Les Rhodésiens sont de retour... Désarçonnés par la Révolution tranquille et la montée du Parti québécois dans les années 1970, ils s'étaient terrés mais aujourd'hui, ces Anglo-Québécois qu'on appelle parfois angryphones sortent de leurs antres et voient autour d'eux un terreau fertile pour réduire une fois pour toutes cette irritante majorité francophone au silence... voire à l'inexistence.
Et cette fois, l'offensive viendra d'Ottawa où les messages officiels de sympathie à l'endroit du français sonnent de plus en plus faux. La population de langue française du Canada est en décroissance accélérée, oscillant autour de 20%. Les minorités francophones, sauf en Ontario et au Nouveau-Brunswick, ont été marginalisées. Même au Québec, et le dernier recensement fédéral en fait foi, le déclin crève les yeux!
D'ici une quinzaine ou une vingtaine d'années, les Anglo-Canadiens n'auront plus besoin de nos «collaborateurs» à Ottawa pour faire croire aux Québécois qu'ils ont un pouvoir décisionnel au fédéral. Ils les mettront à la poubelle comme de vieilles guenilles et abattront à coups de masse ce qui restera de l'édifice de la Loi 101 sous les yeux résignés ou indifférents d'une majorité de Franco-Québécois «bilinguisés»...
Des coups de semonce ont été tirés cette semaine au comité fédéral des langues officielles, qui étudie la plus récente mouture d'un loi sans dents et peu respectée, la Loi sur les langues officielles. La seule mention d'une protection accrue pour le français au Québec dans cette loi fédérale leur donne de l'urticaire. Mais face à la possibilité de modifier ce projet de loi pour répondre à des demandes québécoises issues de la Loi 96, ils sont prêts à sortir l'artillerie lourde.
Ce qui apparaît intéressant dans la comparution au comité de deux députés de circonscriptions anglo-québécoises, Marc Garneau (NDG-Westmount) et Anthony Housefather (Mont-Royal), ce n'est pas tant l'argumentaire linguistique que l'éventualité d'utiliser la puissance d'Ottawa pour mettre le Québec au pas en matière linguistique. Et des armes puissantes, le gouvernement fédéral en possède: la Charte de 1982 imposée au Québec après la nuit des longs couteaux, un pouvoir illimité de dépenser, sans oublier le contrôle de tous les tribunaux supérieurs du Québec et de l'ensemble du Canada... entre autres.
«Ce serait une grande erreur pour nous, en tant que députés fédéraux, dans un comité fédéral, examinant des lois fédérales, de laisser le champ libre au Québec pour faire tout ce qu'il pourrait vouloir faire en matière de langue au Québec», a déclaré le député de NDG-Westmount, Marc Garneau, un député auquel la majorité anglophone de cette circonscription fédérale peut faire confiance les yeux fermés. Le message est clair: au-delà du fait d'écarter les demandes québécoises de modifier la Loi sur les langues officielles, il ne faut pas laisser «le champ libre» au Québec «en matière de langue». Jusqu'où irait-il?
Le député Housefather, de Mont-Royal (ou devrait-on écrire Mount-Royal?), va dans le même sens. Qualifiant la très timide Loi 96 québécoise de «discriminatoire envers la minorité anglophone», et faisant état de mécontentement, de craintes et même de désespoir (???) au sein d'une population anglophone pourtant en pleine croissance, M. Housefather propose que la loi fédérale sur les langues officielles «prenne ses distances» de la loi québécoise plutôt que de s'en approcher. Pour lui, le gouvernement de la majorité anglo-canadienne doit se porter à le défense de sa protubérance québécoise. Ottawa en a le pouvoir et il y a fort à parier que son voeu sera exaucé.
L'ouverture envers «le français seule langue minoritaire» au Canada et la reconnaissance du déclin du français au Québec se sont évaporées dès que Mélanie Joly a été mutée aux Affaires extérieures. Les astres ne sont plus alignés en faveur des francophones québécois. L'Acadienne Ginette Petitpas Taylor qui pilote le dossier des langues officielles est beaucoup plus collée que Mme Joly aux positions défendues par les Anglo-Québécois, comme d'ailleurs le Commissaire aux langues officielles Raymond Théberge, un Franco-Manitobain. Encore une fois, le fédéral utilise contre le Québec des francophones minoritaires, tels des pions, sur son échiquier anglo-multiculturaliste.
Mais les carottes à la francophonie pan-canadienne dans le projet de loi C-13 (Loi sur les langues officielles) ne pourront pas cacher le gros bâton avec lequel on assommera ce qui reste de l'élan québécois du gouvernement Legault. L'offensive est commencée, on ne préserve même plus les symboles. Une gouverneure générale qui ne connaît rien au français, une lieutenant-gouverneur unilingue anglaise au Nouveau-Brunswick, ce n'est que le début de l'avalanche. Il y a à Ottawa des Blaine Higgs dans tous les recoins, y compris au sein du gouvernement Trudeau. Et ils n'apprécient guère la fanfaronnade de François Legault et compagnie, qui lancent à coups de tire-pois des ébauches de laïcité et de français-langue-commune contre le béton anglo-multiculturel.
Le rouleau compresseur fédéral a fait le plein de carburant en 1982 avec la complicité des neuf provinces anglaises et des «collaborateurs» québécois habituels. Ottawa s'est débarrassé du droit de véto historique du Québec, a confié à «ses» juges - jusqu'à la Cour suprême - le droit de cisailler les soubresauts québécois, et inscrit dans la constitution qu'on nous impose la notion de multiculturalisme (synonyme de portez-tous-les-symboles-religieux-que-vous-voulez-à-condition-de-parler-anglais). Et pendant que les petites Lois 21 (laïcité) et 96 (français langue commune) foncent tout droit vers un mur judiciaire infranchissable, Trudeau et sa bande assèneront le coup de grâce à la langue française à coups de 100 000 immigrants ou plus par année au Québec.
La seule arme du gouvernement Legault, c'est la clause de dérogation prévue dans la Loi constitutionnelle de 1982, le fameux «nonobstant», qui permet aux provinces de passer outre à la plupart des articles de la Constitution quand il le faut. Que fera Québec si les juges fédéraux limitent l'accès à cette clause, ou charcutent les lois 21 et 96 comme ils l'ont fait pour la Loi 101 auparavant? Personne ne pose cette question à François Legault, et ce dernier n'a pas de réponse de toute façon. Il n'y avait que le projet d'indépendance, qu'il a écarté dès le départ. Et ça, les fédéraux le savent.
Les colères les plus récentes des Anglo-Québécois offrent à Ottawa le prétexte classique d'intervenir, de façon décisive. Voler au secours d'une soi-disant minorité soi-disant opprimée par une majorité qu'on qualifie de raciste et de xénophobe constitue la justification historique classique (qui ne s'est jamais appliquée au Canada quand les minorités francophones étaient persécutées par de vrais racistes, cependant). Et dans l'état actuel des choses, les chances de victoire du Québec s'amenuisent à tous les jours. Ce sera David (sans sa fronde) contre Goliath (armé d'un lance-missile).
Ne savons-nous pas ce qu'il nous reste à faire?
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