Des centenaires et des cinquantenaires il en pleut... et tous, à leur façon, méritent sans doute de laisser une empreinte dans les mémoires individuelles et collectives. Il est un cinquantenaire, toutefois, qui risque de passer sous silence et ce serait, à mon avis, tragique.
Il y a 50 ans, le 6 juin 1971, quelques mois après la fin de la crise d'octobre 1970, l'album Québékiss de Marie Savard (dans le sillage de Poèmes et chants de la résistance, vol. 2) est entendu pour la première fois. Peut-être faut-il avoir vécu l'époque pour comprendre comment le disque a pu marquer ce moment clé de l'histoire du Québec, mais même en 2021, il suffit de le réécouter pour savoir à quel point il reste actuel.
Ce sont les paroles et la musique de résistants qui viennent de prendre la mesure de la force brutale d'un régime, d'un pays qui n'a pas hésité à imposer les mesures de guerre pour écraser la volonté naissante de liberté et d'indépendance du peuple québécois, sous prétexte de traquer une poignée de felquistes. Désarmés face aux militaires, sans pouvoir politique, nous avons chanté notre insoumission.
Dans Mon homme est en chômage, de Marie Savard, la blonde du chômeur lui dit: «Mon beau, t'es ben plus beau qu'les parlements pis les ministres. Si tu savais comment y'ont peur, t'as pus rien qu'à te tenir debout... T'as pu besoin d'faire le dit gars, t'as un pays entre tes bras.»
La chanson La nuit du 16 octobre (la nuit des mesures de guerre) évoque de façon crue la répression qui visait officiellement le FLQ mais qui ciblait en réalité le mouvement indépendantiste: «Ils ont voulu tuer un pays... Ils en ont pris cinq cents, gardé cinquante, fouillé trois milles... Ils ont voulu casser, tuer un pays.»
Et que dire de la finale, intitulée Québékiss, avec ses exhortations à l'engagement militant... «On a fini d'survivre... d'être né pour un p'tit pain... Il faut tuer la peur...», suivi du slogan que tous scandaient au début des années 1970: «Ce n'est qu'un début, continuons le combat». Cette chanson a dû jouer pendant au moins un an à toutes les réunions du conseil confédéral de la CSN...
L'album a été interdit à la radio, toujours ébranlée par le climat des mesures de guerre, et même retiré du marché (bit.ly/3c7MGpg). C'est dire toute sa puissance et la crainte qu'il inspirait dans certains milieux. Je n'avais que 24 ans en juin 1971 mais je me souviens que cette musique, comme celle d'autres artistes, Jacques Michel, Félix Leclerc même, incarnait l'esprit de résistance et l'espoir d'un pays bien à nous.
Cinquante ans plus tard, rien n'a vraiment changé, sauf peut-être la jeune génération qui se comporte parfois comme les vieux de mes 20 ans... Jamais le pays n'a semblé si éloigné... L'album Québékiss devrait faire partie des cours d'histoire des étudiants québécois de 2021... Non seulement les informerait-ils d'événements vécus quelques générations avant eux, mais, qui sait, peut-être certains retrouveraient-ils dans ces paroles et musiques l'étincelle qui rallumerait les braises de notre résistance...
Plus que jamais, ce n'est qu'un début. Continuons le combat.
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EffacerCe n'est pas un commentaire à propos de cet article mais je n'ai pas de compte Twitter. Donc, à propos de "Si je comprends bien, Ottawa veut que le pape s'excuse d'avoir laissé ses religieux exécuter les basses oeuvres... d'Ottawa! Y'a quelque chose d'un peu indécent là-dedans..."
RépondreEffacerCela ressemble à l'esprit de la Déclaration Royale de 2003 à propos de la Déportation des Acadiens.
Extrait: "Whereas this Our present Proclamation does not, under any circumstances, constitute a recognition of legal or financial responsibility by the Crown in right of Canada and of the provinces and is not, under any circumstances, a recognition of, and does not have any effect upon, any right or obligation of any person or group of persons."
Tout le teste est, par ailleurs, fort intéressant.
http://www.indigenouspolicy.org/index.php/ipj/article/view/558/547