mercredi 21 août 2019

La presse écrite, comme une vulgaire boîte de conserve

Mon texte de blogue du 17 septembre 2015 quand le quotidien La Presse avait annoncé la disparition de son édition papier en semaine. Quand on se limite aux modèles d'affaires, ça donne ça... en 2015 comme en 2019...

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Faut croire que je ne vis pas sur la même planète que ces gens-là. En annonçant et en analysant la disparition (en semaine) de l'édition papier de La Presse, ils discutent de «modèle économique», de «produit», de «marché», d'«habitudes de consommation». On parlerait ainsi d'une vulgaire boîte de conserve dans un supermarché. Ne voit-on pas que des droits fondamentaux pour la démocratie sont en jeu ici: accès à l'information, liberté de presse et d'expression, 500 ans de civilisation de l'imprimé?

Quand on évoque les principes et les valeurs, on passe trop souvent pour des idéalistes peu soucieux de la réalité qui nous entoure. Pour bien des gens (y compris dans les milieux journalistiques), le discours des frères Desmarais et de leurs exécutants sur l'abandon de la presse écrite tient de l'évidence, et ne souffre pas d'être remis en question. Je prends pour exemple le texte de Pierre Duhamel dansL'actualité, mis en ligne ce matin (http://bit.ly/1W4I2Z7).

«Le modèle économique des quotidiens imprimés ne tient plus», écrit-il sans nuances. Selon qui? Pourquoi? Pourrait-on corriger le tir? Sais pas… Le jugement est rendu et sans appel. «Le marché publicitaire a changé et abandonné les médias traditionnels», et «les (pas des…) jeunes lecteurs ont déjà adopté de nouveaux modes de lecture et de nouvelles habitudes de consommation de l'information». Le marché publicitaire a abandonné? Vraiment, À quel point? Pourquoi? Peut-on renverser la vapeur? Sais pas… Le jugement est rendu et sans appel. Et ces jeunes lecteurs? Ont-ils vraiment largué l'imprimé autant que l'on semble le croire? Lisent-ils moins? Pourquoi? Que peut-on faire, à l'école ou ailleurs, pour encourager la lecture? Sais pas… On n'en discute pas. Le jugement est rendu et sans appel.

Le fait est qu'on laisse présentement agir, sans trop les questionner sur le fond, des barons d'industrie plus soucieux d'engranger des fortunes que d'informer la population. Le jour où, pour de bon, on laissera «le marché» décider du bien-fondé de nous offrir ou pas des «produits» d'information, notre démocratie mourra. Certains jours, on la voit déjà moribonde. Les premiers à monter aux barricades pour sauver l'imprimé, pour sauvegarder l'accès à l'information, pour stimuler le débat sur l'avenir de la presse devraient être les artisans des journaux. Mais un morne silence émane des salles de rédaction…

Pendant qu'ailleurs sur notre petite planète, des journalistes et photographes sont tués ou emprisonnés ou persécutés pour tenter d'obtenir des droits qui sont ici reconnus dans nos constitutions, nos propres scribes et preneurs de photos - ici au Québec - et leurs organisations, syndicales et professionnelles, (je vais bien choisir mes mots ici…) manquent nettement de vigueur. Hier, après l'annonce de l'abandon en semaine de La Presse papier, j'attendais une réaction rapide et vigoureuse des syndicats CSN et de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.

La réaction syndicale est venue en fin d'après-midi et, tout en insistant sur les priorités d'une information de qualité, ne remet pas en question les fondements du branle-bas qui menace l'avenir de la presse écrite. Quant à la FPJQ, qui aurait dû être prête pour cette annonce, prévue depuis près de deux ans, elle ne s'est toujours pas manifestée au moment d'écrire ces lignes (le lendemain matin). Elle aurait pu, tout au moins, affirmer son intention de fouiller l'affaire et de suivre à la trace l'évolution du dossier pour protéger les intérêts des journalistes et le droit du public à l'information. Non, rien…

À force de lutter pour sauver les emplois qui resteront quand les proprios auront décidé de l'importance de leur marge de profit, les employés des salles de rédaction semblent avoir renoncé - sauf exception - aux grands débats de principes et de valeurs sur la place publique. Ou, pire, accepté comme des évidences les prémisses des plans de match de Power Corp et de Gesca.

