samedi 15 janvier 2022

Cher M. Roberge...

Lettre à Jean-François Roberge, ministre de l'Éducation du Québec.


capture d'écran du quotidien Le Devoir

Cher M. Roberge,

Dans une entrevue récente au Journal de Québec ((9 janvier 2022), vous estimiez qu'il n'était pas nécessaire d'appliquer la Loi 101 aux cégeps pour protéger la langue française au Québec (voir bit.ly/3qsGMXl). «La solution ça se passe au primaire et au secondaire», avez-vous déclaré à la journaliste Geneviève Lajoie.

Selon le texte du Journal de Québec, vous expliquiez de la façon suivante le fait que les cégeps anglais se remplissent d'étudiants francophones et allophones: «Devant la piètre maîtrise de l'anglais de leurs enfants au sortir du secondaire, plusieurs parents dirigent leur progéniture vers les cégeps de langue anglaise».

Et le texte d'ajouter: «Le ministre croit qu'on peut travailler sur (sic) l'amélioration du niveau d'anglais des jeunes, mais la priorité "absolue" doit être mise sur le renforcement de la maîtrise du français».

J'ai peine à croire que vous vivez dans le même monde que moi. Avez-vous vu les résultats récents des élèves de Secondaire 5 en orthographe? Plus de 40% ont échoué, n'ayant pas réussi à écrire un texte de 500 mots avec moins de 15 fautes! (voir bit.ly/3I89dzF)

Ce sont là les élèves à qui le gouvernement québécois propose depuis 2011 une immersion totale en anglais pour la moitié de leur sixième année du primaire! Ce sont les mêmes élèves qui, en nombres croissants, fréquentent des cégeps de langue anglaise et, éventuellement, étudieront en anglais à l'université.

Et c'est sans compter les milliers de décrocheurs francophones qui iront grossir les rangs de ceux et celles qu'on appelle «analphabètes fonctionnels», incapables de lire, et encore moins d'écrire, des textes ayant la moindre complexité. Ils sont déjà près de 50% de la population!

Et vous me dites que des parents se plaignent de «la piètre maîtrise de l'anglais» à la fin du secondaire? Les informez-vous que le français est notre langue commune, le coeur de notre identité, et que la piètre maîtrise du français a beaucoup plus d'importance?

Faites-vous un effort de donner l'exemple dans vos communications écrites et verbales, tant internes qu'externes? J'ai peine à le croire quand j'entends, à la télévision, MM. Legault, Dubé et Boileau parler de «choses qu'ils ont besoin», «assumer que ça ira mieux», ou évoquer le «peak» de la pandémie?

Pensez-vous vraiment accorder au français cette «priorité absolue» quand vous ouvrez les cégeps anglais (et non anglophones comme on entend si souvent) aux enfants de la Loi 101 qui, en grands nombres, baragouinent un français bourré d'anglicismes et de mots anglais? Vous les laisserez fréquenter des cégeps où ils apprendront le vocabulaire de leur futur métier ou profession en anglais, et ce, dans un territoire où le français est censé être LA langue de travail?

M. Roberge, sortez de votre cocon et venez faire un tour à Montréal ou en Outaouais. Les horreurs que vous entendrez dans les couloirs des écoles, dans les rues, commerces et autres lieux publics ne vous laisseront pas, je l'espère, insensible. Et si vous trouvez tel exercice trop exigeant, contentez-vous d'ouvrir la télé à un bulletin de nouvelles ou une émission de variétés. Ce n'est pas très édifiant par moments...

Comme bien d'autres, j'en ai assez de voir des gouvernements qui affirment vouloir assurer la pérennité et la progression du français, mais ne s'en tiennent qu'aux belles paroles et reculent quand ils sentent la soupe chaude, par crainte de se voir, une fois de plus, taxés de xénophobie ou de racisme pour avoir défendu la langue française.

Dans le dossier de la laïcité, en dépit des excès verbaux et des luttes juridiques, la marmite ne bouillonnait pas tant que le combat en était un de paroles et de textes. Mais il a suffi qu'une enseignante de Chelsea soit réaffectée parce qu'elle portait un hidjab pour que les menaces fusent de partout, notamment d'une grappe grossissante de grandes villes anglo-canadiennes et du gouvernement fédéral. Mais il fallait en arriver là un jour ou abandonner la laïcité de l'État.

La promotion du français empruntera des sentiers similaires. De belles paroles ne suffiront pas. Il faudra faire ce qu'il faut pour mettre un frein à l'anglicisation de nos jeunes et assurer des milieux de travail de langue française. Mettre fin à l'anglais intensif en 6e année et appliquer la Loi 101 aux cégeps, entre autres, susciteront un tollé au Canada anglais (et même chez nos francophones). Mais ce sont des mesures nécessaires.

Vous savez, M. Roberge, ce qui finira par arriver si vous n'agissez pas avec fermeté sans délai. Ouvrez vos yeux, vos oreilles. Écoutez En direct de l'univers, Star Académie, ou toutes ces stations de radio qui se disent françaises... Ce qui s'en vient est déjà en marche. Dans quelques générations, notre français sera du «chiac», puis disparaîtra peu à peu. Le problème sera réglé. Vos arrière-petits-enfants iront tous au cégep anglais parce que vous n'avez pas agi quand cela aurait pu faire toute la différence...


1 commentaire:

  1. Moi aussi, je pense qu'il faut abolir l'enseignement de l'anglais dès la sixième année du primaire et je retarderais de quelques années son introduction à nos jeunes. De même, la loi 101 devrait s'appliquer aux étudiant-e-s du cégep. J'ai l'impression qu'il y a un réveil progressif depuis quelques années et que la fibre nationaliste des francophones sort de l'hibernation où elle s'est retrouvée à la suite du référendum volé par le fédéral en 1995. Le monde n'est pas fou. On peut le tromper un certain temps, mais pas tout le temps.

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