Je suis né et j'ai grandi à Ottawa, dans une vieille famille franco-ontarienne de souche, avant d'emménager au Québec en 1975. J'ai milité au sein d'organismes franco-ontariens. Au début de 1969, ayant vu l'Ontario français s'effriter de plus en plus rapidement, j'ai adhéré au Parti québécois, qui venait de voir le jour. J'étais loin d'être seul à agir ainsi. Le PQ s'était même vu obligé de créer une section «hors Québec»...
Ayant vécu l'anglicisation massive en Ontario, ayant décortiqué les données du recensement fédéral de 1961 (qui seraient renforcées par celui de 1971), j'avais acquis une certitude. Pour assurer la pérennité de l'aventure canadienne-française en Amérique du Nord, le Québec devait devenir un État indépendant et unilingue français. Je n'ai pas changé d'idée depuis. Et la réalité du dernier demi-siècle n'a fait que renforcer cette conviction.
À la fin des années 1960, le Parti québécois s'était imposé comme seul véhicule politique du mouvement indépendantiste, sans doute à cause de la force et du charisme de René Lévesque, seul capable de créer des ponts entre la droite d'un Gilles Grégoire et la gauche d'un Pierre Bourgault. Même le felquiste Pierre Vallières avait renoncé à la violence pour se joindre au PQ en 1971. Cette unité, tous s'en doutaient, ne pourrait durer éternellement. Les espoirs, les réussites et les échecs la mettraient à dure épreuve.
Et si l'objectif ultime d'un Québec français et indépendant ne devait sous aucune condition vaciller, les moyens de l'atteindre ont toujours été l'objet d'un débat animé, voire acrimonieux. La décision de faire entériner la souveraineté par voie référendaire a probablement assuré l'élection du PQ en 1976 mais cette stratégie est devenue le talon d'Achille du mouvement après le cul-de-sac de 1980, le coup d'État fédéral de 1982, l'échec de Meech et surtout, l'amère défaite de 1995...
De décennie en décennie, le Parti québécois continue de traîner ce boulet référendaire dont plus personne ne veut vraiment et qui aura, comme seul effet à moyen terme (à moins d'une intervention divine), de clouer pour de bon le cercueil de la souveraineté. Après un slalom de 53 ans qui ne nous a pas menés à la ligne d'arrivée, le temps n'est-il pas venu de retourner au point de départ et de planifier un trajet en mettant à profit les bons et mauvais coups encaissés depuis la fin de 1968?
Réunis au début de décembre 2021, les délégués à un mini-congrès d'orientation du Parti québécois ont réitéré leur intention de déclencher un troisième référendum sur la souveraineté dès le premier mandat si jamais le PQ forme un gouvernement (voir bit.ly/3HZQUNi). Entre ça et se tirer dans le pied, il n'y a guère de différence. Confronté à un déclin constant de l'appétit indépendantiste, à une division des forces avec la présence de Québec solidaire, à l'accaparement du discours nationaliste par la CAQ, à l'effritement du français dans la métropole et ailleurs, à une quasi marginalisation médiatique, le vaisseau amiral de la souveraineté doit faire mieux que de proposer une coupe de ciguë à l'électorat...
Les chemins empruntés depuis les années 1970 nous ont laissés dans un cul-de-sac juridique et constitutionnel. Inutile de reprendre les mêmes sentiers. Le point d'arrivée sera le même, ou pire. Un exemple? La Loi 101, adoptée en 1977 puis charcutée par les tribunaux fédéraux. Tirons-en les enseignements qui s'imposent. Colmater aujourd'hui les brèches béantes dans la Charte de la langue française nous mènera devant les mêmes tribunaux, avec les mêmes résultats. Un véritable gouvernement national du Québec commencerait par dire à Ottawa que c'en est fini ce régime où les lois québécoises sont jugées et interprétées devant des tribunaux nommés par le seul premier ministre du Canada. Qu'à moins de créer un tribunal paritaire Québec-Ottawa, l'Assemblée nationale refusera de plaider devant les juges fédéraux et ne reconnaîtra pas la légitimité de leurs décisions. Et que faute de créer un milieu juridique où les dés ne sont pas pipés, Québec fera à sa guise et francisera le territoire à coups de «nonobstants».
