jeudi 7 mars 2024

Les vautours s'approchent...



J'allais écrire «Une hirondelle ne fait pas le printemps», mais cela me semble inapproprié. Mieux vaut inventer. Tiens, essayons «Un vautour ne fait pas le cadavre»...  Je pense ici à la partielle du 4 mars dans la circonscription fédérale ontarienne de Durham, dont les résultats pourraient, sait-on jamais, être annonciateurs d'une hécatombe chez les libéraux et néo-démocrates au scrutin général de 2025.

Analysant la victoire plus que convaincante du candidat conservateur, le chroniqueur Guillaume St-Pierre, du Journal de Montréal, conclut: «Face au désir de changement, après huit ans de gouvernement libéral, Poilievre est en train de constituer une nouvelle alliance formée de progressistes désenchantés, de populistes en colère et d’une jeune classe moyenne qui sent son pouvoir d’achat diminuer.» Voir lien en bas de page.

Que l'observation de M. St-Pierre atteigne ou non la cible (je crois qu'il faudrait y ajouter plus qu'une pincée d'aversion très personnelle envers Justin Trudeau, teintée de francophobie et de Québécophobie), une chose paraît sûre. Si la bande à Poilièvre ne faiblit pas dans les sondages d'ici l'an prochain, et rien ne laisse croire à une remontée prochaine d'affection pour le PLC et le NPD, le Canada anglais sera jonché de cadavres rouges et oranges après le décompte des urnes.

La proportion des votes obtenus à la partielle par le porte-étendard du Parti conservateur en dit long: 57% ! C'est énorme dans cette lointaine banlieue urbaine et rurale de Toronto où le chef du parti, Erin O'Toole, avait réussi à amasser 46% des votes. Pour trouver dans le passé des résultats aussi décisifs dans Durham, il faut retourner aux raz-de-marée des anciens chefs progressistes-conservateurs Brian Mulroney (1984) et John Diefenbaker (1958). Ces derniers se présentaient cependant sous la bannière «progressiste-conservatrice». Il y a une nette différence avec le PCC de Pierre Poilièvre qui dégage, à ses pires heures, des relents insoutenables de trumpisme...

Avec le climat toxique qui semble se généraliser au sein de la majorité anglo-canadienne, les partis moins près de l'extrême-droite que le PCC (à peu près tout le monde sauf Max) peinent à conserver leurs appuis. Dans Durham, la part des libéraux ne cesse de chuter à chaque élection: 36% en 2015, 32% en 2019, 30% en 2021 et 22,5% en 2024. Quand au vote néo-démocrate, qui oscillait entre 16 et 18% depuis une dizaine d'années, il a chuté brutalement à 10,4% !

Si cette tendance se maintient, comme aurait dit vous-savez-qui, la carte électorale du Canada hors-Québec sera tapissée de bleu foncé à la fin de 2025. Avec une majorité de circonscriptions bien suffisante pour gouverner sans l'apport de la dizaine de députés PCC du Québec. Il n'y aura plus de façade francophone à Ottawa pour masquer le vrai visage d'un Canada anglais en ressac contre un peu tout ce que représente la coalition PLC-NPD, et bien sûr contre tout ce que représente la différence québécoise.

Reste, justement, à jauger le comportement électoral du Québec. On peut tout de suite caser, comme toujours, les 20 et quelque circonscriptions anglo-dominantes de la région montréalaise dans le camp libéral. Ces gens votent comme des automates pour le PLC, vu à juste titre comme le parti des Anglais et d'un multiculturalisme anti-québécois. La lutte se déroule donc dans les 50 ou 55 circonscriptions qui restent, où, pour le moment, le Bloc québécois semble grignoter des appuis au compte-goutte. Des compilateurs de sondages lui accordent présentement un score probable de 38 victoires (gain de 6 sur 2021), avec un potentiel de 42. C'est suffisant pour meubler les barricades en attendant - en espérant - une victoire du PQ en 2026.

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Trudeau est-il dépassé?, Guillaume St-Pierre, Journal de Montréal, 5 mars 2024 - https://www.journaldemontreal.com/2024/03/05/justin-trudeau-est-il-fini


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