Vous avez sans doute entendu parler de la déportation de milliers d'Acadiens à partir de 1755... Pouvons-nous reconnaître que cette tentative de génocide constituait, entre autres, un geste haineux?
Et que la répression qui s'est poursuivie contre les Acadiens accrochés, coûte que coûte, à d'autres coins de leur patrie maritime, constituait un prolongement de cette haine des francophones?
En abolissant les écoles françaises (entre 1864 et 1873), le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince Édouard ne cherchaient-elles pas à compléter un génocide culturel amorcé au siècle précédent?
Alors quand un individu écrit sur le site Web de CBC, en ce début de 21e siècle, «Imaginez si tous les Acadiens avaient été déportés du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Imaginez comment les choses iraient mieux», émet-il des propos haineux?
Dans un registre bien plus terrible, sous Hitler, les Nazis ont développé une idéologie raciste qui a servi à tuer des millions de Juifs, de Slaves, de Gitans, d'handicapés et autres humains qu'ils jugeaient inférieurs aux peuples aryens.
L'horreur hitlérienne sera vue à jamais comme un monstre qu'il fallait à tout prix abattre.
Alors, quand un lecteur écrit dans le National Post que «Québec is run by a bunch of ethnic cleansing nazis that need to be eradicated from the landscape» (le Québec est dirigé par une bande de nazis qui font du nettoyage ethnique et qu'il faut éliminer du paysage), incite-t-il à la haine contre le gouvernement québécois?
Quand un second, dans la même édition du Post, évoque «le racisme inhérent des Québécois de langue française», ne fait-il pas de même?
Des commentaires semblables frôlent ou dépassent les limites juridiques de la liberté d'expression. S'ils étaient dirigés contre des Noirs, des Juifs, des Musulmans ou des membres d'une autre minorité visible (raciale, ethnique, religieuse), on invoquerait sur-le-champ le Code criminel du Canada qui, à l'article 319, stipule que:
«Quiconque, par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée, fomente volontairement la haine contre un groupe identifiable est coupable:
a) soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans;
b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par une procédure sommaire.»
Mais voilà. Ces déclarations haineuses sont dirigées contre les francophones du Québec, de l'Acadie et d'ailleurs au Canada. On se souvient de la tempête de venin qui s'est abattue sur le Franco-Ontarien Michel Thibodeau quand ce dernier a osé demander un 7up en français dans un avion d'Air Canada...
La langue française et ceux qui la parlent ont été si souvent injuriés depuis deux siècles que la frange la plus intolérante du Canada anglais se sent parfaitement autorisée à cracher sa haine à la moindre manifestation de résistance d'un individu ou d'un groupe francophone.
On a littéralement diabolisé les indépendantistes durant les années 60, au point où une majorité d'Anglo-Canadiens ont jugé parfaitement acceptable de mettre 500 Québécois innocents en prison pendant la crise d'octobre de 1970 pour de simples délits d'opinion.
Avec la Loi 101, les deux référendums, l'Accord de Meech, la crise d'Oka, le débat sur la laïcité de l'État et bien d'autres affirmations du Québec français, le ton a même monté et on peut voir dans les sites Web médiatiques des commentaires haineux comme ceux cités ci-haut sans que l'opinion publique anglo-canadienne ne sourcille...
Alors quand un professeur multi-diplômé d'une université reconnue (Amir Attaran, de l'Université d'Ottawa) affirme que le Québec est dirigé par des suprémacistes blancs et laisse entendre que les francophones sont racistes, faut-il se surprendre du silence du Canada anglais et de ses médias?
Souffler sur les braises d'un racisme anti-francophone profond serait donc permis par l'article 319 du Code criminel? Le seul enjeu ici serait celui de la liberté d'expression? Je serais curieux de voir ce qu'un tribunal en dirait...
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