Heureusement, les six quotidiens ex-Gesca semblent avoir échappé pour le moment à la peine de mort prononcée par André Desmarais en mai 2014. La direction de Capitales Médias, ainsi que celles du Devoir et des journaux de Québecor, continuent d'affirmer leur confiance en l'avenir de l'imprimé tout en entreprenant leurs stratégies numériques. Mais un jour, les salles de rédaction de ces journaux risquent d'être confrontés au scénario actuel de La Presse

Se taire aujourd'hui, n'est-ce pas se condamner au silence demain?



mardi 20 août 2019

Le silence assourdissant des salles de rédaction

Texte publié sur mon ancien blogue le 19 mai 2014. Onze jours plus tard, Le Droit/Gesca me congédiait... J'estime qu'il conserve toute son actualité.

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La semaine dernière, les grands patrons de Power Corporation, conglomérat propriétaire de la chaîne de journaux Gesca, dont fait partie le quotidien auquel je suis associé depuis 45 ans, Le Droit, ont annoncé froidement la disparition de mon journal. Pas demain, ni après-demain, mais bientôt… Dans les plans à long terme de Gesca, il ne semble plus y avoir de place pour les journaux imprimés. On les mettra littéralement sur une tablette… Et comme toujours, dans Gesca, l'effort principal est mis sur le quotidien amiral, La Presse. Les autres? Bof…

Quoiqu'il en soit, voici la citation d'André Desmarais, coprésident et co-chef de la direction de Power Corporation, telle que rapportée le 15 mai. La question posée à M. Desmarais portait sur l'avenir des quotidiens régionaux de Gesca, Le Soleil (Québec), Le Droit (Gatineau-Ottawa), La Tribune (Sherbrooke), Le Nouvelliste (Trois-Rivières), Le Quotidien du Saguenay et La Voix de l'Est (Granby). Le patron de Power Corp a répondu : «Que va-t-il arriver à ces quotidiens-là? Eh bien, ils vont disparaître. Il n'y a pas de question. Il faudra qu'ils aient des discussions sérieuses en espérant trouver une façon d'intégration, peut-être à la tablette.»

Pourquoi? C'est essentiellement une question d'argent. Une chute «énorme» des revenus publicitaires, dit M. Desmarais. Le second motif, sur lequel il a moins insisté : les journaux imprimés, «c'est un médium et les gens en veulent moins.» Il y aurait donc perte de revenus et perte de lectorat. Le cocktail parfait pour des fermetures annoncées à moyen terme. Et la solution, si solution il y a, doit être rentable. Pour le moment, on mise sur la tablette… La Presse+, offerte gratuitement… et une possible extension, peu définie pour le moment, de cette tablette à ce que les Montréalais appellent «les régions».

Quand tout cela se produira-t-il? «Le marché déterminera», conclut André Desmarais…

Vous me permettrez de ne pas être très heureux, et ce, pour plusieurs motifs que je risque de présenter pèle-mêle, faute de pouvoir m'engager froidement, avec un recul suffisant, dans ce débat entourant l'avenir des quotidiens imprimés, et notamment de celui qui me tient le plus à coeur, Le Droit. Mais je crois qu'en matière d'information du public, des valeurs autres que les pertes et les profits ont droit de cité. Le droit du public à l'information, y compris l'information régionale, constitue la pierre d'assise de notre démocratie.

1. Je suis quelque peu outré du silence assourdissant qui émane des salles de rédaction des quotidiens de Gesca, y compris La Presse. J'ai toujours cru que le milieu journalistique en était un de remises en question constantes, de contestation, de reddition de compte, du second regard, de réflexion et, par conséquent, de diversité et de choc d'idées. S'il reste quelque chose de ce bouillonnement que j'ai connu, ça ne paraît pas. Trop de journalistes ont la bouche cousue…

2. Compte tenu que l'ère Internet n'a que vingt ans et que personne ne sait trop jusqu'où mènera sa croissance exponentielle et erratique, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on se comporte comme si le numérique allait - sans appel et de toute évidence - remplacer le papier comme support quotidien de l'information au public. Il y a d'excellents motifs de ne pas mettre tous ses oeufs dans le panier numérique (http://bit.ly/1mDsOZV). Des valeurs de civilisation sont ici en cause.

