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Cela vaut sans doute la peine d'être noté : dans les médias, seul l'ancien ministre et député libéral de Chapleau, Benoît Pelletier, a commenté la récente rencontre des élus régionaux (les 4 préfets et la maire de Gatineau) sur le thème de l'identité régionale de l'Outaouais. «Il n'est pas facile de déterminer ce qui distingue cette région du reste du Québec», reconnaît M. Pelletier avec tout le tact et la diplomatie qu'on lui connaît.
De fait, dans l'état actuel des choses, cerner ou développer une identité outaouaise s'apparente à «Mission impossible». Contrairement à des régions comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Gaspésie ou l'Estrie, entre autres, l'identité de l'Outaouais évoque un casse-tête dont les morceaux visibles gisent en désordre, éparpillés sur une vaste table...
On a l'impression d'être rattaché au Québec dans la Petite-Nation francophone, annexé à l'Ontario dans le Pontiac anglicisé et inexorablement attiré vers l'entonnoir d'un district fédéral en gestation dans la métropole régionale. L'ombre anglophone d'Ottawa étouffe la rive opposée sur le plan identitaire, d'autant plus que Gatineau s'est toujours (avec raison) sentie abandonnée par Québec.
N'oubliez pas. Le gouvernement québécois met plus de 50 ans à construire ici une demi-autoroute mal fignolée... On peut imposer à peu près n'importe quoi à l'Outaouais parce que la population a été dressée à se satisfaire de peu... Les libéraux ont longtemps carburé ici aux tactiques de peur, le plus souvent en agitant l'épouvantail d'une éventuelle indépendance du Québec...
De fait, la peur est probablement ce qui démarque le plus l'Outaouais du reste du Québec. Faut surtout pas offusquer les anglophones, pourtant minoritaires, alors au nom de la bonne entente on leur parlera anglais, on deviendra bilingues, on s'assimilera. C'est déjà un fait accompli dans le Pontiac, et en bon cheminement dans des quartiers riverains de la ville de Gatineau. Alors pour l'identité francophone, pourtant le fondement de l'identité québécoise, on repassera...
Ce serait même trop demander à la ville de Gatineau (qui a déjà fait tomber en justice des dispositions de la Loi 101 sur le bilinguisme des fonctionnaires municipaux) de s'identifier comme ville française et de protéger le langue officielle et commune du Québec sur son territoire. Même franciser un nom de rue apparaît comme un défi. À peu près personne n'aimait le nom Amherst. Au départ, le conseil municipal avait décidé de n'y pas toucher, puis s'est éventuellement rallié à une désignation autochtone.
On aurait pu commémorer un personnage québécois francophone, mais nos élus auraient eu bien trop peur de se voir taxés de xénophobie, de racisme ou pire, de sympathies séparatistes. Alors on traite avec une nation autochtone qui ne s'affiche qu'en anglais (vos dollars fédéraux à l'oeuvre) sur Internet, dont le chef parle anglais sur les ondes de Radio-Canada et qui fait paraître les angryphones de Westmount comme des francophiles. Mais on est dans la diversité, la rectitude politique, la réconciliation...
Dans son texte publié le 11 mars 2023 en page 32 de l'édition samedi papier du Droit, l'ancien député et professeur de droit constitutionnel Benoît Pelletier disait s'inquiéter du caractère français de l'Outaouais. Il écrivait à ce propos: «l'Outaouais doit accroître ses efforts en vue de favoriser l'essor de la langue française sur son territoire. Je m'inquiète personnellement de l'anglicisation rapide de la région. Francophones et francophiles doivent réagir face à cette situation avant qu'il ne soit trop tard.»
Le constat de M. Pelletier est opportun mais il doit savoir que son message est tombé dans des oreilles de sourds. Personne au conseil de Gatineau n'ira dire aux 5000 unilingues anglophones qui se sont ajoutés à la population de la ville entre 2016 et 2021 qu'ils vivent désormais sur un territoire français et qu'ils devraient s'intégrer à la majorité. Les élus couchent dans le même lit que les constructeurs d'habitation, guidés principalement par l'apport financier d'une migration d'Ontariens. Ces derniers traversent la rivière en apportant parfois leurs plaques d’immatriculation dans ce qui doit leur paraître comme une banlieue bilingue d'Ottawa. Et surtout, n'oublions pas que près de 75% de la population de l'Outaouais demeure à Gatineau...
Québec ne fait rien pour aider Gatineau à affirmer son identité québécoise et française face à la très anglaise capitale d'en face. Au contraire, on voit de temps en temps la maire France Bélisle ou quelques conseillers en rencontre avec des ministres, des élus ou des fonctionnaires fédéraux, discutant à Ottawa de dossiers importants pour la rive québécoise. Quand Québec rappellera-t-il à la métropole de l'Outaouais que les villes sont des créatures de l'État québécois et que seul Québec a le droit de discuter directement avec les autorités fédérales? On assiste lentement mais sûrement à la mise en place d'un quasi district fédéral, diluant davantage l'identité régionale outaouaise.
Merci tout de même d'avoir soulevé la question, M. Pelletier. Un geste apprécié! Vous avez toujours été un député libéral hors du commun!
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