mercredi 24 août 2022

L'Est ontarien bascule...

Le Québec - pourquoi pas l'ensemble du Canada - devrait porter son regard vers des localités est-ontariennes qui portent des noms comme Hawkesbury, Casselman, Rockland, Embrun, Alfred, Limoges... On y vit une transition historique que confirmera, pour de bon, le prochain recensement - celui de 2026.

Que s'y passe-t-il? La majorité franco-ontarienne traditionnelle sur ce territoire appelé Prescott-Russell, situé entre Ottawa et la frontière québécoise à l'est, fond comme neige au soleil. D'ici le prochain recensement en 2026, les francophones y formeront moins de 50% de la population. Pour la première fois depuis plus d'un siècle, il n'y aura pas de région majoritairement française en Ontario, sauf pour le chapelet isolé de petites villes et villages sur la route 11, dans le Nord ontarien, entre Kapuskasing et Hearst!

Bien sûr le déclin du français est amorcé depuis longtemps dans Prescott-Russell (voir bit.ly/3cfZ6i1), comme partout en Ontario... comme ailleurs au pays... y compris au Québec. Mais les résultats linguistiques récemment dévoilés du recensement de 2021 témoignent d'une accélération catastrophique de l'assimilation des francophones de l'Est ontarien.

Pour comprendre à quel point la situation de la langue française a basculé, il faut savoir qu'au recensement de 1951, près de la moitié (47,2%) de la population de Prescott-Russell était unilingue française. Cela ressemble drôlement aux proportions du Québec d'aujourd'hui. Ça démontre, en tout cas, que cette partie de l'Est ontarien était tellement francophone qu'on pouvait y vivre sans avoir à apprendre l'anglais...

La population des comtés unis a plus que doublé en 70 ans, passant de 43 000 à près de 95 000, mais le nombre de personnes dont la seule langue officielle connue est le français a chuté de 20 400 en 1951 à 9155 en 2021. Si les proportions vous intéressent, on passe de 47,2% à 9,7%. Le nombre d'unilingues anglais était d'un peu plus de 3000 en 1951. Aujourd'hui c'est 23 000 et en forte croissance... Faut faire un dessin?

Les données du recensement de 2021 sur la langue maternelle et la langue d'usage (la langue la  plus souvent parlée à la maison) pointent dans la même direction. Les plus optimistes s'accrocheront aux chiffres de la langue maternelle (la première apprise et encore comprise) mais l'indice le plus fiable de la santé linguistique collective est la langue d'usage. La Commission B-B avait compris ça dans les années 1960. Et là, on est rendu au point de bascule.

La population de Prescott-Russell compte toujours 59,7% de francophones selon le critère de la langue maternelle (en baisse de 4,3% depuis 2016... et de 20,3% depuis 1971). Cependant, en utilisant le repère plus fiable de la langue d'usage, on est passé de 81% en 1971 à 58,4% en 2016, puis à 53,5% en 2021. À ce rythme on sera sous la barre du 50% en 2026.

Le pourquoi est plus complexe. Sans aucun doute l'étalement urbain de la capitale fédérale vers l'est n'aide-t-il pas la francophonie. Les deux principales localités de Prescott-Russell avoisinant les limites de la ville d'Ottawa, Rockland et Embrun, jadis massivement franco-ontariennes, sont méconnaissables. Dans les deux ex-villes, la proportion de la population ayant le français comme langue d'usage a chuté sous le seuil des 50% en 2021 (48,9% à Rockland, 45% à Embrun). Mais d'autres facteurs pourraient être décortiqués si on arrêtait de jouer à l'autruche.


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