Depuis 1969, le 9 juin occupe une place spéciale dans ma vie. Ce lundi matin, il y a de cela 53 ans, j'ai mis les pieds pour la première fois dans une salle des nouvelles... comme journaliste!
Le quotidien Le Droit d'Ottawa était à cette époque un journal d'après-midi. Il était largement livré à domicile par des écoliers, après la fin des classes. On y trouvait donc des nouvelles du jour même.
En entrant dans la salle de rédaction, j'ai entendu une voix forte crier «Allard!». Un photographe m'attendait impatiemment. Je devais me rendre à la première pelletée de terre de la future autoroute 417. Et on attendait un texte de deux feuillets pour la dernière édition...
Je venais d'achever ma scolarité de maîtrise en science politique à l'Université d'Ottawa, je n'avais aucune expérience journalistique et je tapais à deux doigts sur une machine à écrire. J'étais quelque peu stressé dans la voiture du photographe, en revenant au journal vers 11 heures. Je craignais de voir ma nouvelle carrière se terminer le jour même...
Puis tout devient flou. J'ai vague souvenir du chef des nouvelles dans mon dos pendant que je tapais à la machine. Me dire qu'on n'avait pas le temps de corriger ou recommencer, qu'il fallait raturer la faute et poursuivre la rédaction. Pas beau à voir, mais efficace. Le premier jet devait être le bon pour respecter la tombée de l'édition d'après-midi...
Le texte, non signé, a paru. Dans le tintamarre des machines à écrire doublé de cris et conversations de toutes parts, les yeux irrités par le nuage de fumée de cigarette qui flottait dans la salle bondée, j'avais découvert le paradis. Et je voulais y rester. Je me souviens d'avoir reçu une copie toute chaude du journal fraîchement imprimé vers 15 heures pour y lire mon avant-midi...
Je n'ai malheureusement pas conservé ce numéro du Droit et 53 ans plus tard, je n'avais pas gardé le moindre souvenir des manchettes et nouvelles proposées dans les autres pages du journal du 9 juin 1969. Mais elle existe toujours, cette édition, sur le site Web de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Alors je suis allé voir et franchement, cela valait le détour!
En plus de revoir mon périple jusqu'au chantier de la future 417, j'ai redécouvert l'époque. Ces 30 pages (grand format) de textes, photos et publicités constituent un excellent mini-cours d'histoire de la région, du pays, du monde! Voici, en images, quelques faits saillants de ce quelconque lundi de la fin des années 1960...
Cette déclaration du premier ministre ontarien John Robarts, publiée en page une, était typique du climat de l'époque au Canada anglais, et n'a pas vraiment évolué un demi-siècle plus tard... Un avis ferme aux Québécois qui, comme René Lévesque, souhaitaient une forme de souveraineté-association: choisissez la souveraineté si vous voulez, mais vous n'aurez jamais d'association. Si jamais le mouvement souverainiste retrouve sa vigueur, d'autres titres comme celui-ci surgiront...
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L'année 1969 était celle de l'adoption de la Loi fédérale sur les langues officielles et du débat aigu sur le bilinguisme qui l'a accompagnée. Le dossier avait soulevé les passions partout - au Canada anglais où l'on savait que bilinguisme voulait dire encore plus de français, et au Québec où on commençait à comprendre que le bilinguisme était devenu un outil d'assimilation. Pierre Trudeau y voyait «une étape fondamentale dans l'histoire de la Confédération», et accusait la presse d'avoir mal expliqué «les implications profondes du bilinguisme». Du déjà vu...
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En 1969, Eric Kierans, ancien ministre de Jean Lesage devenu ministre des Postes et Communications dans le gouvernement Trudeau, annonce le lancement prochain d'un satellite canadien de communication. «Nous serons le premier pays au monde à posséder un satellite domestique de communications», dit-il. M. Kierans promet que l'engin spatial contribuera à faire du Canada «une nation bilingue». Cinquante ans plus tard, il y a des satellites partout mais il n'y a pas de «nation bilingue»...
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Avec le recul, on comprend à quel point ce titre et le contenu qu'il coiffe étaient prophétiques. Après la mort de John (1963) et Robert (1968), Ted Kennedy devenait le dernier de la dynastie et se voyait déjà auréolé d'une candidature du Parti démocrate à la présidence. Hésitant à faire le grand saut, Edward Kennedy annonçait qu'il passerait l'été 1969 dans son patelin du Massachusetts pour tracer son avenir, pour «laisser venir le sort». Dans la nuit du 18 au 19 juillet 1969, Mary Jo Kopechne mourrait noyée, passagère dans l'auto conduite par le jeune Kennedy...