3. J'aimerais qu'on aborde plusieurs questions de fond. Pourquoi lit-on moins les journaux? Pourquoi lit-on moins, tout court? Il faudra parler d'éducation, de culture, de tout. La proportion d'analphabètes fonctionnels est effarante. Il faudra aussi parler de la qualité du produit offert. J'ai toujours cru, peut-être naïvement, peut-être pas, qu'un bon journal trouvera des lecteurs. Quand le nombre de pages diminue, quand on sabre dans les salles de rédaction, il ne faut pas se surprendre que le lectorat en souffre. Et ceux qui ne lisent pas sur papier à cause d'une incapacité de lecture, ou parce qu'ils n'y trouvent plus ce qu'ils devraient y trouver, vont éventuellement délaisser les nouveaux gadgets électroniques… pour les mêmes raisons.

4. Je refuse - catégoriquement - d'envisager que «le marché» décide si je serai informé ou pas demain. Je comprends les soucis des gens d'affaires comme M. Desmarais qui veulent maintenir et augmenter leurs marges de profit, mais l'information - et le droit du public à cette information - sont des valeurs fondamentales inscrites dans les constitutions. Que de puissants barons d'entreprise puissent s'arroger le droit de placer leur bilan financier devant un droit constitutionnel me bouleverse. Des solutions? Hé, je ne suis qu'un scribe à la quasi-retraite, qui tentera de vivoter avec ses REER le plus longtemps possible… Ce qui me désole, cependant, c'est que personne ne semble vouloir prendre cet enjeu par les cornes… Il doit y exister des solutions de rechange.

5. En 1913, Le Droit a été fondé par des Franco-Ontariens qui luttaient contre l'interdiction de leurs écoles par un gouvernement raciste à Toronto. Son lectorat est devenu graduellement plus québécois qu'ontarien, mais le journal continue à chevaucher les deux rives de l'Outaouais. Des milliers, des dizaines de milliers de personnes y ont travaillé ou ont contribué à le diffuser au cours de son premier siècle. Le Droit est enraciné même s'il est amoché par l'époque. Le labeur centenaire de ses artisans, et le public qu'ils ont desservi et continuent de desservir, méritent une reconnaissance et un attachement qui dépassent la froide lecture d'un bilan financier et l'interprétation de l'évolution technologique. Pour moi, l'humain sera toujours plus important que la marge de profit.

Bon, c'est sans doute un peu décousu, mais voilà au moins quelques salves qui, j'espère, inciteront les collègues journalistes du Droit et de Gesca à se lancer dans l'arène, à questionner, à débattre le pour et le contre… pas seulement autour d'un café, mais sur la place publique. Même les syndicats de journalistes n'ont pas fait de vagues. Seule la FPJQ est intervenue, sans que cela ne cause trop de remous. J'ose espérer qu'il existe encore une capacité de rébellion dans les empires médiatiques d'aujourd'hui. Parfois, une rébellion est salutaire… même pour les bilans financiers des entreprises.

vendredi 16 août 2019

On se moque de nous!


D'ici quelques semaines, dans l'indifférence générale, un groupe d'étudiants désirant s'inscrire en 2020 à la nouvelle faculté de médecine de l'Université McGill en Outaouais (à Gatineau) se retrouvera sur les bancs d'école à Montréal, sur le campus McGill, pour y compléter une année préparatoire... en anglais seulement!!!

Le débat surréaliste autour de la langue d'enseignement de la médecine à Gatineau durait depuis 2014 quand, comme un cheveu sur la soupe, on a découvert à l'automne 2018 que quelqu'un, quelque part, avait oublié de parler de l'année préparatoire requise pour accéder au programme de médecine à McGill...

Alors qu'on s'époumonait à vouloir franciser les deux premières années de cours magistraux et que les médias régionaux en faisaient parfois grand cas, l'Université McGill et le gouvernement Couillard n'avaient jamais révélé que l'année préparatoire (la «Med-P», bit.ly/30b2dwx) se donnait en anglais seulement... et à Montréal par surcroit.

