vendredi 31 décembre 2021

À mi-chemin entre la pandémie de grippe espagnole et la pandémie de COVID-19...

En ce 31 décembre 2021 où, au Québec du moins, les restaurants fermeront indéfiniment leurs portes à 17 heures et les rues se videront à 22 heures sous l'emprise d'un couvre-feu, les partys et autres sorties de la veille du Jour de l'An et du premier jour de 2022 n'auront pas lieu...

Voilà pourquoi il peut devenir amusant de sortir des boules à mites l'édition du quotidien Le Droit du 31 décembre 1971 et voir en publicités certaines des activités qui s'offraient au public dans la région d'Ottawa et de Hull-Gatineau, à mi-chemin entre la pandémie de grippe espagnole et celle de COVID-19...

Ce qui est le plus fascinant de cette incursion dans le passé, c'est qu'en un demi-siècle, tous ces commerces (cinémas, hôtels, restaurants) qu'on retrouve dans les pages du Droit ont disparu, à l'exception d'un restaurant de mets chinois à Hull et du (tout nouveau à l'époque) Centre national des Arts à Ottawa. Et de fait, quand on fait le tour d'Ottawa et de Gatineau, aujourd'hui, il ne reste pas grand chose du paysage commercial du début des années 1970...

Les cinémas qui émaillaient les grandes avenues de la région ont presque tous cédé leur place aux complexes multi-écrans (Star-Cité, Cinéma 9, etc.). Qui se souvient aujourd'hui du cinéma Laurentien à Gatineau, du cinéma Cartier et du Vendôme à Hull, des cinémas Nelson, Regent, Elmdale, Rideau, sans oublier les ciné-parcs?

En voici quelques-uns, en vogue en cette veille du Jour de l'An 1971...

un des rares situés dans un centre commercial, à Hull. Le cinéma a fermé ses portes, mais les deux vedettes, Dominique Michel et Yvon Deschamps, vivent toujours.

le cinéma de mon quartier d'enfance à Ottawa... sans doute le seul film québécois qu'on y ait présenté...

Le censure était nettement moins sévère à Hull qu'à Ottawa...


le cinéma Nelson s'est par la suite appelé Bytowne
Je crois que ce cinéma était situé sur la rue Notre-Dame...

Les amateurs de sorties de veille du Jour de l'An (en supposant que ce soit permis cette année) auraient de la difficulté à retrouver les restos et hôtels annoncés en 1971... Ils n'existent plus... On pense notamment au Café Champlain, situé sur l'île Bates en plein milieu de la rivière des Outaouais, sous le pont Champlain, et à bien d'autres... Tous les restaurants que j'ai fréquentés à l'époque ont disparu...

un resto sur une île da la rivière des Outaouais, avec une adresse ontarienne et un numéro de téléphone québécois

à l'époque où la rue Rideau et le chemin de Montréal avaient du caractère...

je n'ai jamais entendu parler de cet endroit...

...l'hôtel Ambassador, renommé pour son heure de fermeture très approximative

à l'époque où Limbour existait hors de Gatineau...

Et enfin, un incontournable dans la région à partir des années 1910, la piste de courses Connaught, à Aylmer, fermée en 2009... 

Bonne année 2022 malgré tout!

Digne de mention... C'est la première année avec trois 2 depuis le Moyen-Âge (1222)... 



mercredi 29 décembre 2021

Laïcité: mes voeux pour 2022...

photo par Paul Chiasson

Mes voeux pour l'année 2022 sur le front de la laïcité...

- que l'ambassadeur Bob Rae dénonce de nouveau la Loi 21 en la traitant de discriminatoire et de violation de la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais qu'il le fasse cette fois de sa tribune à l'ONU, au nom du Canada et du gouvernement Trudeau

- que le mouvement anti-Loi 21 de la ville de Brampton fasse boule de neige au sein des municipalités anglo-canadiennes, que l'immense majorité des 85 plus grandes canadiennes villes hors-Québec fassent bloc et versent des millions de dollars aux coffres des organisations islamistes, sikhs et autres qui contestent la loi québécoise en cour

- que le gouvernement Trudeau et le Nouveau parti démocratique se joignent à la cohorte et interviennent devant les tribunaux pour faire tenter de faire abattre la loi sur québécoise sur la laïcité de l'État

