lundi 31 janvier 2022

L'UOF et les médias...

Le petit campus universitaire de langue française qu'on a ouvert l'an dernier à Toronto, et qu'on a ignominieusement appelé «Université de l'Ontario français (UOF)», continue de défrayer les manchettes. La plus récente, reprise entre autres par Radio-Canada, Le Devoir, Le Droit, ONFR et même le National Post, révèle que seulement 14 élèves du secondaire franco-ontarien ont soumis des demandes d'admission à l'UOF pour la session d'automne 2022. Ce que tous les articles ont en commun, c'est leur méconnaissance du dossier.

Aucun journaliste ne semble avoir suivi les revendications franco-ontariennes à l'universitaire depuis le lancement par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), autour de 2012, de cette plus récente offensive en faveur d'une gouvernance francophone comme celle qui existe déjà au primaire, au secondaire et au collégial. Cette campagne, à laquelle s'étaient jointes l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO) et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), voulait avant tout assurer au palier universitaire une gestion «par et pour» les francophones de tous les programmes en français, actuels et futurs, y compris ceux des institutions dites bilingues - l'Université d'Ottawa, l'Université Laurentienne et le collège Glendon.

Voilà ce que les journalistes de 2022 ne savent pas. C'est pourtant l'élément clé pour la compréhension des enjeux. Quand on relit ce qui a été écrit - disons depuis 2011 - sur cette question, le casse-tête prend forme : l'initiative militante du RÉFO à partir de 2012, les grandes consultations de 2013, les alliances avec l'AFO et la FESFO, le grand sommet franco-ontarien de 2014, la définition des objectifs, la contre-offensive de l'Université d'Ottawa, le détournement du grand projet pan-ontarien en 2015 par le gouvernement Wynne (et sa ministre Madeleine Meilleur) en faveur d'une hausse de l'offre dans la région torontoise, l'affaiblissement de la mobilisation franco-ontarienne jusqu'à l'arrivée de Ford, et l'éventuelle création d'un mini campus à Toronto qu'on a présenté, en dépit de faibles protestations du RÉFO et alliés, comme étant l'aboutissement de cette vaste campagne en faveur de la création d'une université de langue française en Ontario.

La soi-disant Université de l'Ontario français consacre de fait la victoire éclatante des universités bilingues, en particulier l'Université d'Ottawa qui attire la grande majorité des étudiants inscrits à des programmes de langue française en Ontario. Même si à peine 30% des étudiants sont francophones et que l'anglais domine sur le campus, le recteur en 2014, Allan Rock, avait affirmé que les Franco-Ontariens n'avaient pas besoin d'une université, qu'ils en avaient une: l'Université d'Ottawa. Alors, au lieu d'assurer une gouvernance francophone là où les étudiants et les programmes se trouvent, le gouvernement Wynne a choisi de colmater une brèche dans le sud-ouest ontarien en s'assurant que cette nouvelle institution offre des programmes qu'à peu près personne ne voudrait suivre (culture numérique, pluralité humaine, innovation sociale, etc.), en lui donnant toutefois un nom prestigieux - Université de l'Ontario français - qui engage l'ensemble des collectivités franco-ontariennes mais se révèle en réalité un mirage dans l'immense désert de la gouvernance francophone.

Alors, quand en janvier 2022, une douzaine ou un peu plus d'élèves du secondaire franco-ontariens s'inscrivent à l'UOF, on devrait faire comprendre au monde que très peu de jeunes sont intéressés à vivre dans une métropole unilingue anglaise pour étudier la pluralité humaine ou la culture numérique en français dans un micro-campus universitaire. Personne ne s'en étonnerait. Mais ce qu'on étale en manchette, de façon trompeuse et inexcusable sur le plan journalistique, c'est ce qui semble être un rejet par les Franco-Ontariens de leur université, de l'université de tout l'Ontario français. Et le pire, c'est que les médias agissent ainsi sans se poser de questions et que les porte-étendards des Franco-Ontariens - le RÉFO en tête - ne s'insurgent pas contre ce qui est de toute évidence une déformation de la réalité!

Les organismes franco-ontariens ont leur part de blâme à assumer en n'ayant pas défendu avec assez de vigueur le projet original d'un palier universitaire au sein duquel la gouvernance francophone s'affirmerait là où elle est le plus nécessaire - à Ottawa, à la Laurentienne (à l'Université de Sudbury maintenant). Mais enfin, ce ne sont pas les Franco-Ontariens qui ont pris les décisions menant à la situation actuelle. C'est le gouvernement de l'Ontario, avec la complicité du gouvernement Trudeau. Les Franco-Ontariens ont été trop longtemps piétinés et habitués à recevoir des miettes... en disant merci pour éviter les ressacs imaginés (et probables). Leurs porte-parole ont accepté ce mini campus à Toronto ainsi que son nom - l'Université de l'Ontario français - et sont maintenant mal pris, obligés de défendre un échec qui n'est pas le leur.

Une véritable Université de l'Ontario français, regroupant tous les programmes existants à Ottawa, Sudbury, Toronto et Hearst, offrant partout (même à Toronto) des programmes en lettres, en sciences, en droit, en administration, etc., aurait suffisamment d'effectifs franco-ontariens, québécois et internationaux pour assurer son succès.

Je reviendrai un jour sur le contenu spécifique des textes publiés dans les médias durant les dernières semaines de janvier 2022...




1 commentaire:

  1. Vous avez bien raison de souligner l'ampleur et les racines de cet échec monumental, mal géré et mal ficelé par des gens qui, aux rènes du gouvernement ontarien, se souciaient peu de son succès. Ce sont tous les Franco-Ontariens qui se retrouvent perdants aujourd'hui. Est-il trop tard pour sauver les meubles? Il vaudrait mieux fermer cet avorton universitaire et concentrer les ressources là où sont les effectifs, dans l'Est ontarien, c'est-à-dire à Ottawa, sans oublier la région de Sudbury. Pourquoi pas une université francophone avec deux campus, un à Ottawa, un à Sudbury? Il faudrait un consensus de tous les intervenants, mais il est déjà prévisible que les deux universités bilingues actuelles s'y opposeraient résolument et définitivement.

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