mardi 23 août 2022

Les chemins d'été (2e jour)

mardi 5 juillet

En dépit de mon métier - journaliste - je n'ai pas beaucoup voyagé. Je me sens bien, chez moi dans mon salon, dans ma chambre, dans ma cuisine. Alors ça fait drôle de s'éveiller dans un lit étrange, ailleurs. Les points de repère sont chamboulés. Des murs aux mauvaises places, un virage à droite pour la salle de bain et ma tasse préférée n'y est pas.

Je suis depuis la veille dans une «résidence de tourisme» (c'est ainsi qu'on les nomme) au centre de villégiature Dam-en-Terre, à 6 km du centre-ville d'Alma, là où le lac Saint-Jean se transforme en une «grande décharge» qui devient vite vite la rivière Saguenay, puis en aval le fjord du même nom. De la fenêtre de cuisine, entre deux immenses conifères (des sapins je pense) j'aperçois une des baies de cet immense lac qui porte en français le nom de notre fête nationale du 24 juin.

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(première parenthèse)

Quelques mots sur le plutôt immense complexe Dam-en-Terre. C'est une entreprise à but non lucratif où peuvent se garer jusqu'à 240 roulottes ou motorisés, dotée d'une belle plage, d'un centre administratif, d'une salle polyvalente (on y présente des pièces de théâtre) et de blocs de six résidences de tourisme ayant un peu (beaucoup) l'allure de condos.

Le nom m'intriguait et après vérification, c'est un mélange d'anglais et de français. Il y a plusieurs années, des travailleurs avaient construit une digue pour retenir l'eau de la Grande décharge. En langage populaire, on appelait la digue un «dam», un emprunt direct de l'anglais. Cette digue de terre a donné naissance à la baie qu'on a baptisé Dam-en-Terre...

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(deuxième parenthèse)

Tant qu'à s'interroger sur l'origine des appellations, je me suis souvent demandé pourquoi on a appelé la plus grande ville du lac «Alma». Je savais qu'il s'agissait d'un prénom (il y avait une matante Alma dans la famille de Ginette), que j'appelais mes anciennes écoles «alma mater» et qu'il y avait sûrement une Sainte Alma quelque part dans le calendrier chrétien. Et il y en a effectivement une.

Mais tout cela n'a rien à voir avec la ville jeannoise que je visite aujourd'hui. Le lien, croyez-le ou non, c'est l'Ukraine. Fondée au milieu du 19e siècle, la localité a été ainsi nommée pour rappeler la bataille de l'Alma (un fleuve) en Crimée (Ukraine) où avait eu lieu en 1853 un affrontement majeur entre forces britanniques et russes. Merveilleux!

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(troisième et dernière?)

Jusqu'à ce qu'un prêtre catholique, Jean Dequen (il y a des rues Dequen un peu partout), le rebaptise lac Saint-Jean, les Autochtones appelaient (et appellent toujours) ce lac Pekuakami, ce qui signifie lac peu profond.

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Assez de parenthèses! Retour à ce matin du mardi, 5 juillet (jour de notre 47e anniversaire de mariage) où nous nous éveillons comme touristes dans notre propre pays, au centre de villégiature Dam-en-Terre, en bordure d'Alma, une agréable petite ville de 30 000 habitants, la plus grosse de la région du Lac Saint-Jean et la patrie de Mario Tremblay, une ville aussi où après une douzaine de jours je peine toujours à m'orienter, y perdant à chaque visite, 
pour une raison quelconque, tout sens du nord, du sud, de l'est ou de l'ouest...

La veille, nous avions décidé d'aller souper au centre-ville et nous avons dû nous fier à l'expertise de Georgette (le GPS de la voiture) qui naviguait bien mieux que nous dans ces rues inconnues dont les noms nous sont devenus par la suite familiers et qui nous ont menés au stationnement de l'Hôtel Universel, où se profilait un restaurant Pacini. Avec des stationnements qui encerclent l'édifice et aucune indication visible de l'entrée du restaurant, nous avons fait tout le tour de la bâtisse en marchant pour enfin découvrir qu'il fallait accéder au resto par la porte principale de l'hôtel... Heureusement, le repas était délicieux et le personnel accueillant même si nous arrivions à moins d'une heure de la fermeture. Un autre attrait du lieu: le grondement et la vue saisissante des rapides de la Grande décharge entre le lac et la rivière Saguenay.

Forts de l'expérience de la soirée précédente et ayant discuté en matinée de notre stratégie de visite du Lac Saint-Jean et du Saguenay, nous ferons après le lunch ce que font habituellement les «touristes»: partir à la recherche du grand point d'interrogation (?) qui coiffe les centres d'information touristique, et s'y documenter le plus abondamment possible. Pas de problème, Georgette connaît bien la place et vers les 14 heures, nous voilà devant la maison de Tourisme Alma Lac Saint-Jean sur l'avenue du Pont Nord, mine de renseignements située à vue de ce qui deviendra le point de départ officiel de nos pérégrinations: la Maison des bâtisseurs, jadis la mairie d'une ville (Isle-Maligne) aujourd'hui fusionnée à Alma. L'endroit appartient depuis 2003 à la Société d'histoire du Lac Saint-Jean, qui y «met en valeur le patrimoine industriel, culturel, bâti, immatériel et naturel du Lac-Saint-Jean».