- que Justin Trudeau continue de nommer des juges ouvertement multiculturels, fermement opposés à la Loi 21, pour établir de la façon la plus claire possible que les tribunaux sont devenus encore davantage une arme politique contre le Québec

- que les médias anglo-canadiens poursuivent le «Québec bashing» si bien pratiqué depuis des générations, qu'ils publient des textes tendancieux ou provocateurs contre les Québécois francophones, qu'ils nous traitent de xénophobes ou pire, de racistes

- que la Cour suprême du Canada charcute la Loi 21 comme elle a jadis charcuté la Loi 101, et prive cette fois le Québec de son recours à la clause nonobstant, si possible, par un vote de 6 à 3 (les trois juges québécois en dissidence), voire par un vote unanime

- que tel verdict, humiliant pour le gouvernement Legault, soit célébré par un tintamarre politique et médiatique anglo-canadien comme un clou de plus dans le cercueil de la spécificité québécoise

Tenant compte de l'évolution du dossier depuis quelques années, il y a de bonnes chances que ces voeux se réalisent. Pourquoi? Parce qu'ils s'inscrivent dans la réalité historique anglo-canadienne et que les Anglo-Canadiens sont majoritaires. Ils ont le droit de décider. Pas nous.

Ottawa, c'est la capitale nationale des maires de Brampton, Toronto, Calgary, Winnipeg et autres, de Jagmeet Singh, de Bob Rae, de Shashi Kurl, de la meute médiatique de langue anglaise. Ottawa règne sans notre consentement dans tous les champs constitutionnels fédéraux et s'ingère à volonté dans plusieurs compétences qui nous appartiennent.

Ottawa a un pouvoir illimité de dépenser (même contre nous) et ne se prive pas de financer à l'excès les institutions et organisations anglo-québécoises qui nous combattent jusque dans la laïcité. Ottawa nomme tous les Azimuddin Hussain et autres juges de cours supérieures (jusqu'à la Cour suprême) à qui la constitution fédérale permet de nous imposer judiciairement le multiculturalisme canadian.

Quand la poussière retombera et que la majorité anglo et ses tribunaux nous auront rappelés à l'ordre, et cela finira par arriver, nous aurons un choix à faire. Avaler la pilule comme nos gouvernements québécois l'ont fait trop souvent, continuer de vivre à genoux dans un demi-pays rétrécissant, ou nous rendre compte enfin que le seul moyen de prendre nos propres décisions, c'est d'arrêter de se débattre dans cette maison de fous. C'est d'arrêter de toujours voter à un contre quatre au Parlement fédéral, à un contre dix à la table fédérale-provinciale. C'est d'arrêter de toujours plaider devant des juges nommés par Ottawa, d'endurer sans répit le crachat des médias de langue anglaise.

Quand tous les combats auront été perdus, quand l'ultime décision aura été rendue, quand la majorité canadienne, son Parlement et ses tribunaux auront dit non à la laïcité (et à nos lois linguistiques), nous aurons le choix d'obéir... ou de voler enfin de nos propres ailes!

Voilà pourquoi je souhaite que le Canada anglais soit égal à lui-même et qu'il nous pousse dans nos derniers retranchements. On nous acculera à un choix clair: abandonner notre spécificité ou assumer souverainement nos responsabilités. Subir à genoux ou vivre debout. Accepter que le Canada anglais décide pour nous, ou décider nous-mêmes.

Dans ce pays où le rouleau compresseur multiculturel anglo-dominant voudrait réduire à néant notre contribution unique à la diversité culturelle planétaire, j'en suis venu à la conclusion que seules quelques bonnes claques en pleine face nous éveilleront et attiseront les braises de notre résistance.

Alors vivement 2022!

Et un jour, pas trop lointain, l'indépendance!


jeudi 23 décembre 2021

L'abc du journalisme...

Le bulletin de nouvelles télévisé de Radio-Canada, ce midi 23 décembre 2021, aura été la goutte qui fait déborder le vase!

On a diffusé en première manchette la situation COVID de l'Ontario, qui venait de franchir le cap des 5000 nouveaux cas quotidiens... La seconde nouvelle portait sur la condamnation d'un meurtrier autiste au tribunal, et fut suivie d'une bordée de publicités. Dix minutes après le début du bulletin, on a enfin fait état des données COVID au Québec... avec son bilan inédit de 9379 infections en une seule journée!

Ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre que la manchette évidente du jour, c'était le résultat catastrophique obtenu au Québec. Près de 9400 cas au Québec, avec ses 8 millions et demi d'habitants, c'est presque trois fois pire qu'en Ontario avec sa population de 13 millions et demie. Il aurait fallu que l'Ontario enregistre 14 000 nouvelles infections en 24 heures pour que les données soient équivalentes à celles du Québec... Faites les calculs...

Non mais y a-t-il un seul journaliste, une seule direction de l'information qui se donne la peine de comparer notre situation avec celle de nos voisins immédiats? Il n'y a pas que Radio-Canada qui fasse mal son boulot ici, le mal est généralisé dans la presse de langue française, où les données pandémiques du Québec et de l'Ontario (quand on aborde le bilan des deux territoires) sont le plus souvent étalées en vases clos.

(Le lendemain de la publication de ce blogue, Le Devoir a enfin fait la grande comparaison et conclu facilement que le Québec est l'épicentre de la vague Omicron au Canada. Voir bit.ly/3yYt3de.)

Après avoir écouté ou lu l'immense majorité des reportages, on a l'impression que le variant Omicron frappe de plus en plus fort dans les deux provinces, sans plus. Un bulletin bien fait aurait commencé avec les résultats catastrophiques du Québec (9379 nouvelles infections) et poursuivi avec le bilan grave, mais nettement meilleur, de l'Ontario avec 5000 nouveaux cas, en insistant sur le fait qu'en cette journée, pour chaque nouvelle infection en Ontario, il y en a trois au Québec!!!

Mais vu l'état actuel de nos salles de rédaction, c'est sans doute trop espérer...

Brampton et la Loi 21

Tous ont entendu parler de cette campagne amorcée par la ville de Brampton (en banlieue de Toronto) pour contribuer au financement de la  contestation judiciaire de la Loi 21 sur la laïcité de l'État du Québec. Le maire de cette ville, Patrick Brown, a demandé aux 100 plus grandes villes du Canada de se joindre à lui pour appuyer les organisations qui cherchent à abattre une loi qu'ils jugent discriminatoire et raciste...

Jusqu'à maintenant, une grappe de villes - Toronto, Mississauga, London, Oakville, Winnipeg, Calgary, entre autres - ont soit appuyé l'initiative de Brampton par résolution, soit manifesté un intérêt de le faire. Au Québec, quelques médias ont sollicité les commentaires de Valérie Plante (Montréal), de Bruno Marchand (Québec) et de Catherine Fournier (Longueuil). Tous ont exprimé des réserves et ont refusé de soutenir la démarche du maire de Brampton.

Mais qu'en est-il des autres municipalités du Québec qui font partie du palmarès des 100 plus grandes villes du pays? Un quotidien comme Le Droit et la salle des nouvelles d'Ottawa-Gatineau de Radio-Canada aurait dû immédiatement sonder France Bélisle, nouveau maire de Gatineau (18e ville en importance), et Jim Watson d'Ottawa (4e ville du pays). S'ils l'ont fait, je n'ai rien vu sur les sites Web. Les seules déclarations que j'ai vu attribuées au maire d'Ottawa ont été rapportées par des médias montréalais.

Mais revenons au Québec, qui compte 15 villes parmi les 100 plus importantes du Canada: Montréal (2), Québec (11), Laval (13), Gatineau (18), Longueuil (19) Sherbrooke (30), Saguenay (32), Lévis (33), Trois-Rivières (37), St-Jean-sur-Richelieu (58), Brossard (68), Drummondville (75), Granby (83), St-Hyacinthe (94) et Mirabel (100). Ce n'aurait pas été une tâche herculéenne de demander à chacun, chacune des maires de répondre à l'appel que leur a lancé le premier magistrat de Brampton...

Comme vieux journaliste, ce genre de suivi me semble faire partie de l'abc du journalisme... Mais aujourd'hui, c'est sans doute trop espérer...



mercredi 22 décembre 2021

Le fouillis des tests rapides...

