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En février 2011, le gouvernement libéral de Jean Charest annonçait pour les écoles françaises du Québec le funeste programme d'anglais intensif en 6e année. Couillard avant la lettre, l'objectif - avoué ou pas - était d'offrir à TOUS les jeunes francophones une connaissance fonctionnelle de l'anglais. De les rendre plus ou moins bilingues...
J'avais signé dans le quotidien Le Droit le seul éditorial québécois d'opposition à ce projet d'anglicisation (voir https://www.ledroit.com/2011/02/25/fossoyeurs-du-francais-226db8bcf25fe187f0df39f09b4c47e9) de nos écoles de langue française. Nous avions donné un vigoureux coup de barre en faveur du français langue commune avec la Loi 101, et voilà que John James Charest livrait à la future génération un message insidieux: l'anglais est important au point de devoir suspendre pour une demi-année votre enseignement en français à la fin du primaire ! Pas besoin d'avoir inventé le bouton à quatre trous pour comprendre ce que cela signifie...
Heureusement, dans les régions où le français est le plus menacé, le caractère insensé du programme d'anglais intensif a dû paraître évident parce que peu de commissions scolaires (ou aujourd'hui, de centres de services scolaires) l'ont implanté. Par contre, dans dans des régions où l'anglais est le moins nécessaire (Capitale nationale, Saguenay-Lac Saint-Jean, etc.) des dizaines de milliers d'élèves ont complété la moitié de leur dernière année au primaire in English. On n'est pas ici au comptoir de la vieille madame anglaise chez Eaton qui nous oblige à parler anglais. Des francophones imposent, presque avec enthousiasme, l'anglais aux élèves francophones... dans des écoles françaises.
Cela dure maintenant depuis une dizaine d'années et j'ai beau chercher - c'est sans doute trop tôt - mais je ne trouve pas d'étude de suivi de ces milliers d'élèves qu'on a intensément trempés dans l'unilinguisme anglais à l'âge de 11 ou 12 ans. Ils ont fort bien compris que même si on oblige les allophones à fréquenter le primaire et le secondaire en français, ce sera le libre choix au cégep et à l'université et que l'État québécois, avec l'anglais intensif, les oriente vers on ne sait trop où. À cet âge, les enfants font des choix, même linguistiques, qui les marquent pour la vie. Ainsi, notait en 2021 Marc Chevrier, prof à l'UQAM, «l'avenir (de la francophonie québécoise, canadienne et nord-américaine) reposera sur les microdécisions de milliers d’adolescents»...
En mars 2021, Le Devoir titrait à la une: «Le fort attrait du cégep in English - Les jeunes francophones sont de plus en plus nombreux à choisir l'anglais pour poursuivre leurs études» (voir https://www.ledevoir.com/societe/education/597870/le-fort-attrait-du-cegep-in-english). Le texte présentait trois adolescentes francophones de la région de Québec qui s'orientaient vers le cégep de langue anglaise et qui affichaient une nette préférence pour une vie en anglais. Avaient-elles fréquenté un programme d'anglais intensif au primaire, comme la majorité des élèves de langue française de notre capitale nationale? Quel avait été l'effet de cette demi-année d'immersion anglaise sur elles, et sur des milliers d'autres comme elles?
Les cégeps et universités de langue anglaise débordent déjà de jeunes francophones. Et même dans les universités de langue française, l'anglais s'infiltre dans les cours ainsi que dans les programmes de recherche, même à l'Université Laval, même dans des domaines traditionnellement français comme l'histoire et les sciences sociales. Il y a présentement un fort mouvement, désormais endossé par le Parti québécois et l'immense majorité des syndicats de profs de cégeps, en faveur de l'extension de la Loi 101 au post-secondaire, et notamment aux cégeps.
Or, pendant ce temps, les gouvernements libéraux et maintenant caquistes continuent à mettre l'accent sur le perfectionnement de l'anglais au primaire, et près de 20% des élèves au primaire (je n'ai pas vu les chiffres récents) passent par l'anglais intensif obligatoire en 5e ou 6e année. Un programme qui semble passer sous le radar et qui soulève peu d'opposition au sein de la majorité francophone. C'est à n'y rien comprendre. En attendant que quelqu'un, quelque part, prenne conscience du caractère suicidaire de l'anglais intensif à Québec, Saguenay, Rimouski ou même Montréal et Gatineau, peut-on au moins suivre de près les cohortes qui sont passées par là et en tirer des données utiles pour l'avenir.
Quand tous les jeunes Québécois francophones seront bilingues, il sera trop tard. La nation s'éteindra.
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