On a baptisé «Odyssée des bâtisseurs» l'expérience muséale offerte aux visiteurs. Le choix du mot odyssée, signifiant long voyage mouvementé, parsemé d'aventures (comme celui d'Ulysse), peut paraître excessif à certains mais, comme le souligne avec une pointe de fierté Jacqueline, née à Jonquière, nous sommes ici «au pays de la démesure». La collection permanente du musée, intitulée Au delà de l'eau et portant sur l'histoire du développement du réseau des installations hydroélectriques de la région, se déploie d'ailleurs dans une salle de 160 mètres carrés où le plancher est une gigantesque carte du bassin hydrographique du Lac Saint-Jean et de la rivière Saguenay.

Pour les amateurs de technologies, on a, entre autres, réservé un mur à toute une série d'appareils électriques collectés localement et illustrant la période 1920-1970. Des expositions temporaires s'ajoutent tous les ans, dont celle appelée Qu'est-ce que le bleuet? On y apprendra tout sur cette petite baie bleue qu'on associe naturellement à la région du lac Saint-Jean et qui fait depuis belle lurette partie de l'identité collective. Une passerelle au-dessus de l'avenue du Pont Nord permet d'accéder au volet extérieur du musée, le Parcours des bâtisseurs.

Jacqueline, la seule authentique parmi nous


L'Odyssée des bâtisseurs constitue un témoignage éloquent de la puissance de l'identité et de la fierté régionales. Je ne sais pas si de telles installations existent ailleurs au Québec, mais j'ai la certitude qu'on n'en trouve pas d'équivalent chez nous, en Outaouais où la démesure est rarement au menu. Nos historiens locaux mènent depuis toujours un combat inégal contre des autorités trop souvent prêtes à démolir les joyaux du passé qui pourraient servir à ériger et garnir un musée en hommage aux «bâtisseurs» du coin, largement oubliés. Envieux de ce que je voyais à Alma, je me suis demandé s'il existait véritablement une identité outaouaise. Probablement pas...



L'heure du souper approche et depuis notre arrivée, nous n'avons toujours pas vu cette mer intérieure qu'on appelle Lac Saint-Jean. On nous avait recommandé, la veille, de goûter aux plats de l'Auberge des Îles, à Saint-Gédéon-de-Grandmont, municipalité voisine d'Alma, où notre expérience culinaire serait rehaussée d'une excellente vue du lac.

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(excusez... quatrième parenthèse)

Saint-Gédéon-de-Grandmont, un autre des 500 et quelques noms religieux de municipalité au Québec... Mais comme St-Sévère en Mauricie, c'est un leurre. Il existe peut-être un ou plusieurs Saint Gédéon, mais ils ne sont pas honorés ici. De fait, le Gédéon dont il est question n'était pas un saint, mais un Procureur général du Québec (Gédéon Ouimet) venu promettre des secours aux colons en 1869 et ayant demandé en retour de baptiser la paroisse Saint-Gédéon, ce que l'on fit. Quant à Grandmont, il n'a rien à voir avec Gédéon Ouimet. C'était un contremaître de la compagnie Price sur un chantier aux abords... Gédéon Ouimet et Joseph Grandmont ont ainsi légué leur nom à cette petite ville du lac...
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(cinquième parenthèse)



S'il existe des faux noms de saints, il y a désormais de plus en plus de fausses églises. Nous étions, plut tôt en après-midi, passés devant ce qui nous semblait être une église, ornée cependant du nom Saint-Crème. Un lieu de culte devenu bar laitier! Le comptoir est situé à l'intérieur et la clientèle a le choix de s'assoir sur un banc d'église ou de savourer les traites glacées dehors. Une petite touche bien «religieuse»: on ajoute aux sundae, blizzards, cornets et autres une hostie (non consacrée)...
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Et voilà déjà le début de notre seconde soirée en pays bleuet, le moment de jeter enfin un coup d'oeil à ce lac si grand qu'on voit à peine l'autre rive... Un premier départ de Dam-en-Terre à travers la plaine agricole qui caractérise le bassin du Lac Saint-Jean. Partout autour ce sont les collines et montagnes de la forêt boréale mais dans la «cuvette» (c'est ainsi que certains scientifiques appellent la région du lac) c'est vraiment plat. Champs cultivés ponctués d'arbres, de bâtiments de ferme, parfois d'éoliennes. Et l'éclairage du soleil déclinant en rehausse l'attrait.

Arrivée à la terrasse du resto Le Rang 9 à l'Auberge des Îles de Saint-Gédéon, où le menu et le coup d'oeil valent bien le détour. Devant nous s'étale une plage qui semble fort fréquentée et une grappe de petites îles derrière lesquelles se profile le lac Saint-Jean presque à perte de vue. Une fin parfaite à notre seconde journée de découvertes jeannoises... 


Retour par la 169 et 170, deux routes qu'on apprendra à connaître au cours des prochains jours...




 

2 commentaires:

  1. ...une passerelle au-dessus de l'avenir du pont nord...?? Que voulez-vous dire?

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