samedi 5 novembre 2022

Le calvaire de Mme Lieutenant-Duval (suite)

capture d'écran du Droit du 28 octobre 2022

En lisant le texte de l'excellent Jean-François Dugas dans l'édition numérique du quotidien Le Droit, le 28 octobre, je ne sais pas ce qui m'a davantage outré: l'emploi persistant de la ridicule expression «mot en "n"», ou les indignités qu'a dû subir la professeure Verushka Lieutenant-Duval à l'Université d'Ottawa depuis deux ans.

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Si vous vous voulez lire le texte, et je vous le conseille, voici le lien: https://www.ledroit.com/2022/10/29/mot-en-n-a-ludo-condamnation-et-tissu-de-mensonges-a0206c278e32d15e43dee2879d04f1d1.

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Sous le titre «Mot en n» à l'U. d'O: condamnation et «tissu de mensonges», on peut lire le texte suivant (voir capture d'écran ci-dessous):

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Permettez-moi de citer quelques extraits de textes de blogue antérieurs (vous trouverez les liens à la fin du texte):

Les journalistes et les directions des salles de rédaction commettent une faute qui, faite à répétition, accrédite la censure réclamée par les pourfendeurs de Mme Lieutenant-Duval. Ils ont généralisé l’expression «mot en n» au lieu d’exercer, et ainsi protéger, leur liberté d’informer sans entrave la population.

1. Dans le cas de la prof de l’Université d’Ottawa, cette expression porte d’abord à confusion. Les articles et reportages publiés mentionnent rarement qu’elle enseignait en anglais. Lecteurs et auditeurs croient que le «mot en n» était nègre, alors que c’était en réalité nigger. Le sens et la portée de l’un et de l’autre sont tellement différents qu’une précision est ici essentielle.

Et l'équivalent du mot nègre, en anglais, c'est negro, pas nigger. L'emploi du terme negro était répandu, voire courant, jusqu'aux années 1960 pour décrire les humains de race noire. Aux États-Unis, le terme Afro-Américain l'a supplanté. Ici, le mot Noir a pris le dessus. 

2. Mais l’effet le plus pernicieux d'une telle censure est de faire croire à l'existence de mots qu'on ne peut imprimer ou prononcer dans les médias. En les supprimant, le milieu journalistique accrédite la thèse voulant que ces mots doivent être en tout temps bannis du langage, parce qu’intrinsèquement mauvais et agressants. Cette censure médiatique donne raison à l’Université d’Ottawa et condamne la professeure Lieutenant-Duval.

Enfin, «mot en n», c'est un anglicisme. Non, pire qu'un anglicisme, un calque de l'anglo-américain. The «N-Word».... L'importation irréfléchie d'une injure raciste des États-Unis vers notre langue fragile, assiégée, de plus en plus poreuse. Les nombreux médias mauviettes de langue française pourraient tout au moins utiliser «mot commençant par n» à la place de «mot en n». C'est aussi désolant, mais le français est meilleur.

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Passons maintenant au calvaire de Mme Lieutenant-Duval, suspendue sans avoir eu la chance de se défendre, appelée à comparaître après suspension devant le doyen de la Faculté des arts et la conseillère spéciale en inclusion et diversité de l'Université d'Ottawa, tous deux anglophones et antipathiques à son argumentaire, obligée de suivre une rééducation à la Mao sur le «respect» et de soumettre une lettre d'excuses alors qu'elle n'avait rien fait de mal, soumise à la vindicte d'une masse étudiante anglo-wokiste (plus de 10 000 signatures sur une pétition réclamant des sanctions contre Mme Lieutenant-Duval)... Il ne manquait que la guillotine...


L'opinion publique de langue française, principalement québécoise, a été alertée par une série de textes et chroniques, notamment celle d'Isabelle Hachey dans La Presse du 15 octobre 2020), et une forte vague d'appuis francophones, y compris 34 de ses collègues professeurs de l'Université d'Ottawa. L'affaire a déclenché dans les milieux québécois et francophones un débat furieux sur la liberté universitaire, débat qui semble avoir à peine effleuré les thuriféraires de l'univers anglo-wokiste-multiculturaliste, qui exercent une influence démesurée dans les médias et universités anglo-canadiens.


Faut-il être surpris que les indignités infligées à Mme Lieutenant-Duval se soient si vite transformées en conflit linguistique? Pas du tout. J'ai grandi en Ontario et passé une dizaine d'années sur le campus de l'l'Université d'Ottawa. Ça fait partie du décor. Il en va ainsi de la plupart des conflits qui se déroulent à proximité des frontières linguistiques, au Québec et au Canada. Depuis des siècles, la majorité anglophone, imbue de sa supériorité, héritière des relents d'un racisme historique, résiste mal à chaque tentation qui lui est offerte de rabrouer ou d'humilier les concitoyens de langue et de culture françaises, ainsi que les valeurs que cette langue et cette culture incarnent.


Vous m'excuserez de retourner à 1839 et au rapport de Lord Durham sur la rébellion des Patriotes. C'est un document que tous et toutes devraient lire. Durham avait beau être raciste à la britannique, disant vouloir nous extirper de notre ignorance pour nous élever (en anglais bien sûr) à «la liberté et la civilisation», son sens de l'observation était sans égal. Il a bien saisi la dynamique des rapports entre français et anglais. «On s'en aperçoit vite: les rivalités qui paraissaient avoir une autre origine ne sont que les modalités de cette perpétuelle et envahissante querelle; toute dispute en est une de principe entre Français et Anglais ou le devient avant d'avoir touché son terme», écrit-il.


Au sujet de l'attitude de l'anglophone à l'endroit des parlant français, il ajoute: «habituellement conscient de sa propre supériorité, il ne prend pas la peine de cacher aux autres son mépris pour leurs usages.» Cela fait beaucoup penser à ce qu'a ressenti Mme Lieutenant-Duval lors de sa comparution devant le doyen de la Faculté des arts, Kevin Kee, et la conseillère spéciale à l'inclusion et à la diversité, Steffany Bennett. Ils ont appliqué la méthode de Durham de rééducation pour élever Mme Lieutenant-Duval «à la liberté et à la civilisation»...


Je serais curieux de savoir dans quelle langue se sont déroulés les quasi-procès subis par la professeure francophone devant deux «supérieurs» anglophones...


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Liens à mes textes de blogue antérieurs sur cette affaire:


1. Suspendue sans procès et lynchée dans les médias, 20 octobre 2020. https://lettresdufront1.blogspot.com/2020/10/suspendue-sans-proces-et-lynchee-dans.html


2. De quoi je me mêle?, 26 octobre 2020 https://lettresdufront1.blogspot.com/2020/10/de-quoi-je-me-mele.html


3. Un texte bourré de faussetés et d'erreurs, 31 octobre 2020

https://lettresdufront1.blogspot.com/2020/10/un-texte-bourre-de-faussetes-et-derreurs.html


4. Le dernier esclandre du recteur..., 24 novembre 1970

https://lettresdufront1.blogspot.com/2020/11/le-dernier-esclandre-du-recteur.html


5. Le combat contre le racisme a besoin de guerriers, pas de mauviettes, 10 décembre 2020

https://lettresdufront1.blogspot.com/2020/12/le-combat-contre-le-racisme-besoin-de.html


6. «je suis nègre-blanc-québécois-fleur-de-lys» (Paul Chamberland, 1965), 3 avril 2021

https://lettresdufront1.blogspot.com/2021/04/je-suis-negre-negre-blanc-quebecois.html


7. N'a-t-on rien appris? 30 août 2022

https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/08/na-t-on-rien-appris.html



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