jeudi 6 mai 2021

Enrichir notre vocabulaire...



Il y a quelques jours, sur Twitter, j'ai gazouillé ce qui suit:


J'ai dû toucher une corde sensible. Le gazouillis a attiré près de 300 commentaires sous forme de «J'aime», de re-tweets et de réponses. J'en conclus qu'il existe au sein du public québécois certaines inquiétudes pour la qualité de la langue parlée (et écrite sans doute) sur les ondes de notre diffuseur public.

Il serait grand temps qu'on s'en parle, et tant qu'à y être, que la discussion s'étende à tous nos médias et milieux de vie. 

La plupart des débats linguistiques au Québec (et ailleurs au Canada) sont bardés de chiffres démontrant, à partir de données des recensements, les reculs statistiques du français comme langue maternelle, comme langue d'usage, comme langue de travail, etc. La façon dont nous parlons et écrivons le français fait plus rarement partie de la donne. Et c'est bien dommage...

L'infiltration des mots et expressions anglais, ainsi que des anglicismes et calques de l'anglais, fait sans doute partie du processus d'anglicisation auquel nous sommes soumis depuis quelques siècles. Mais je persiste à croire que la pauvreté de notre vocabulaire y est aussi pour beaucoup. De tous les mots appris à l'école et ailleurs depuis l'enfance, combien en avons-nous retenus? Combien servent dans nos conversations et nos écrits?

J'y pense parfois en écoutant les conversations autour de moi à l'épicerie (là où notre univers prend fin ces jours-ci), en lisant les textes sur les médias sociaux, ou même en écoutant la télé de Radio-Canada... Ce que j'entends et je vois m'a convaincu que la qualité de la langue française, notre principal outil de communication, n'intéresse pas grand monde...

La prolifération de publicités télévisées avec fond de chansons anglaises, et même à l'occasion de dialogue anglais avec sous-titres, constitue l'un des symptôme les plus inquiétants de cette indifférence. Les entreprises sont très sensibles aux réactions des consommateurs ciblés et leurs coups de sonde doivent avoir confirmé une perception que l'anglicisation de leurs pubs serait sans conséquence... 

Que peut-on faire face à cette anglomanie systémique? Les protestations ne semblent rien donner. De toute évidence, Radio-Canada ainsi que les autres télés et radios ne s'intéressent pas à la qualité du français parlé sur leurs ondes. Nos gouvernements, ces jours-ci, font davantage partie du problème que de la solution. Et ce n'est pas demain qu'on va voir 20 000 personnes dans les rues de Montréal pour réclamer une amélioration du français parlé et écrit...

Faute d'abandonner ou d'attendre le grand soir du grand réveil (qui ne viendra pas à temps), il faut bien commencer quelque part. J'ai toujours cru qu'il n'y avait pas d'action collective possible sans un engagement individuel. L'histoire de l'humanité a démontré à maintes reprises qu'une personne seule pouvait, par l'exemple donné, changer le monde.

Et tant qu'à rêver, aussi bien rêver en couleur...

Serait-ce trop demander à ceux et celles qui aiment et respectent la langue française de s'engager davantage? Les moyens abondent. En ce qui me concerne, j'ai pris la résolution de diversifier mes lectures, tâchant d'apprendre tous les jours un ou deux mots de plus, et si possible, les utiliser dans des textes ou, plus rarement, dans des échanges verbaux. 

Les livres et publications politiques que j'affectionne n'étant pas de nature à varier substantiellement mon réservoir de mots, j'ai regardé ailleurs. Heureusement, mon épouse, avec quelques-unes de ses soeurs et amies, avaient mis sur pied un club de lecture qui favorise depuis plusieurs mois l'entrée chez nous de titres d'autres genres littéraires.

Un des récents, Le liseur de 6 h 27 (de Jean-Paul Didierlaurent), aura été un excellent tremplin. Au-delà d'une histoire absolument délicieuse, j'ai dû utiliser le dictionnaire une quinzaine de fois et fait quelques trouvailles que je vais tâcher d'intégrer à mes textes de blogue et à mes conversations.

D'autres me trouveront peut-être incultes de ne pas avoir connu ces mots mais que voulez-vous? Entre une éducation bilingue en Ontario au primaire et au secondaire, six années de science politique et 45 ans de journalisme, mes lectures ont été largement un concentré d'histoire, de politique et d'actualités.

Toujours est-il que Le liseur de 6 h 27 traînait sur la table de salon, et mon épouse Ginette me l'avait recommandé. J'ai accroché dès la première page de ce roman mettant en vedette un type qui réchappe des pages de vieux livres broyés par une machine à fabriquer de la pulpe à papier, et qui les lit au hasard, à voix haute, tous les matins, sur le train RER de 6 h 27 en route pour son travail dans la région parisienne.

Dès la première page j'ai découvert le mot «contrepèterie», que je n'avais jamais vu. Vite le Larousse (papier): une inversion de lettres ou syllabes dans un groupe de mots, créant une nouvelle expression. Un exemple? Le héros du roman, Guylain Vignolles, se fait souvent appeler Vilain Guignol... C'est une contrepèterie...

D'autres trouvailles m'attendaient... Politicard (personne dépourvue de scrupule et d'envergure politique)... Gueulante (clameur de protestation)... Échalas (personne grande et maigre)... Araser (user un relief jusqu'à disparition des saillies)... Turgescent (enflé, rigide)... Strapontin (siège d'appoint avec abattant, dans un autobus ou un train)... Etc.

Je vais tâcher d'utiliser quelques-uns de ces mots, et d'en ajouter au fil des mois et des années. Les entendre la première fois peut paraître étrange, mais on s'habitue et, sait-on jamais, d'autres finiront peut-être par les ajouter à leur vocabulaire. Si un nombre suffisant de Québécois s'adonnent au même exercice, peut-être les gouttes finiront-elles par créer une vague...

Je lance l'idée, comme ça, sur les réseaux sociaux. Un peu comme une bouteille à la mer... en espérant qu'un jour la qualité de notre langue devienne un enjeu pour tous et toutes...



5 commentaires:

  1. Intéressant monsieur Allard, ou si je peux vous appeler Pierre puisque nous avons étudié au secondaire les mêmes années. Par exemple, échalas aurait pu être transformé en échalote comme dans l’expression « il est grand comme une échalote ‘ entendu régulièrement ici à Montréal. Faut aussi s’entourer d’amis d’origine française et écouter la télé française via internet. Je n’écoute que les émissions françaises environ a 85%. La France se trouve aussi prise avec la lente anglicisation de sa langue.

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    1. Êtes-vous le Robert J. Murphy qui a fréquenté l'École secondaire de l'Université d'Ottawa (classe 12B) en 1962-63?

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Et que dire des profs d'université qui viennent "adresser" le problème à Radio-Canada pour enfin siéger "sur" un comité ?

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  4. L'occasion est trop belle pour le laisser passer. Il y belle lurette que j'observe les mêmes transgressions à la langue française dans les journaux et à la télévision. J'ai porté plainte, il y a quelques mois, au Journal de Montréal et au Devoir sans même qu'un accusé de réception me soit envoyé.

    La publicité de l'Oréal de Paris est truffée de mots anglais. Sur France24, une émission est titrée Paris France en direct, Live from Paris et..... en arabe.

    Imaginez la France qui devrait donner l'exemple avec son Académie française fondée en 1635 par le cardinal de Richelieu. Vous pourriez avoir la surprise de lire des phrases comme: « Les ventes outdoor sont annoncées dans le newsletter pour vous aider à faire votre shopping. ou Vous pouvez voir vos émissions favorites en replay. »

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