Les images de longues files devant les pharmacies ont inondé les bulletins de nouvelles, avant-hier. Il s'agissait, bien sûr, de gens désireux d'obtenir leur trousse de tests rapides de COVID-19 avant que les stocks ne soient épuisés. Et comme il n'y en avait que 108 trousses par pharmacie pour la journée du 20 décembre, il fallait nécessairement se rendre sur place tôt...

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Ayant lu ce communiqué de la RAMQ et ayant entendu la veille, à la télé, qu'on devrait cueillir les auto tests en personne et qu'il n'y aurait qu'une trousse par personne, je me suis rendu à ma pharmacie (une bannière bien connue) avant l'heure d'ouverture, lundi matin 20 décembre 2021, avec mon épouse pour qu'elle puisse avoir le sien itou...

Arrivant à 8 h 55 (cinq minutes avant l'ouverture), je m'attendais à une achalandage considérable devant les portes de la pharmacie. Première surprise, seulement quatre personnes avaient formé une très courte file. Voilà qui s'annonçait bien. Neuf heures sonnent et personne ne vient déverrouiller la porte. Deux autres personnes se sont ajoutées à la file d'attente, et chacun, chacune, consulte sa montre...

Un peu après 9 h 05, la caissière se pointe, entrouvre la porte et nous informe que le pharmacien n'est pas arrivé, et qu'elle doit l'attendre avant de pouvoir nous laisser entrer. Ce doit être un suppléant, me dis-je, parce que je n'y vois que des pharmaciennes depuis des années et elles sont on ne peut plus ponctuelles. Neuf heures 15, neuf heures 20, les portes sont toujours verrouillées... Des murmures d'impatience s'élèvent de la petite foule de huit ou neuf personnes.

Finalement, un homme que je n'ai jamais vu auparavant se pointe au bout du couloir, ne portant pas de masque, et annonce: «c'est moi le pharmacien». Un membre du personnel lui ouvre rapidement la porte et il entre, toujours sans masque... Enfin on nous donne accès aux lieux, en nous indiquant de nous poster au comptoir des ordonnances, où une nouvelle surprise mijote.

La première personne, une femme que me paraissait être dans la cinquantaine et qui devait sans doute être arrivée depuis au moins une heure, présente sa carte d'assurance-maladie, comme il se doit. Avez-vous un dossier ici, lui demande-t-on? Apparemment non. Et on nous annonce que seuls les clients réguliers de cette pharmacie auront droit à une trousse d'autotests. Et ce sera une trousse seulement par adresse, et non une trousse par carte d'assurance-maladie.

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La dame a dû rebrousser chemin, les mains vides, alors qu'en vertu des directives de la RAMQ (voir captures d'écran ci-haut), elle avait parfaitement droit à ses tests de dépistage rapide de la COVID. Où devra-t-elle aller si elle n'a aucun dossier en pharmacie? Sais pas... Le communiqué de la Régie spécifiait bien que le programme d'autotests rapides s'appliquait à «toute personne dûment inscrite à la Régie de l'assurance-maladie du Québec».  Je peux comprendre les pharmacies de vouloir privilégier la clientèle fidèle mais je peux aussi comprendre la personne qui se conforme en tous points aux exigences de la RAMQ et qui se fait éconduire...

Même problème pour moi... Après avoir donné une trousse de tests rapides à mon épouse, on m'a refusé parce nous vivons à la même adresse depuis 46 ans... Encore là, je peux comprendre la logique de la pharmacie qui veut offrir les tests rapides au plus grand nombre de foyers, mais c'est en contravention de la directive gouvernementale, qui prévoit une trousse d'autotests par carte d'assurance-maladie... Ce que je questionne, c'est le droit d'une chaîne de pharmacies de modifier les normes gouvernementales, même pour des motifs défendables.

Un petit ajout. Mon refus est survenu après qu'on ait permis au type devant moi d'obtenir deux trousses, une pour lui et une pour sa mère qui n'était pas présente... Mais poursuivons... L'autorisation (au comptoir d'ordonnances) n'était que la première étape, dont la technicienne se chargeait fort efficacement entre les appels téléphoniques qu'elle devait prendre. Il nous fallait ensuite se remettre en file au comptoir de réception des ordonnances, où le pharmacien devait nous remettre la trousse de tests tant convoitée...

