jeudi 20 janvier 2022

Entre les pubs et les mises en scène...

J'ai le droit d'être un vieux journaliste chialeux... À 75 ans je suis vieux. Je suis journaliste depuis 1969. Et je suis chialeux depuis toujours...

Permettez-moi donc de pester un peu contre les bulletins de nouvelles de Radio-Canada, où le véritable journalisme semble céder de plus en plus la place au spectacle. Je ne dis pas que c'est mieux ailleurs. Je ne regarde que les bulletins de Radio-Canada, alors je ne sais pas. C'est peut-être pire ailleurs...

Je suis conscient que la télé n'est pas la presse écrite et qu'on ne construit pas une émission de nouvelles comme on remplissait les pages de mon journal imprimé, Le Droit, avant qu'il ne disparaisse le 24 mars 2020. Mais dans un média comme dans l'autre, le contenu est rédigé par des journalistes.

Les informations, ce n'est pas sensé être une émission de variétés où se succèdent des interviews entre chefs d'antenne et journalistes (ou invités) entre deux ou trois segments d'une vingtaine de pubs. On n'est pas rendu à «Salut tout le monde, c'est l'heure Info Max avec la vedette des ondes, Patrice Roy» sur fond de musique rock, mais parfois je trouve qu'on s'en approche.

Commençons par le commencement. La matière première d'un bulletin de nouvelles comme d'un journal, ce sont des textes écrits par des journalistes, des images captées par des photographes, ainsi que des enregistrements audio et vidéo. On y parle d'événements passés, en cours ou futurs. La diffusion peut se faire en différé ou en direct.

Mais la question reste toujours la même, du moins du point de vue journalistique: comment assembler les morceaux du casse-tête régional, national et international pour offrir au public un bulletin ou un journal qui présente le plus complètement possible l'actualité, qui renseignera le mieux possible l'auditoire. Et c'est là que ça dérape. C'est là où la forme prend souvent le dessus sur le fond...

Le format de nos bulletins de nouvelles télévisés (régionaux mais aussi nationaux) semble conçu pour présenter un nombre minimal de nouvelles. J'ai compté jusqu'à une vingtaine de publicités dans une demi-heure d'informations, et ce, à Radio-Canada, le diffuseur public financé à même les fonds de l'État. Déjà là, c'est trois, quatre ou cinq reportages de moins. Mais il y a plus.

Le lecteur (chef d'antenne) n'est pas assis pour lire les informations à un débit raisonnable et faire la présentation des journalistes qui ont préparé un reportage. Non, il se promène sur le plateau, parfois accompagné d'un(e) autre journaliste, et présente les topos sous forme d'une conversation avec un reporter qui, plutôt que renseigner le public directement, attend les questions du chef d'antenne. C'est peut-être de la bonne télé, mais c'est du journalisme douteux. Pire, en plein hiver, on place les reporters dehors (parfois juste à l'extérieur du studio) par des températures de -20 degrés pour expliquer ce qu'ils pourraient encore mieux expliquer confortablement à l'intérieur (à distance ou à l'édifice de Radio-Canada même).

Je vois la nécessité, pour certains événements (une tornade, une explosion, une manif, un incendie, etc.), que le journaliste communique en direct, à l'extérieur, avec le chef d'antenne pendant le bulletin de nouvelles et que celui-ci oriente au besoin l'échange pour soutirer le plus d'information. Mais quand un reporter parle pendant deux ou trois minutes des débats budgétaires de la ville de Gatineau, pourquoi le planter dans un banc de neige? Pour des images plus saisissantes?

Et il y a ces techniques propres aux téléromans, où l'auditeur doit visionner l'épisode suivant pour connaître le dénouement d'un événement en cours. On fait ça tous les jours à Radio-Canada, entre autres avec le météorologue, qui entre en ondes à mi-chemin dans le bulletin, amorce ses prévisions et, tout à coup, nous laisse entendre que le meilleur est à venir mais qu'on devra attendre la fin du bulletin pour en savoir plus... Ou comme, juste avant un bloc interminable de publicités, on annonce une nouvelle et on n'en parle pas immédiatement après les pubs. On nous fait attendre. C'est irritant au possible.

Et c'est sans compter certaines pratiques contraires à l'essence même du journalisme. Ainsi, et on a vu ça souvent depuis le début de la pandémie, quand une nouvelle mesure est annoncée, on ira cueillir des commentaires du public. Jusque là, à la limite, ça va. Mais quand on laisse entendre, dans le bulletin, que ces quelques réactions cueillies au hasard, sur le vif, peuvent représenter l'opinion publique, on dépasse les bornes. Sans avoir scientifiquement sondé la population, on n'a aucune idée de la valeur de quatre ou cinq commentaires de personnes qui se trouvaient aux alentours au moment du reportage. Ça ne semble préoccuper personne...

Et que dire de cette confusion de plus en plus fréquente entre bulletin de nouvelles et émission d'affaires publiques... Un soir, récemment, après je ne sais trop quelle manchette percutante en début de bulletin, Céline Galipeau a assemblé en ondes un panel de trois personnalités médiatiques qui ont abondamment commenté la nouvelle pendant cinq ou dix minutes. Près de 20 minutes après le début des informations, on en était toujours à la première nouvelle... J'ai fermé la télé...

On dira bien ce qu'on voudra, mais il me semble qu'il y a là-dedans quelques interrogations qui valent un bon débat professionnel au sein de la collectivité journalistique québécoise.

Bon voilà, j'ai fini de chialer pour aujourd'hui...


1 commentaire:

  1. Vous avez entièrement raison. Depuis plusieurs années, je ne regarde plus la télé en direct, mais toujours en différé ce qui me permet de sauter les trop nombreuses pubs qui sont devenues envahissantes. Certains de mes amis ont complètement abandonné la télé et utilisent l'Internet. Quant à notre presse écrite, elle est de plus en plus pauvre. Il faut s'abonner à des magazines européens pour comprendre ce qui se passe dans le monde. C'est tragique, car nous vivons une période où seuls comptent l'argent et le divertissement.

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