jeudi 24 novembre 2022

Redécouvrir Tintin !!



Quand on y songe, en ratissant nos souvenirs, on s’étonne de ce que la mémoire sélectionne et de ce qu’elle oublie. J’en ai conclu un bon jour qu’au regard des expériences que l'on vit, «seules celles qui ont vraiment de l'importance restent avec nous jusqu'à la fin».


Voilà sans doute pourquoi je n’ai jamais oublié ma première visite à une succursale de quartier de la Bibliothèque publique d’Ottawa, à l’âge de huit ans, mon regard fasciné devant les rayons de livres et mon tout premier emprunt : L’étoile mystérieuse, de Hergé.

Choix prémonitoire ? Le héros, Tintin, était reporter… Il défendait les faibles contre les puissants, l’Europe contre l’Amérique, le savoir contre le profit. J’ignorais tout à l'époque des compromissions de ce texte rédigé sous l’occupation allemande, durant la Seconde Guerre mondiale. 

Cette simple visite scolaire à la bibliothèque fut cependant l’étincelle qui alluma chez moi une passion pour la lecture… Et ainsi Tintin restera, pour l'éternité, un des tout premiers repères dans ma quête - incessante depuis lors - de nouveaux savoirs. 

Les personnages de la bande dessinée belge sont attachants, à commencer par Tintin lui-même. Voilà un journaliste qui n'écrit pas d'articles, parcourt le monde mais ne semble avoir aucun revenu d'emploi, ne commet jamais d'excès, vit sans relation amoureuse, survit à toutes les catastrophes et bien sûr, n'a pas vieilli depuis 1930...

Cette caricature de l'humain héroïque et pur est entourée d'autres caricatures - un marin alcoolique, un professeur sourd et distrait, des policiers jumeaux jusque dans leur ineptie. Mais cette confrérie rocambolesque évolue au fil des décennies dans un monde réel qu'on reconnaît - de l'Amérique d'Al Capone, l'Inde des maharadjahs, la Chine sous le joug du Japon et de l'Occident, jusqu'à l'exploration du sol lunaire quinze ans avant Neil Armstrong.

De temps en temps, je replonge dans quelques-uns de ces vieux albums dont je ne me lasserai jamais. Je dois avouer avoir un faible pour Le lotus bleu et Tintin au Tibet, deux histoires liées par l'amitié qui se cimente entre le maître de Milou et un jeune Chinois, Tchang Tchong-Jen (un véritable ami de Hergé). Enfin, tous ces détours m'amènent au motif de consigner par écrit ce récit.

J'avais rencontré, par l'intermédiaire de mes amis Claude et Jacqueline, la soeur de cette dernière, Claire, et son conjoint Sylvain dont la passion pour Tintin faisait passer la mienne pour de l'amateurisme et qui, par surcroit, nous invitait à venir voir ses pièces de collection. J'ai vite découvert que son intérêt ne se limitait pas aux albums, qu'il conserve tous en édition Tintin Atlas, des volumes à couverture rigide et plus luxueuse dans lesquels on trouve une mine de renseignements sur le volume, l'auteur et les pays ou époques effleurées par l'auteur.

Tous sont là, de Tintin au pays des Soviets à Tintin et l'Alph-Art, le dernier album inachevé à la mort de Hergé en 1983. Mais il y a plus. Les tintinophiles, les vrais, collectionnent aussi des objets dérivés des aventures de Tintin. Ainsi, Sylvain possède une collection complète (plus de 60) répliques miniatures des voitures utilisées dans les histoires de Tintin, du vieux tacot de Tintin au Congo au Land Rover de Tintin et les Picaros. Ces précieux véhicules sont conservés dans des présentoirs muraux vitrés qu'il a lui-même construits. S'y ajoutent des figurines des personnages et une rutilante réplique de la fusée d'Objectif lune.

D'autres bandes dessinées peuplent ses bibliothèques mais Tintin occupe sans aucun doute la place de choix. La discussion sur mon héros d'enfance aurait pu durer des heures mais mon épouse et mes amis nous attendaient pour des conversations plus variées. Avant de quitter, cependant, j'ai eu droit à une surprise. En tout cas, moi, je ne savais pas que l'éditeur Casterman avait publié en 2009 un Tintin intitulé Colocs en stock totalement rédigé en français québécois.

Dans les toutes premières images, Tintin et le capitaine Haddock sortent d'un cinéma et Tintin dit à son ami: «Vous étiez pas pâmé par la vue, capitaine?» Et Haddock de répondre: «Non, c'était pas vargeux.» À prime abord, je doutais que ce soit une bonne idée, mais j'ai commencé à le lire et j'attendrai la fin avant de fixer mon opinion. Une chose est sûre. On n'aurait jamais envisagé une adaptation pareille quand j'ai mis la main pour la première fois sur L'étoile mystérieuse en 1954 ou 1955. On n'aurait pas songé à remplacer les «bachi-bouzouks» et autres injures du capitaine Haddock par «Carcajou! Picbois! Coquerelle! Achalant!»

Je n'ai pas tous les albums de Tintin. Mais je pense qu'à 76 ans, il est temps que je relise ceux que je possède. Pour ensuite acheter ceux qui manquent à ma collection. Et peut-être la fusée d'Objectif lune. Avec le recul, je ferai de nouvelles découvertes. Il n'est jamais trop tard...


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