«Un jour, prédit le dernier des franco-ontariens il y aura peut-être le dernier des québécois.»
Pierre Albert, Le Dernier des Franco-Ontariens, Éditions Prise de parole, Sudbury, Ontario, 1992
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Imaginez un avenir (peut-être-pas-trop) lointain...
Des Québécois francophones, désormais minoritaires sur leur propre territoire, en sont rendus à fonder l'Université libre du Québec (ULQ), ultime résistance après le saccage des programmes de langue française dans nos anciennes universités, devenues bilingues au fil des décennies...
Invraisemblable comme scénario? Pas si sûr...
Les Québécois devraient garder les yeux rivés sur les événements récents à Sudbury, en Ontario, où des profs d'université franco-ontariens ont été la bougie d'allumage de l'ULNO (Université libre du Nouvel-Ontario), un mouvement de résistance lancé après les coupes sauvages de programmes en français par la Laurentian University...
Si la tendance se maintient, pour citer Bernard Derome, ce qui se passe en «Franco-Ontarie» doit être vu comme un présage du sombre avenir qui guette le Québec français. Chaque Québécois doit comprendre que le combat à Sudbury risque fort d'être celui que mèneront un jour ses arrière-petits-enfants en terre québécoise.
Si on en arrive là, «le dernier des Franco-Ontariens» aura succombé, et «le dernier des Québécois» sera en vue, à l'horizon...
Nos médias, du moins ce qui en reste, doivent suivre de près la saga de l'ULNO, si ce n'est que pour faire comprendre au Québec le traitement que la majorité anglo-canadienne finit toujours par réserver aux Acadiens et Canadiens français minoritaires. Le même sort que nous subirons peut-être un jour, sur les rives du Saint-Laurent...
La lutte plus que centenaire des Franco-Ontariens contre un ethnocide planifié n'est qu'une excroissance de l'oeuvre entreprise par Lord Durham pour angliciser le petit peuple rebelle et français conquis en 1760. À Montréal ou à Sudbury, le mal qu'on nous veut est le même, comme la résistance qui en découle et le remède qu'il appelle: des solutions «par et pour» les collectivités de langue française.
Depuis 1912, les gouvernements de la majorité anglo-ontarienne ont tour à tour interdit l'enseignement en français dans les écoles puis toléré jusqu'aux années 1960 des écoles «bilingues» pour les francophones en les privant d'un financement suffisant, en surtaxant les contribuables franco-ontariens, pour enfin céder - grâce en partie aux pressions venant du Québec - un réseau scolaire de langue française au primaire et au secondaire.
Il a fallu attendre une vingtaine d'années de plus, jusqu'aux années 1990, pour obtenir quelques collèges de langue française ainsi qu'une pleine gestion scolaire «par et pour» les Franco-Ontariens au primaire et au secondaire. À l'universitaire, cependant, les francophones de l'Ontario restent captifs de deux grandes universités dites bilingues (Université d'Ottawa, Université Laurentienne) où ils sont minoritaires.
En Ontario, la majorité anglaise n'a jamais fait de quartier et si, un jour, les anglophones s'imposent au Québec, on n'a qu'à regarder ce qui s'est passé sur l'autre rive de l'Outaouais pour savoir ce qui nous attend. En 2015, après avoir volé pendant 100 ans des centaines de millions de dollars en impôts des Franco-Ontariens pour engraisser les écoles anglaises, un gouvernement libéral se disant francophile a affirmé sans gêne qu'il ouvrirait un petit campus universitaire de langue française à Toronto «quand le budget le permettrait»... Non mais...
Et que faisons-nous au Québec pendant que les Ontariens francophones se font effrontément éconduire pour avoir osé demander une seule université de langue française? En bons colonisés, on surfinance le secteur universitaire québécois de langue anglaise, et on laisse les collèges anglais assimiler des milliers d'allophones et de francophones avec des deniers publics. Pas de quoi attirer le respect de nos anciens Rhodésiens...
Plus que jamais, avant qu'il ne soit trop tard, il faut suivre de près - et soutenir - les activités de résistance en Ontario français. Pour le moment, des profs congédiés par l'Université Laurentienne attisent les braises de la mobilisation avec leur projet d'université libre et la tenue d'un troisième colloque Franco Parole à Sudbury en juin, à la St-Jean.
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Matière à lire:
* Des anciens de la Laurentienne créent l'Université libre du Nouvel-Ontario, dans Le Droit. bit.ly/3vUKSrh
* Une université libre créée par d'anciens professeurs de la Laurentienne. Texte de Radio-Canada. bit.ly/3efOUEy
* Un projet de fausse université francophone «pour faire rêver», par ONFR. bit.ly/33pQL3u
* En attendant vraie université francophone, en voici une fausse, dans La Voix du Nord. bit.ly/3nQW19I
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Que se passerait-il si des professeurs d'universités anglaises du Québec, congédiés parce qu'on avait coupé sauvagement le financement de programmes de langue anglaise, étaient acculés à créer une «université libre» et offrir en ligne des cours gratuits dans le but de mousser des appuis au sein de l'opinion publique? Toute la presse anglo-canadienne serait mobilisée, ainsi que les Nations unies, pour dénoncer notre «racisme», notre «xénophobie», et scruter nos moindres gestes.
Les Québécois doivent être tenus informés des luttes franco-ontariennes, et notamment de cette dernière, à Sudbury. Pour les soutenir bien sûr, mais aussi pour apprendre et en tirer les enseignements qui s'imposent. Si nous passions quelques semaines ou quelques mois à subir ce qu'ont subi les collectivités francophones hors-Québec, la Loi 101 retrouverait toute sa vigueur, et bien plus!
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«pour sa mort, le dernier des franco-ontariens a déjà souhaité la tenue d'un grand congrès ou la création d'une coalition, peut-être la publication d'un album souvenir... peut-être aussi l'organisation d'un grand gala, d'une performance, etc.» Extrait du grand poème Le Dernier des Franco-Ontariens, par Pierre Albert (Éditions Prise de parole, Sudbury, 1992)