Belle surprise pour le gouvernement de la CAQ, fraîchement élu, et pour son ministre de l'Outaouais, Mathieu Lacombe. «Je ne peux faire autrement que d'être fâché, déclara ce dernier, parce que les libéraux étaient au courant de ça et c'est quelque chose qu'ils ont accepté (bit.ly/2S088Qz).»

Pour le gouvernement Legault, il s'agissait donc de trouver une solution permettant d'offrir cette formation préparatoire en français à l'automne 2019, pour la cohorte d'étudiants voulant s'inscrire au programme de médecine de McGill à Gatineau dès son ouverture en septembre 2020.

Cela ne semblait pas un défi insurmontable à prime abord. On ne demandait pas à nos élus de régler la faim dans le monde, négocier le libre-échange ou freiner les changements climatiques. Juste de permettre à une vingtaine d'étudiants québécois de suivre quelques cours universitaires en français...

Eh bien, avec toutes les ressources humaines et technologiques disponibles dans les facultés de médecine des universités de langue française (auxquelles on pourrait ajouter l'Université d'Ottawa, avec son programme complet de médecine en français), c'est l'échec. Des francophones seront donc obligés d'étudier cet automne en anglais... au Québec!

L'Université du Québec en Outaouais s'organise pour offrir l'année préparatoire en français en septembre 2020, mais pour cette première cohorte de la nouvelle faculté de médecine à Gatineau? Rien! C'est honteux, inexcusable, révoltant!

On me répondra qu'il ne s'agit que d'une vingtaine d'étudiants et pour une seule année. Le nombre et la durée n'ont aucune importance. Le principe en cause, ici, est fondamental: le droit absolu des Québécois d'étudier la médecine (ou toute autre matière offerte au Québec) dans leur langue, la seule langue officielle du Québec, le français.

Imaginez si, dans des circonstances inversées, on obligeait des Anglo-Québécois à suivre une année de cours en français seulement... Les médias anglo-canadiens monteraient aux barricades et on aurait vite quelque représentant des Nations Unies dans les parages pour nous faire la morale...

Mais comme il s'agit de francophones sur un territoire où la mentalité de colonisé a laissé des sillons profonds, on laisse faire dans l'indifférence. Silence médiatique et politique à peu près total. Même dans les milieux étudiants, aucun grondement ne se fait entendre...

Et qu'arrivera-t-il, l'an prochain, si l'Université McGill annonce que malgré tous ses efforts, un cours ou deux devront être enseignés en anglais pour la première année du programme? Sur quel principe nous fonderons-nous pour affirmer que c'est inacceptable?

On nous lancera: vous avez pilé sur vos principes l'an dernier. Eh bien, dear Franco-Quebecers, pliez de nouveau, bande de lavettes...









lundi 12 août 2019

L'insécurité linguistique, synonyme d'assimilation

Les gens ont souvent peur des mots. Exemple? J'ai 73 ans. Je suis vieux, comme tous ceux et celles qui ont franchi le cap de la soixantaine. Et j'en suis heureux! Mais il ne faut surtout pas utiliser le mot «vieux» ces jours-ci. On préférera «aîné». On parlera du «bel âge». De «l'âge d'or». Foutaise!

Et surtout n'allez pas évoquer les «sourds» et les «aveugles»... Ce sont plutôt des «malentendants» ou des «non-voyants». Les «pauvres» sont devenus des «défavorisés». Les «riches»? Trop lapidaire, on embellira avec l'expression «bien nantis». Et - un classique - les entreprises ne «congédient» plus, elles «rationalisent». Rectitude politique, quand tu nous tiens...

L'une des plus récentes additions? «L'insécurité linguistique» pour remplacer le terme, certes moins doux, d'«assimilation». D'aucuns contesteront ma perception mais je suis prêt à la défendre. Ce qu'on appelle désormais l'insécurité linguistique touche principalement les minorités canadiennes-françaises et acadiennes à l'extérieur du Québec, mais le phénomène se pointe déjà dans les milieux québécois en proie à l'anglicisation (quelques coins de la région montréalaise et de l'Outaouais).

