mercredi 21 décembre 2022

Pas de messe de minuit de Noël ici...



Les médias nous apprennent qu'il n'y aura qu'une cinquantaine de messes de minuit à Noël cette année (voir lien en bas de page) dans l'ensemble du Québec, alors qu'on en comptait au moins 500 il y a quelques décennies. Les jeunes générations auront tendance à accueillir cette nouvelle avec un haussement d'épaules indifférent, mais pour les plus vieux d'entre nous, cela donne à réfléchir.

Durant les années 1950, on construisait toujours des églises au Québec et au Canada français. L'église Saint-René Goupil de Gatineau, celle que j'ai fréquentée à l'occasion depuis mon arrivée dans le quartier en 1988, avait été érigée en 1956-57. Soixante-quelque années plus tard, elle a été vendue à un groupe religieux peu connu qui affiche des messages bilingues sur la façade avec un panneau illuminé... Et l'ancienne paroisse n'existe même plus.

Dans mon vieux quartier francophone d'Ottawa, la paroisse Saint-François d'Assise alors surpeuplée avait jugé bon, en 1953-54, de fonder une seconde paroisse (Notre-Dame des Anges) ayant sa propre église. C'était pratique pour nous. Je demeurais à quatre ou cinq portes du nouveau temple. Moins de 40 ans plus tard, la paroisse disparaissait et l'église a été vendue à la communauté croate catholique d'Ottawa.

Les messes de minuit dont je me souviens le plus vivement sont celles de mon enfance, alors que j'étais enfant de choeur (1955-1958) à l'église Notre-Dame des Anges. Le territoire de la paroisse couvrait à peine huit rues et avenues, et la plupart des gens se connaissaient. Je revois toujours la foule animée sur le perron de l'église, j'entends toujours le Minuit, chrétiens, ainsi que la mystérieuse liturgie en latin, mêlée aux bruissements et chuchotements dans une nef bondée. Sans oublier l'odeur omniprésente de l'encens...

Évidemment, les choses ont changé. Avec la laïcisation massive des franco-catholiques d'ici, la fréquentation de la messe a chuté au point d'être marginalisée. S'ajoutant la dénatalité brutale des années 1960, 1970 et d'après, les candidatures à la prêtrise se sont raréfiées, au point de devoir aller chercher des curés et vicaires en Afrique et ailleurs sur la planète. Moins de fidèles, moins de prêtres = moins d'églises et beaucoup moins de messes. La commercialisation outrancière de Noël, jadis une fête essentiellement religieuse, a achevé ce qui restait.

Et pourtant, il reste au fond de notre peuple une certaine nostalgie des anciens Noël, ou de la perception qu'on en a transmise. Cela touche sans doute à un enchevêtrement de valeurs traditionnelles et culturelles qui ont peu à voir avec la religion. Un attachement au passé comme gage de continuité de notre existence collective. Le vicaire général du diocèse de Saint-Hyacinthe, se félicitant du grand nombre de messes de minuit sur son territoire, déclarait: «Chez nous, il y a une volonté de perpétuer cette tradition.» Il n'y voyait pas un regain de l'ancienne foi...

À 76 ans, comme la plupart des gens de ma génération, je me considère toujours catholique, mais je suis non-pratiquant. Je pourrais être attiré à des célébrations liturgiques, y compris la messe de minuit à Noël, parce que je continue de croire au message chrétien fondamental: aimer Dieu (la perfection) et son prochain comme soi-même. Pour le reste, je suis davantage «espérant» que croyant. L'idée de la messe - se rencontrer pour discuter de la parole chrétienne autour d'un repas communautaire - me plaît. Mais pas la liturgie, ni l'Église catholique comme institution.

La liturgie médiévale et rigide n'a pas changé. Lire ou dire des textes d'une autre époque, s'assoir, se lever, s'agenouiller pour des motifs obscurs n'a rien d'attrayant. Mais le plus intolérable, c'est que le célébrant soit toujours un homme. L'Église catholique est toujours une organisation sexiste où la femme reste inférieure. Tant que les femmes ne seront pas traitées en égales, admises à la prêtrise, jusqu'à la papauté, l'Église de nos ancêtres est en violation d'une des valeurs les plus fondamentales de nos constitutions: l'égalité de tous les humains. Et en subit les conséquences.

Finalement, j'ai vérifié sur Internet le site Web de ma paroisse (Sainte-Trinité), une fusion de trois anciennes paroisses dont celles de l'ancienne co-cathédrale de Gatineau (devenue une résidence pour vieux), et il n'y aura pas de messe de minuit de Noël en 2022...

Si je suis éveillé à minuit, j'écouterai le Minuit, chrétiens, l'hymne de Noël par excellence. «Peuple debout, chante ta délivrance!»

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lien au texte Noël - la messe de minuit en voie de disparition au Québec https://www.qub.ca/article/moins-de-messes-de-minuit-1089055841

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