À ceux qui croient telle éventualité tirée d'Alice au pays des merveilles, le gouvernement Legault y sera bientôt confronté avec la Loi 21 sur la laïcité de l'État, qui fera son petit bonhomme de chemin d'une cour fédérale à l'autre, jusqu'à la Cour suprême. Si, éventuellement, les juges d'Ottawa estiment notre laïcité inconstitutionnelle et refusent le recours à la clause nonobstant, la CAQ aura le choix d'obéir comme nous l'avons toujours fait, de reconnaître que notre nation minoritaire est et sera toujours soumise aux diktats de la majorité anglo-canadienne, ou envisager autre chose... Voilà ce que le PQ doit décortiquer, cet «autre chose», pour ensuite proposer des voies d'action gouvernementale susceptibles de rallier la population et surtout, de clarifier les enjeux. Pour faire un pas de plus vers l'indépendance.
Au lieu d'une fixation référendaire, le PQ doit prendre Ottawa comme exemple, qui nous a imposé une charte constitutionnelle infecte en 1982 par une simple nuit des longs couteaux où le gouvernement québécois n'était pas invité, et sur laquelle les Québécois n'ont jamais pu se prononcer parce qu'Ottawa s'était donné le droit de défoncer les compétences du Québec sans recourir à un référendum. Le Parti québécois doit indiquer clairement que sous sa gouverne, le Québec ne reconnaîtra plus cette Charte qu'on nous a plantée dans le dos, réaffirmera le droit de véto constitutionnel que nous avions depuis 1867, et exigera un nouvel arrangement avec le Canada anglais qui bonifiera l'asymétrie du fédéralisme canadien, consacrant l'autonomie de la nation québécoise. On peut deviner ce que cela donnera. Une fin de non-recevoir mais une clarification additionnelle des enjeux.
D'autres actions rassembleuses sont accessibles sans même modifier la constitution actuelle du Canada. Combien de fois a-t-on entendu des gens réclamer une participation du Québec comme État national fédéré à des compétitions sportives internationales, comme le font déjà des territoires comme l'Écosse, le pays de Galles, Hong Kong, Puerto Rico, qui ne sont pas des pays. Comment savoir si c'est impossible tant qu'on n'a pas fait les démarches? Et si on veut frapper le grand coup, le PQ pourrait proposer l'admission du Québec aux Nations Unies comme État national fédéré. Il y a des précédents: l'Ukraine et la Biélorussie siégeaient aux Nations Unies à l'époque où elles étaient membres de la fédération de l'URSS. Vu les frasques récentes de l'ambassadeur du Canada anglais à l'ONU, le Québec serait parfaitement justifié de demander qu'on puisse l'entendre au concert des nations.
Ce ne sont là que quelques exemples d'actions que le Québec pourrait, au-delà d'un bon gouvernement social-démocrate, entreprendre sans sombrer dans un bourbier référendaire. Le PQ ne prendra pas le pouvoir en 2022 mais le temps presse. Sur le plan de la francisation et de l'indépendance, le gouvernement de la CAQ ne nous mène nulle part. Le discours de Legault plaît, mais ne débouche sur aucune action de substance (sauf en matière de laïcité). Au cours des quatre prochaines années, le Parti québécois doit se donner un programme de gouvernement imaginatif, réaliste et rassembleur, clairement axé sur l'objectif de la souveraineté. SANS RÉFÉRENDUM!
En 2026, le PQ fêtera les 50 ans de son accession historique au pouvoir sous René Lévesque, en 1976. Ce sera l'année de la relance, ou de l'enterrement. Je préfère la relance...
Je ne savais pas que vous étiez à ce point nationaliste et encore moins que vous aviez été (et êtes encore?) membre du Parti québécois. Quoi qu'il en soit, il m'apparaît évident, si l'on veut assurer la pérennité de notre culture en ce coin de continent, d'obtenir plus de pouvoirs, soit comme république indépendante, soit comme république autonome au sein d'un Canada refondu et réformé de fond en comble, incluant l'abandon de la monarchie, le renforcement des pouvoirs et des territoires accordés aux autochtones, etc.
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