Il s'agit, selon ses concepteurs, d'une espèce de «peur» de parler français, soit pour ne pas froisser une majorité anglophone environnante, soit par crainte «d'être jugé par d'autres francophones parce que (le) français parlé est différent et peut-être moins bon». Ainsi, le français serait en régression à travers le pays parce qu'on a peur de l'utiliser? Ben voyons...

Les recensements fédéraux taillent en pièces cette hypothèse à tous les cinq ans. On me permettra d'utiliser comme exemple la ville de Cornwall, située en Ontario mais tout près du Québec, où il existe depuis longtemps une présence appréciable de francophones. C'aurait pu être une autre localité où les francophones sont minoritaires. La tendance aurait été la même.

Dans cette ville en bordure du fleuve Saint-Laurent, plus de 42% des résidents connaissent le français et environ 23% de la population totale de 46,625 (recensement 2016) se dit de langue maternelle française. Or, quand on consulte les chiffres de langue d'usage, moins de 10% des gens de Cornwall parlent surtout le français à la maison...

C'est éloquent. À la maison, donc à l'abri de la société, ces francophones n'ont pas à craindre la majorité anglophone, et ne ressentent aucune peur d'être jugés pour la qualité de leur français parlé. Il n'y a pas d'insécurité linguistique avec ses parents, frères et soeurs. Et pourtant plus de la moitié des personnes de langue maternelle française à Cornwall optent pour l'anglais comme langue principale à domicile.

Selon une vaste étude de Statistique Canada, publiée en 2010, entre 60 et 70% des francophones de l'Ontario consomment des médias (radio, télé, journaux, Internet) uniquement ou surtout en anglais, contre seulement 19% en français. On ne viendra pas me faire croire qu'on peut ressentir une insécurité linguistique devant un téléviseur ou une tablette ou un téléphone intelligent...

La réalité ce n'est pas l'insécurité linguistique, c'est l'anglicisation massive, l'assimilation. Si des milliers de jeunes francophones hors-Québec ont peur de prendre la parole en français devant d'autres francophones moins anglicisés, c'est qu'ils sont conscients d'être habitués à communiquer le plus souvent en anglais, même avec leurs amis, en famille, à l'école... oui même à l'école française où l'on doit souvent faire la discipline pour obliger les élèves à parler français dans les couloirs...

Ce n'est pas l'accent ou la différence des expressions qui font défaut. On peut parler avec confiance un excellent français tout en ayant un fort accent, anglais ou autre. Ce qui manque le plus souvent (même dans certains coins du Québec), c'est le vocabulaire, la prononciation correcte, une bonne connaissance des verbes et de leurs accords, ou encore - surtout? - la pratique quotidienne de la langue française dans un contexte où elle est à la fois utile et nécessaire.

Alors je peux comprendre qu'un francophone qui regarde la télé en anglais, utilise l'Internet en anglais, se sert à peu près uniquement de l'anglais en société, communique en anglais avec ses proches et ses amis, que son français acquis à l'enfance grince tant il est rouillé. Je peux comprendre son insécurité linguistique s'il se retrouve en milieu très francophone. Mais l'insécurité n'est pas la cause du problème, c'est le résultat du processus d'assimilation.

Ce n'est donc pas l'insécurité linguistique qui contribue à l'assimilation (bit.ly/300m8yb), mais bien l'inverse.

On me répondra que certains Français et des Québécois ont parfois une attitude hautaine ou condescendante envers ceux et celles qui, à leurs yeux, parlent un français appauvri. Et c'est vrai. Et ils ont tort. Je suis Franco-Ontarien d'origine et je peux comprendre l'irritation que l'on ressent dans de telles situations. À Paris, il m'est arrivé de me faire répondre en anglais après avoir posé une question en français... Cela ne m'a pas intimidé cependant... J'ai demandé à l'un de mes interlocuteurs ahuri s'il croyait que j'avais une tête d'Anglais...

À l'automne 2018, la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) a annoncé qu'elle allait développer d'ici 2020 une stratégie pancanadienne pour tenter de régler le problème de l'insécurité linguistique (bit.ly/2EwVh6n). J'espère que les membres de cet organisme auront le courage de regarder la réalité en face, de bien définir le problème de l'assimilation, de ne pas maquiller les chiffres pour créer un faux optimisme linguistique, de définir ses concepts avec clarté.

