dimanche 3 mars 2024

Se présenter en quêteux devant les juges d'Ottawa

Capture d'écran du Journal de Montréal

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«Victoire», pouvait-on lire en gros titres après la décision de la Cour d'appel du Québec sur la Loi 21, qui confirmait en gros la validité constitutionnelle de notre loi sur la laïcité de l'État et obligeait, par surcroit, les commissions scolaires anglaises à s'y soumettre!

Pendant que tout le monde danse sur les barricades à la suite de ce jugement qui relève, en général, du gros bon sens, demandons-nous ce que le Québec a réellement gagné, en attendant de passer par le déchiqueteur de la Cour suprême du Canada.

On me trouvera sévère mais voici ma vision des choses. Trois juges nommés par Ottawa ont reconnu que le Québec s'était à peu près conformé aux dispositions d'une Charte constitutionnelle (celle de 1982) qu'on nous a enfoncée dans la gorge et que tous les gouvernement québécois ont, depuis, refusé de ratifier... Ça vaut peut-être une petite «steppette» mais rien de plus...

Cette fois, on n'entend que des soupirs de soulagement et on oublie qu'il a fallu demander à des juges fédéraux de nous donner la permission de légiférer notre vision de la laïcité. Ceux-là ont dit à peu près oui. Mais c'étaient trois juges originaires du Québec. Attendez d'arriver en Cour suprême fédérale où la Loi 21 se retrouvera devant une majorité de juges originaires des provinces à majorité anglaise. Encore une fois, tous nommés par le premier ministre fédéral...

Le Québec va de nouveau se présenter en quêteux devant les juges d'Ottawa et accepter de soumettre un texte législatif fondamental à l'approbation de juges nommés par l'adversaire fédéral. Plus à genoux que ça tu meurs. Et après ça on brûle des lampions, en espérant. Qu'arrivera-t-il si les suprêmes fédéraux charcutent d'importantes dispositions de la Loi 21, ou pire, remettent en question la vision québécoise de la laïcité? Improbable, direz-vous. Mais possible.

Le gouvernement Legault, ou tout autre gouvernement, même celui, attendu, du PQ après 2026, fera face au néant. Ayant accepté de quêter une permission du Canada anglais, on accepte aussi la possibilité de revenir tête basse, les mains vides. Dans un cul-de-sac. Si le PQ est élu en 2026, son premier geste doit être de signifier à Ottawa que nous rejetons pour de bon la bouillie indigeste mijotée durant la nuit des longs couteaux, que la Charte constitutionnelle de 1982 est désormais inopérante au Québec et que le gouvernement québécois ne soumettra plus ses lois à des tribunaux où les juges sont nommés à Ottawa.

Cela signifie-t-il qu'une loi comme la Loi 21, la Loi 96 ou la Loi 101 sera à l'abri des contestations judiciaires? Pas du tout. Mais nos lois seront jugées par nos tribunaux. Nos juges. En fonction d'une constitution que nous façonnerons. Et si, en attendant le jour de la souveraineté, des conflits constitutionnels se produisent entre Québec et Ottawa, ils devront être jugés par des tribunaux paritaires où chacune des parties sera représentée.

Si Québec relève la tête, il se passera quelque chose. Quoi? Pas sûr. Mais quelque chose, c'est sûr. J'espère vivre assez longtemps pour voir ce jour.

1 commentaire:

  1. Une chose que le film Gandhi n'a pas mentionné, c'est que cet avocat a passé la moitié de sa vie en prison parce qu'il remettait en question des lois britanniques devant des juges britanniques, nommés par des gouvernements britanniques. Tout ce système légal nous a été imposé de force il y a 250 ans et nous y sommes encore soumis. De l'Acte de l'Amérique du Nord britannique à la Constitution de 1982, il y a une constante, soit la nécessité, aux yeux de la Couronne britannique, de conserver ce que la Couronne britannique souhaite conserver. Il est vain de tourner en rond pendant des siècles. Il faut trouver une solution politique, pas une solution légale. La légalité, plus exactement le légalisme, ne nous mènera nulle part...

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