Nouveau blocage. Le pharmacien doit lui aussi répondre au téléphone, qui n'arrête pas de sonner... Et comme il n'y a que le pharmacien et la technicienne, tout le monde est trop occupé pour remettre les auto tests à ceux et celles qui font la file au second comptoir. Pendant qu'on patiente, un client venu cueillir une ordonnance se faufile entre nous, avec comme masque un simple foulard enroulé autour de sa bouche... Devant le silence général, y compris celui du personnel de la pharmacie, mon épouse menace de quitter les lieux s'il ne met pas un vrai masque comme tout le monde. Il s'est exécuté, enfilant le masque qu'il avait laissé dans sa poche...

Finalement, le premier de notre file reçoit ses tests rapides vers 9 h 45... Pour une raison que j'ignore, nous sommes passés en deuxième place, alors que nous étions troisièmes dans la file, et avons reçu ceux de mon épouse dix minutes plus tard. Heureusement. Je ne sais pas si ce manège a continué bien longtemps après notre départ, mais au rythme de 10 minutes par remise de trousse de tests, les derniers en file auraient certainement attendu jusqu'à l'heure du midi pour recevoir la leur... et à l'heure de fermeture (18 h) de la pharmacie, on n'aurait distribué que la moitié des 108 trousses disponibles...

La morale de cette histoire?

J'ai beaucoup de sympathie pour les pharmaciens et techniciennes qui en avaient déjà plein les bras avant qu'on leur demande de devenir une chaîne de distribution de trousses de tests rapides COVID.

J'ai beaucoup moins de sympathie pour les chaînes de pharmacies qui en font un outil pour fidéliser leur clientèle régulière, faisant fi des procédures annoncées dans les communiqués gouvernementaux.

Enfin.. Nous avons maintenant une trousse de tests rapides à la maison qui ne serviront probablement pas... J'avais cru au départ qu'on devait s'en servir pour s'assurer de ne pas avoir la COVID, surtout si on n'a pas de symptômes, avant de rencontrer des proches à Noël. Mais là, le ministre Dubé nous dit de les utiliser seulement si des symptômes de COVID se manifestent, et en plus, décourage les rencontres de famille durant les Fêtes.

Il me semble que le plus grand risque de propagation de la COVID à Noël aurait résulté de la présence de personnes asymptomatiques et contagieuses à des rencontres, même petites, de parents et amis. Mais ces personnes, nous dit-on maintenant, ne doivent pas se servir des auto tests... Ils sont réservés à ceux et celles qui présentent des symptômes de COVID, alors que ces derniers seraient sans doute restés bien tranquillement chez eux, risquant peu d'infecter les autres...

Alors, si je comprends bien, je dois de préférence ne pas sortir durant le temps des Fêtes, en tout cas éviter les contacts non essentiels, et attendre l'apparition de symptômes s'apparentant à la COVID avant de pouvoir utiliser les tests rapides. J'ai l'impression d'avoir perdu mon temps à faire le pied de grue à la pharmacie...


vendredi 17 décembre 2021

Le rouleau compresseur en marche...


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Sans réduire d'un cran le combat impérieux contre le variant Omicron, le gouvernement de François Legault doit cesser de jouer à l'autruche face aux attaques incessantes (et croissantes) du Canada anglais contre la Loi 21 et la laïcité de l'État. Un rouleau compresseur s'est mis en marche et se prépare à écraser le Québec sur son passage.

La marmite bouillonnait déjà au Parlement fédéral depuis l'annonce de la réaffectation d'une enseignante anglophone voilée en Outaouais parce qu'elle refusait de respecter les dispositions de la Loi 21 qui interdisent aux enseignants le port de signes religieux en classe.

Jagmeet Singh déchire sa chemise sur la place publique, pendant que Justin Trudeau s'enfarge dans ses menteries en affirmant que cette enseignante a perdu son emploi (faux) parce qu'elle était musulmane (également faux). Son ministre Marc Miller traite la Loi 21 de lâche et inique. Et le dernier en lice, le ministre de la Diversité, Ahmed Hussen, voudrait qu'Ottawa embarque le plus rapidement possible sur le train des contestations juridiques en cours.

