisme auraient pu à la limite se concevoir. Mais le bilinguisme et le multiculturalisme, ici, au Québec, au Canada, ne s'accorderont jamais. Le multiculturalisme est, et restera, le fer de lance de l'anglais langue commune, langue d'intégration, même au Québec.

Malheureusement, quand cette réalité apparaîtra finalement au grand jour, il risque d'être trop tard.

L'identité, la langue, la culture, les valeurs, la nation que nous incarnons ont une noblesse, une humanité et une fibre démocratique qui rivalisent facilement avec celles du multiculturalisme anglo-canadien.

Nous avons le droit de défendre notre différence, notre contribution à la diversité culturelle mondiale, notre existence comme peuple. Ils ne nous aimeront pas. Tant pis!

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«S'il y en a qui sont pas contents, laissez-les faire leur petit drame.» Raymond Lévesque, La grenouille

 


3 commentaires:

  1. Une petite coquille dans votre article :
    "Cette commission présidée par André Laurence et Davidson Dunton allait étudier ce que tout le monde reconnaissait comme étant le coeur de l'expérience pan-canadienne : la coexistence de deux peuples, de deux nations, chacun ayant sa langue et sa culture."

    Évidemment vous avez voulu écrire André Laurendeau.

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    1. Coquille de l'autocorrecteur que je déteste. Dans ma tête j'écrivais Laurendeau. Un gros merci!

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