lundi 12 avril 2021

Sans gouvernance, l'impuissance, l'humiliation.



Alors que l'Ontario français mange une fois de plus une bonne claque en pleine face, je suis tenté d'effectuer un retour vers le passé, en 2014 plus précisément, alors que le mouvement en faveur de la création d'une université franco-ontarienne battait son plein depuis deux ans.

Le 27 septembre, faisant le point sur les États généraux tenus à l'automne 2013 sur le postsecondaire en Ontario français, le directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien (REFO), Alain Dupuis, insistait sur le caractère prioritaire d'une gouvernance francophone au palier universitaire:

Parlant au nom du RÉFO et de ses deux grands partenaires, l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), il avait déclaré: «Les francophones n'ont pas le contrôle sur l'avenir de leur programmation universitaire et doivent se fier à la bonne volonté des institutions bilingues qu'elle ne gouverne pas. C'est absolument essentiel d'avancer sur ce point-là.»

L'année suivante, le gouvernement libéral de Mme Wynne, avec la complicité des universités bilingues, sabotait le projet en privilégiant un petit ajout à l'offre française dans la région de Toronto. Ainsi le grand projet de gouvernance universitaire franco-ontarienne est devenu un minuscule campus à Toronto, qui peine à démarrer par surcroit.

Dans une lettre ouverte en février 2021, le RÉFO, l'AFO et la FESFO ont clairement dévoilé les deux faces du visage des universités bilingues qui, d'un côté, se disent francophiles et qui, de l'autre, s'assurent d'empêcher une véritable gouvernance francophone.

Nous avons appris que les trois partenaires avaient dû avaler la réduction du grand projet universitaire à un seul campus maigrelet dans la Ville-Reine parce que c'était ça ou rien. Ils avaient été informés «que les universités bilingues (Ottawa, Laurentienne) n'accepteraient jamais le rapatriement des programmes en français vers une entité légale gérée par et pour les francophones».

Cette position a été confirmée au mois de mars quand le recteur de l'Université Laurentienne a nettement refusé d'envisager le transfert des programmes de langue française à l'Université de Sudbury, qui avait décidé de se franciser à 100%. Faites-nous confiance, disait-il: «Nous nous engageons à assurer l'avenir de La Laurentienne en qualité d'université où la programmation et l'enseignement de langue française sont valorisées et notre caractère bilingue est célébré»...

Or voilà qu'aujourd'hui, 28 programmes en langue française de l'université passent à la guillotine et, peu importe ce qu'on puisse penser des choix annoncés par la Laurentienne, une chose est absolument sûre: les francophones n'étaient pas ici maîtres de leur destinée. La gouvernance appartenait à d'autres. Encore une fois... Toujours...

J'ose espérer que la frange militante de l'Ontario français montera cette fois aux barricades, non seulement pour plaider en faveur de la protection des programmes et emplois existants à l'Université Laurentienne, mais aussi pour reprendre le flambeau de la gouvernance universitaire franco-ontarienne partout dans la province!

Ce matin, à Sudbury, on a vu dans toute sa brutalité ce que donne l'absence d'une gouvernance francophone. Des profs et des étudiants de langue française ont eu à subir les décisions prises en fonction d'autres priorités que les leurs. Et ils n'avaient absolument rien à dire dans le processus décisionnel. Et ce n'est pas fini. Un jour, ce sera au tour de l'Université d'Ottawa et la minorité francophone écopera!

Avec l'effronterie habituelle, les directions à majorité anglophone n'ont même pas eu la politesse d'expliquer en français aux victimes pourquoi on les avait larguées. Le Regroupement des professeurs francophones de l'Université Laurentienne gazouillait à 13 heures sur Twitter ce commentaire laconique: «Il est 13h00 et on ne nous a toujours pas expliqué pourquoi nos postes ont été abolis. Pas. Un. Mot.»

Sans gouvernance francophone, le résultat sera toujours le même. L'impuissance. L'humiliation.

Et maintenant?



6 commentaires:

  1. Que pensez-vous de ce sommet?

    Un autre show de boucane pour faire semblant de faire quelque chose?

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    1. Oups, voici le lien: https://www.journaldemontreal.com/2021/04/11/un-sommet-pour-rassembler-les-francophones-canadiens

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    2. Je pense que l'idée du sommet est bonne. Je réclame ce genre de rencontre depuis plus de 10 ans. Mais entre l'idée et sa réalisation, il y a des tas d'embuches. Ce que j'a entendu jusqu'à maintenant me laisse perplexe. Je prépare un texte de blogue là-dessus pour cette semaine.

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    3. On laisse entendre que ce serait une initiative de la FCFA et du Gouvernement du Québec.

      Toutefois, cela s'inscrit parfaitement dans la stratégie du Fédéral (re: Mélanie Joly) pour récupérer et tempérer l'angoisse linguistique qui déferle présentement sur la société québécoise.

      Selon moi, Ottawa utilise la FCFA pour promouvoir sa politique multiculturaliste. C'est sans doute Mélanie Joly qui a suggéré ce projet à la FCFA, tout en les assurant que le financement ne poserait aucun problème.

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  2. Qui a tué mon ami André Paiement (1950-1978) ???

    LE DÉSESPOIR DU COLONISE


    L’article ci-dessous étudie le cas, poussé à l'extrême, de ce Franco-Ontarien de Sturgeon-Falls qui s'est enlevé la vie, probablement pour n'avoir jamais admis sa situation de colonisé, et qui a crié - sous le rire et dans le grotesque des gestes comiques - son désir d'indépendance et d'affirmation française dans un milieu anglais.

    http://journals.hil.unb.ca/index.php/tric/article/view/7393/8452


    Avant son triste et soudain départ…. André Paiement avait écrit :

    « Oui Je sens que mon pays
    Ne vivra plus, plus tellement longtemps
    Oui mon pays désuni
    Je l’ai connu
    Je l’ai vécu longtemps
    Et quand je pense à tous les bons moments
    J’ai envie d’y rester
    Mais quand je pense à tous ce temps perdu
    Je dois m’en aller

    Oui je sens que mon pays
    Ne vivra plus, plus tellement longtemps »

    « Mon Pays », paroles et musique par André Paiement.

    Voir « Lavalléville », comédie musicale franco-ontarienne (sic), par André Paiement, Prise de Parole, 1775.

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