Comme si ces grondements ne suffisaient pas pour écorcher les oreilles des députés à l'Assemblée nationale du Québec, voilà que des grandes villes du Canada commencent à puiser dans les deniers publics pour contribuer au financement de la lutte judiciaire menée contre la Loi 21 par le Conseil canadiens des musulmans, la World Sikh Organization of Canada et l'Association canadienne des libertés civiles.

Le signal de départ a été donné par le conseil municipal de Brampton, une ville de la couronne torontoise de 650 000 habitants qui compte parmi les plus multiculturelles du Canada. Les élus municipaux ont donné leur aval au versement de 100 000 $ pour appuyer les appels en cours contre la laïcité à la sauce québécoise.

Insatisfait, le maire de Brampton, Patrick Brown, ancien chef du Parti conservateur ontarien, en a rajouté une coche et demandant aux cent plus grandes villes du Canada d'imiter son geste. Son appel a été vite entendu et en moins d'une journée, le conseil municipal de Toronto, la métropole du pays, avait adopté à l'unanimité une motion similaire à celle de Brampton, en y accrochant un chèque de 100 000 $...

Le temps de le dire et le maire de Winnipeg, Brian Bowman, associé au Parti conservateur du Manitoba, annonçait la présentation d'une résolution de soutien à la campagne anti-Loi 21. Rappelons que le conseil municipal de Winnipeg avait auparavant adopté à l'unanimité une motion d'opposition à la Loi 21 sur la laïcité de l'État.

Plus à l'ouest, le maire de Calgary, Mme Jyoti Gondek, déclarait qu'une «motion urgente» (oui, oui, urgente...) serait présentée au conseil pour verser 100 000 $ à la cagnotte des opposants à la Loi 21. Mme Gondek, d'origine britannique et plus multiculturelle que le pape est catholique, s'étouffait dans ses injures, affirmant que la loi québécoise était «ouvertement raciste» et que «nous demeurons unis afin de protéger les communautés racialisées (!!!) contre la discrimination»!

Ayant de toute évidence accumulé les récriminations contre les velléités laïques du Québec, elle a ajouté que l'incident de l'enseignante de Chelsea avait été la goutte qui avait fait déborder le vase, pour elle et pour bien d'autres au Canada anglais.

On n'a pas encore de nouvelles d'Edmonton, mais cette ville avait, le 29 juin 2020, adopté une résolution dénonçant la Loi 21.

Ce qui frappe jusqu'à maintenant dans ses villes, du moins dans les rapports médiatiques publiés, c'est la virulence des critiques et, surtout, leur unanimité. C'est à voir qui beurrera le plus épais. Le maire de Brampton a même déclaré que la Loi 21 était un-Canadian. Difficile de lancer pire injure. C'est comme si cette loi était un corps étranger, non-canadienne, voire anti-canadienne... Comme un virus...

Je n'ai relevé, dans la cinquantaine de textes recensés, aucune voix d'opposition aux décisions des conseils municipaux de Toronto et Brampton, ou aux propos anti-Loi 21 des maires de Winnipeg et de Calgary. Au Canada anglais, du moins dans les cercles dirigeants, la cause est entendue. Le jugement est rendu. Et toute personne favorable à la laïcité québécoise risquerait le goudron et les plumes.

Cela me fait penser, comme journaliste, qu'une classe politique aussi bien dressée doit puiser son information quelque part et l'on pourrait, ici, s'interroger sur la qualité des nouvelles présentées à la télé et dans les journaux anglo-canadiens. Si elles ressemblent au reportage de CBC sur la décision de Brampton, je comprends pourquoi l'assaut contre le Québec est imminent. Ce n'est pas une pièce journalistique. C'est presque un réquisitoire contre la Loi 21.

Les gros sabots arrivent. Les entendez-vous, M. Legault?

NB - J'oubliais la citation du jour, de Christya Freeland, après que le bloquiste Alain Therrien eut dénoncé aux Communes ce «party de sallissage des Québécois»... Elle a répondu, sans gêne: «N'essayez pas de créer des chicanes entre nous et le Québec»... Ça ne s'invente pas...

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Capture d'écran, CBC. Le début de la nouvelle sur la décision du conseil municipal de Brampton...




jeudi 16 décembre 2021

Vivement, le Québec à l'ONU !

