vendredi 17 avril 2020

La bureaucratie... Le maillon faible?


Caricature de Yannick Lemay dans Le Soleil

J'avoue au départ ne pas connaître suffisamment les rouages du ministère québécois de la Santé pour porter un jugement informé sur l'efficacité de sa bureaucratie nationale, ou sur celle des centres régionaux intégrés (et parfois universitaires) de santé et de services sociaux (les CISSS et les CIUSSS). À moins de déambuler quotidiennement dans ses multiples labyrinthes, il faut s'en remettre à nos expériences personnelles et aux rapports médiatiques.

J'ai pesté, comme des milliers (des millions?) de Québécois, contre des retards excessifs pour un rendez-vous à l'hôpital, contre une attente qui semble interminable dans une salle d'urgence, contre la lenteur des résultats de tests qui nous apparaissent urgents... Mais n'allez surtout pas croire que je suis insatisfait des services obtenus. Au contraire, sans l'excellence des soins prodigués au cours des 20 dernières années, je ne serais pas ici en train de scribouiller à l'ordinateur... De mon point de vue, la qualité des soins n'est jamais (ou rarement) l'enjeu. Ce qui pose problème, c'est l'accès à ces soins.

J'ai repensé à tout cela en lisant les articles de journaux et en écoutant les reportages télévisés sur la crise causée par la pandémie de COVID-19 dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Ici encore, il s'agit d'un accès déficient aux soins, et non de la qualité des services dispensés. Une cruelle pénurie de personnel et d'équipements a provoqué des drames humains insupportables. Répondant à l'appel à l'aide du gouvernement, des dizaines de milliers de personnes se sont portées volontaires pour un dépannage d'urgence. Or plusieurs, fort qualifiés, se sont butés aux portes verrouillées de nos appareils bureaucratiques.

Interrogée à ce sujet, la ministre de la santé, Danielle McCann répond en régurgitant l'information qu'elle obtient de son état-major qui, pour sa part, se renseigne sûrement auprès des CISSS et des CIUSSS. Vous savez, il faut regarder les CV, faire un tri, réaliser des entrevues, offrir des contrats, affecter le personnel, et ainsi de suite... Cela prend du temps, et la plupart des candidats sont éliminés. Vrai tout ça. Et pourtant, les témoignages quotidiens de bénévoles qualifiés qui «tombent entre les craques» se poursuivent, sans que l'on n'obtienne d'explication valable...

Le cas troublant du CHSLD Herron vient ajouter au casse-tête. La ministre, citant le CIUSSS de l'Ouest-de-Île de Montréal, indique qu'on appris le décès de 31 résidents le 10 avril. Or, selon d'autres rapports, le CIUSSS avait mis la résidence en tutelle le 29 mars et tous les décès seraient survenus après que l'instance régionale ait assumé la charge de l'établissement. Des questions surgissent immédiatement sur l'efficacité de la communication entre les établissements, le CIUSSS et la direction du ministère de la Santé... Questions restées sans réponse...

Il y a 40 ou 45 ans, nous avions au Québec des CLSC locaux, des CHSLD locaux, des hôpitaux locaux (sans oublier des municipalités plus petites et plus conformes aux communautés qu'elles étaient appelées à desservir), qui fonctionnaient bien, très souvent sans déficits. Puis Québec a entamé les rondes de fusions, regroupant les établissements (et les villes et villages) sur le plan municipal d'abord, puis au niveau régional, et ce, jusqu'aux folies du Dr Barrette qui a tout centralisé à Québec à partir de 2015 et légué aux régions des superstructures monstrueuses (les CISSS) dont personne ne voulait vraiment...

Puis arrive en 2020 la COVID-19, qui cible - contre toute attente - les centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) publics et privés, conventionnés et non conventionnés (allez comprendre les différences...). Qui décide quoi? Le virus se propage comme un feu de brousse, des résidents sont infectés, les employés sont malades ou craintifs, et plusieurs désertent... À qui fait appel la résidence? Pas directement à une banque de bénévoles disponibles, comme cela se serait fait il y a 40 ans... mais plutôt au département des ressources humaines du CISSS ou du CIUSSS qui peut se voir tout à coup débordé par des appels à l'aide venant de tous les coins de la région...

Au lieu d'avoir un petit service des ressources humaines qui répartit sans délai le personnel dans un établissement local selon ses besoins, nous nous retrouvons avec des méga-structures responsables de l'affectation du personnel dans des dizaines d'établissements sur des territoires immenses... Et après, face aux situations d'urgence créées par une pandémie, on se surprend de la lenteur des processus décisionnels? La paralysie est systémique. Elle découle de la nature même des superstructures que des gouvernements successifs ont créées, et que l'administration Couillard a complétées...

Les grosses villes fusionnées, comme les méga-structures régionales de santé et de services sociaux, sont des erreurs. La démocratie a souffert, l'efficacité a souffert. La crise actuelle le démontre. Le premier ministre et sa ministre de la Santé énoncent ce qu'ils croient être la véritable situation. Les médias rapportent un vécu discordant. Qu'y a-t-il entre les deux? L'information fournie par les méga-strustures régionales... Présentement, cela semble être le maillon faible...

À quand un retour à la flexibilité locale qui fut jadis l'une des plus grandes forces de nos réseaux de santé et de services sociaux?



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