jeudi 23 avril 2020

Nos vieux... Ça va bien aller?

photo de MSN.COM

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les histoires d'horreur qui nous parviennent d'employés et de bénévoles dans plusieurs CHSLD (centres d'hébergement et de soins de longue durée) et résidences pour personnes âgées ont suscité la colère, l'indignation et la tristesse dans l'ensemble de la population.

Les superlatifs nous manquent pour donner une description juste de ce que certains ont qualifié de «génocide gériatrique»!

Devant l'ampleur de la catastrophe, l'importance du personnel et des aidants dans ces milieux essentiellement peuplés de vieux commence enfin à être reconnue à sa juste valeur. Ce sont en tout temps, et particulièrement ces jours-ci, de véritables combattants, d'authentiques héros, comme ceux et celles qui risquent leur santé pour leur porter secours depuis quelques semaines.

La priorité immédiate, bien sûr, demeure de sauver la vie et la dignité des résidents de ce que j'appelle depuis longtemps nos «usines de vieux», mais rien ne nous empêche de nous interroger sur les causes et les mesures à prendre pour éviter la répétition d'un tel scandale dans un proche ou lointain avenir.

Cette réflexion ne concerne pas seulement les décideurs et les personnes touchées directement par la situation dans les centres de soins et résidences de tous genres. Chaque citoyen, chaque citoyenne a ici sa part de responsabilité. Nous avons (ou avons eu) tous, toutes, des parents et grands-parents qui ont vieilli, avec tous ce que cela comporte d'enjeux. La plupart d'entre nous aurons la chance de vieillir et, peut-être, de «vivre» (???) dans des «usines de vieux».

Puis-je proposer quelques pistes de réflexion?

La société tout entière peut être tenue responsable du phénomène global de vieillissement, et de la concentration (notamment au Québec) des aînés dans les usines de vieux. Nous faisons trop peu d'enfants? Donc la population vieillit. Et moins de 10% de nos vieux vivent avec leur famille. C'est 80% sur d'autres continents... Des solutions de rechange?

Nos élus doivent être tenus responsables des faiblesses des lois, de la réglementation, de la surveillance et des lacunes d'information sur les usines de vieux. On découvrira peut-être que le pourrissement des conditions de vie dans plusieurs CHSLD s'est fait en toute légalité, et à notre insu. Le rôle premier d'un politicien est de défendre l'intérêt public. Sont-ils tous, toutes coupables?

Nos médias, qui ont relativement bien couvert l'incendie actuel, doivent être tenus responsables d'avoir dormi au gaz pendant des décennies pendant que les braises rougissaient. Un des grands défauts des médias est de privilégier l'événement spectaculaire. L'avion qui s'écrase fait la manchette, et on s'intéresse peu aux problèmes qui pourraient miner les autres... jusqu'à une nouvelle tragédie. Le problème, évidemment, c'est que l'existence de nos médias est menacée...

Les propriétaires, gestionnaires et bureaucrates (le ministère, les CISSS et CIUSSS, les proprios privés et les directions générales) de plusieurs usines de vieux doivent être tenus responsables d'avoir laissé les choses se détériorer, et d'avoir lamentablement failli à la tâche en situation de crise. Jamais l'épaisseur et l'inertie du mur bureaucratique n'ont été si apparentes. À quand un retour à une décentralisation, à la flexibilité d'une prise de décision locale?

Les syndicats des employés des usines de vieux doivent être tenus responsables de ne pas avoir monté suffisamment aux barricades, tant pour défendre les droits de leurs membres que pour affirmer le droit à la dignité des vieux. Où sont passés nos syndicats de jadis qui proposaient, en plus d'améliorer les conditions de travail, des projets de société en contrepoids aux abus d'un capitalisme débridé?

Enfin, tous et toutes, sauf exceptions louables, seront un jour tenus responsables de n'avoir rien fait de plus que s'indigner et pleurer devant le sort de nos vieux dans les CHSLD et résidences, sans contester les fondements mêmes du système monstrueux que nous avons érigés au fil des décennies... Le principal défaut de la majorité silencieuse, depuis toujours, c'est son silence...

Demain, «après» comme on dit, nos vieux seront toujours confinés dans des usines de vieux, la société continuera de vieillir, et il manquera encore (de plus en plus) de personnel. À long terme, rien de fondamental ne changera, et nos usines de vieux redeviendront des salles de buffet pour de nouveaux virus ou coronavirus à la prochaine pandémie... Et ce sera alors au tour des jeunes et adultes en santé d'aujourd'hui, devenus vieux, d'attendre un bain qui ne vient pas, de pleurer pour des soins qui tardent trop à venir, de dépérir faute d'alimentation convenable, de crever sans dignité dans des conditions inhumaines...

Alors...

Qui osera parler, entre autres :

- d'augmenter le taux de natalité?
- de garder les vieux à domicile, le plus souvent avec leurs familles?
- de donner aux vieux plus d'autorité sur le fonctionnement de leurs CHSLD et résidences?
- de criminaliser la négligence dans les usines de vieux?
- d'interdire les usines de vieux à but lucratif? De pouvoir emplir ses poches sur le dos des aînés?
- d'affirmer avec au moins autant de force le droit de vivre dans la dignité que le droit de mourir dans la dignité ou le droit à l'avortement?
- de reconnaître l'importance d'intégrer l'expérience, la sagesse, le savoir des plus vieux à nos projets de société?

Allô, y a quelqu'un???????
Ça va vraiment bien aller???????




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