Capture d'écran de Radio-Canada


Après la sortie anti-québécoise de l'ambassadeur du Canada aux Nations Unies, Bob Rae, le premier ministre Legault serait pleinement justifié de demander l'admission du Québec à l'ONU comme État national fédéré.

Au-delà du fait qu'il existe des précédents (la Biélorrussie et l'Ukraine avaient un siège aux Nations Unies en dépit de leur statut d'États fédérés au sein de l'ex-URSS), le procès international de Bob Rae contre la Loi 21 soulève une question de justice fondamentale.

Dans tout forum public, l'accusé a le droit inaliénable de se défendre, de répliquer, de faire valoir son point de vue.

Le Québec peut répondre à ses détracteurs sur la plupart des plate-formes politiques et judiciaires même si les dés sont souvent pipés, notamment devant les tribunaux fédéraux du Canada.

Mais quand l'État national des Québécois ou ses politiques sont attaqués par un diplomate siégeant à New York au concert des nations, le Québec n'a pas de chaise ou de tribune.

L'intervention de Bob Rae, incarnation même de l'âme du Canada anglais, démontre à quel point la nation québécoise est sans défense parmi les joueurs «officiels» de l'ONU.

Si le chef d'un autre État, disons l'Australie, ou la Suède, enfin peu importe, avait dénoncé la version québécoise de la laïcité comme violation majeure des droits de la personne, une seule voix - celle du Canada - aurait eu le mandat de monter à la tribune pour se porter à sa défense.

Or, compte tenu de la position de M. Rae, qui correspond en tous points à celle du gouvernement Trudeau, on sait que le Canada n'aurait pas défendu à l'ONU le droit du Québec d'implanter au sein de l'État les valeurs laïques auxquelles bien d'autres pays ont déjà souscrit.

Mais la situation actuelle est bien pire. C'est le représentant du Canada aux Nations Unies qui fustige le Québec, sur la place planétaire, en affirmant que sa loi sur la laïcité est discriminatoire et contraire à la Déclaration universelle des droits de l'homme!

Comment le Québec peut-il faire valoir son point de vue? Personne, au Québec, ne peut monter à la tribune de l'assemblée générale de l'ONU, comme M. Rae, pour expliquer que sa loi s'inscrit dans un noble combat de plusieurs siècles pour assurer un État laïque et démocratique, libre des ingérences d'intégristes religieux.

C'est l'impasse totale. Le Canada, s'il le veut, peut utiliser son siège aux Nations Unies pour nous diffamer devant plus de 200 pays et le Québec, nation fédérée, est privée de la seule tribune où son gouvernement pourrait lutter à armes égales.

Le Québec devra, comme d'habitude, se contenter de conférences de presse et de protestations médiatiques. C'est ça la différence entre un pays souverain et une simple minorité nationale soumise, dans un cadre fédéral, à une majorité qui lui est ouvertement hostile et qui a le droit de prendre toutes les décisions.

On sait que la CAQ ne fera pas l'indépendance. Mais le gouvernement Legault a le devoir de relever avec honneur ce gant lancé à sa figure par les propos méprisants de Bob Rae.

Or, le Québec pourrait - sans modifier la constitution - s'adresser à l'ONU et demander d'y accéder comme nation fédérée, en invoquant les précédents de l'ex-URSS.

Le gouvernement Legault pourrait tout au moins demander de pouvoir s'adresser à l'assemblée générale de l'ONU pour y défendre la réputation et l'honneur de la nation québécoise, attaquée injustement par le représentant officiel du pays dont le Québec fait partie.

Le silence ne fait plus partie des options, à moins que le gouvernement québécois n'ait déjà lancé la serviette...



mardi 14 décembre 2021

Enseignante au hidjab... Où est François Legault?



Que le débat sur l'enseignante au hijab de Chelsea dérape au Parlement fédéral et au Canada anglais ne devrait surprendre personne. C'était tout à fait prévisible. Comme les larmes de crocodile des «multiculturels» qui noyautent le Parti libéral québécois et Québec solidaire. Ils tiennent leur martyre et vont presser le citron jusqu'à la dernière goutte acide...