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Au cours de la fin de semaine qui venait de s'achever, sept membres du Régiment de la Chaudière étaient retournés aux plages de Normandie pour commémorer le débarquement du 6 juin 1944, dont c'était le 25e anniversaire. On y parle de leurs exploits et de la présence d'un correspondant de guerre québécois, Marcel Ouimet, devenu par la suite directeur de Radio-Canada. Certains de ces soldats avaient à peine dépassé la mi-quarantaine à la fin des années 1960. Aujourd'hui, s'il en reste, ils sont quasi-centenaires... J'ai visité le cimetière qu'on voit dans la photo du Droit. C'est émouvant, pour dire le moins.
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Voilà un colloque impossible à envisager en 2022! Un colloque «public et apolitique» sur le développement économique de l'Ouest du Québec, organisé par le Parti québécois et mettant en vedette quatre conférenciers n'ayant aucun lien avec le Parti, y compris le maire de Hull Marcel D'Amour, et un futur député libéral, Gilles Rocheleau (qui serait aussi candidat de l'Union nationale en 1970, et deviendrait député bloquiste en 1990). Je n'ai jamais entendu parler d'autres événements du genre depuis ce temps, du moins pas en Outaouais...
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Existant depuis le 19e siècle, les sociétés St-Jean-Baptiste défendaient les intérêts des Québécois et des Canadiens français, en plus d'organiser les fêtes du 24 juin un peu partout... Faut croire qu'avec le fracas de l'année précédente lors du défilé de la St-Jean à Montréal, et le déclin du petit bonhomme frisé avec un mouton comme symbole, le temps était mûr pour un renouvellement de l'appellation. C'est ainsi qu'on annonce une résolution visant à renommer la Société Saint-Jean-Baptiste du Québec, qui deviendrait le «Mouvement national des Québécois». Les SSJB regroupaient environ 180 000 membres et nombre d'entre elles, y compris celle de Montréal, ont conservé l'appellation originale.
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Même en vertu des normes de la fin des années 1960, ce genre de page aurait dû avoir disparu de nos quotidiens. Comme si, au-delà du contenu souvent insipide inséré sous l'entête «Pour vous mesdames», le reste du journal n'intéressait que les hommes... Celle du 9 juin 1969 est particulièrement repoussante. Au-delà des photos habituelles de comités «féminins» où la vedette est le plus souvent un homme (le député libéral Oswald Parent cette fois), la principale manchette est un historique de la fête des Pères... suivie d'une nouvelle dénuée d'intérêt sur le rappel de l'ambassadeur autrichien au Canada... Une page embarrassante...
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Fascinant de voir de voir qu'une vingtaine de cinémas d'Ottawa, Hull et Gatineau (dont cinq ciné-parcs) annoncent leurs films dans les pages du Droit en ce 9 juin 1969. TOUS ces cinéma, sans exception, ont fermé leurs portes au fil des décennies au profit des complexes de 10, 12 ou 16 salles... D'autres rappels sympathiques d'une époque révolue: il était possible d'aller au cinéma, de manger un maïs soufflé et une boisson gazeuse pour moins d'un dollar... On s'en tire avec peine sous les 20 $ aujourd'hui... Mieux encore, on pouvait en 1969 payer l'admission et s'installer bien confortablement pour plus d'un film. Le cinéma Cartier de Hull offrait trois longs métrages pour le modique prix de 50 cents.... Le bon vieux temps...
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Et une petite dernière... Le maire Jean Drapeau était à Varsovie, en Pologne, pour soutenir la candidature de Montréal pour la tenue des Jeux Olympiques d'été de 1976... La métropole québécoise n'avait qu'une concurrente, Los Angeles, mais la candidature de cette dernière était jugée inférieure. À noter que la ville de Vancouver était aussi en lice pour l'organisation des Jeux d'hiver de 1976. On connaît le dénouement...
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Allez faire un tour à BAnQ à l'adresse (https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4144153) et relisez un vieux numéro du quotidien Le Droit. Ça vaut la peine. C'est intéressant et instructif. Et ça nous rappelle le temps où nous avions de vrais journaux imprimés...
Bonjour, M. Allard, comment allez-vous? Je remarque que vous n'avez plus blogué depuis un certain temps. Est-ce que tout se passe bien? Préparez-vous un dossier important?
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