Denise Bombardier avait tort de voir la francophonie canadienne comme moribonde. Il ne faudrait pas pécher par excès contraire en portant des lunettes roses. D'un point de vue comme de l'autre, les vrais problèmes ne se régleront pas...

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Une vidéo intéressante sur YouTube - bit.ly/2KOkSaO





mardi 6 août 2019

Le manque de savoir-vivre: une épidémie!

Le manque de savoir-vivre élémentaire atteint des proportions épidémiques dans mon coin de pays, l'Outaouais, et j'imagine que notre région ne doit pas être très différente des autres.

Il ne se passe guère une journée sans qu'un ou plusieurs incidents nous mettent en présence de gens qui ne semblent avoir aucun respect pour les règles de la société, pour l'environnement ou tout simplement, pour les autres humains qu'ils côtoient.

Cette semaine, je faisais la file avec mon litre de lait à la caisse express du supermarché IGA. Le type devant moi avait dans son panier une quinzaine d'articles (au moins) alors que l'affiche de cette caisse disait très clairement: «6 articles ou moins».

Comme cela se produit constamment et que les caissiers n'osent jamais intervenir, j'ai fait remarquer poliment à ce monsieur que la file était réservée aux petites commandes de 6 articles, ou moins. Pour toute réponse, j'ai eu droit à: «Pi???»

Je lui ai alors demandé si cela le dérangeait de ralentir la caisse express alors que d'autres attendaient derrière lui avec deux, trois ou cinq articles. Il m'a répondu avec un air insulté: «Non, pas du tout!»

Le vieux monsieur qu'il suivait est alors intervenu pour lancer, intelligemment... «Y'en a qui sont pressés. Mois je viens de la Gaspésie et par chez nous, on n'est pas pressés»... Vraiment édifiant.

Pour mon effort de civisme, j'ai eu droit à leurs quolibets et au silence gêné du caissier. Quand ce fut finalement mon tour de payer, j'ai tenté de savoir du caissier pourquoi le supermarché ne faisait pas l'effort d'appliquer ses propres règles. Il a balbutié quelque chose d'inaudible...

Ce genre d'incident fait ressortir deux situations tout aussi désagréables l'une que l'autre:
1. le manque de savoir-vivre est couramment toléré, et
2. tout effort pour le contrer est le plus souvent rabroué.

Je ne compte plus le nombre de fois où des camionneurs, automobilistes, motocyclistes et cyclistes brûlent des arrêts et des feux rouges sans la moindre hésitation, mettant leur vie et celle des autres en danger. Un geste pour le leur signaler vous vaudra trop souvent une insulte ou un majeur pointé vers le haut.

L'autre jour, sur l'autoroute 50 dans l'est de Gatineau, vraie piste de course, une moto nous a dépassés à vive allure (trop vite) entre les deux files de voitures qui roulaient aux environs de 100 km/heure...

Dans mon quartier, la vitesse est limitée à 40 km/h sur les rues résidentielles. Je commets l'erreur de la respecter, et cela me vaut constamment des voitures collées sur mon pare-choc arrière et la mauvaise humeur de leurs conducteurs qui se voient empêchés de rouler 60 ou plus dans les zones de 40...

Les conducteurs de gros camions F-150 (Ford) ou Ram (Dodge) sont souvent parmi les plus agressifs... Ôtez-vous de leur chemin...

Et que dire des milliers de «citoyens» qui lancent leurs mégots de cigarettes dans la rue, qui jettent leurs déchets un peu partout, au sol, sans se donner la peine de chercher une poubelle, ou qui laissent des paniers d'épicerie dans les espaces de stationnement ou même sur les trottoirs?

Ou encore ces milliers d'internautes qui lancent à tort et à travers des grossièretés et des injures sur Facebook ou Twitter?

Je veux bien croire que la majorité des citoyens se comporte bien, mais j'ai l'impression de ne pas les entendre très souvent... Peut-être font-ils partie de cette majorité silencieuse qui semble exister dans les sondages d'opinion, et guère ailleurs...

La société québécoise donne ces jours-ci des signes de décomposition. La croissance du nombre de malotrus en est certainement l'un des symptômes...