Ce qui surprend - et déçoit - cependant, c'est la faiblesse de la réplique du premier ministre François Legault aux dénonciateurs de la Loi 21 sur la laïcité de l'État. Pendant que les mines patibulaires d'en face, yeux rougis pour la caméra, pleurent le sort de cette pauvre femme démise de son poste d'enseignante à cause d'une loi jugée discriminatoire, voire raciste, que répond le «chef de la nation» québécoise?

Notre premier ministre, terré dans son fief lointain, à l'Assemblée nationale, ne semble pas voir les impacts possibles du nid de guêpes que la Loi 21 a éventré chez nous, en Outaouais. Face à une enseignante musulmane persécutée, face à des enfants qu'on dit tristes et leurs parents outrés, face à une horde médiatique peu sympathique, François Legault répète d'un ton monocorde que notre loi sur la laïcité est raisonnable, qu'elle a été adoptée démocratiquement et qu'une majorité de l'opinion publique lui est favorable.

Laïcité, démocratie, majorité, nation, opinion publique, sondages favorables ne sont en fin de compte que des abstractions pour bien des gens. Et, comme l'a flairé Justin Trudeau, avec la réaffectation de l'enseignante au hidjab, la Loi 21 n'est plus «un enjeu théorique». Elle s'incarne dans les visages d'une enseignante, du personnel, des enfants et des parents d'une petite école d'Old Chelsea, située à une quinzaine de kilomètres du Parlement canadien. Ça, ce n'est pas théorique du tout.

Sentant le champ médiatique assez libre, les adversaires de la Loi 21 sortent les gros canons. Le premier ministre Trudeau augmentant la surenchère avec des faussetés éhontées, genre «dans une société libre et ouverte, personne ne devrait perdre sa job à cause de ses croyances religieuses». Bob Rae, ambassadeur du Canada aux Nations Unies, affirmant avec le plus grand sérieux, sans s'étouffer, que la Loi sur la laïcité, profondément discriminatoire, va à l'encontre de la Déclaration universelle des droits de l'homme...

Et tout ce que notre premier ministre du Québec réplique, c'est que la loi sur la laïcité est raisonnable, qu'elle a l'appui populaire, que le Québec est une nation, qu'on doit respecter ses choix démocratiques, et que d'autres pays ont légiféré de manière semblable. Dans un Canada anglais où les médias et une proportion importante de la population nous jugent déjà xénophobes, voire racistes, on ne s'étonnera guère de voir une majorité québécoise endosser une loi discriminatoire et la juger raisonnable. Ça ne fait que confirmer leurs appréhensions.

M. Legault doit tirer à boulets bleus sur le coeur des arguments des multiculturels. Que le Québec est une des sociétés les plus ouvertes et les plus libres de la planète. Qu'un État neutre et laïque est l'un des fondements de cette ouverture à tous les courants d'opinion, y compris à la liberté religieuse. Que les intégristes religieux et sectaires qui paradent leurs symboles partout, même au travail, expriment un refus de cette neutralité et une adhésion à des convictions qu'ils placent parfois au-dessus des lois. Que l'égalité des hommes et des femmes est la pierre d'assise de toute société libre et ouverte, et que les grandes religions (ainsi que leurs symboles) ont le plus souvent traité les femmes en inférieures. Le voile, imposé dans plusieurs pays et sociétés par les islamistes, en est un excellent exemple.

M. Legault doit tirer à boulets bleus sur cette commission scolaire Western Québec qui, en toute connaissance de cause, a embauché et affecté cette personne en violation de la Loi 21. Le premier ministre doit fustiger l'hypocrisie de toutes ces gens qui professent un appui de principe à la laïcité mais virent capot «sur un 10 cents» dès qu'on l'applique sur de vrais humains. Il doit dénoncer les faussetés lancées à tort et à travers par les Thomas Mulcair, Justin Trudeau, Bob Rae, Jagmeet Singh, sans oublier le porte-parole des West Quebecers qui nous associe au nazisme. M. Legault doit présenter aux médias d'autres visages humains en appui, telles ces femmes musulmanes qui, au Québec et ailleurs, luttent depuis des années pour la laïcité et contre le voile comme manifestation de courants rétrogrades au sein de l'islam.

M. Legault doit aussi dénoncer une fois pour toutes les intrusions fédérales, politiques et judiciaires, visant à transformer le Québec en succursale du multiculturalisme post-national canadian. Quand dira-t-il, en haussant le ton cette fois, que le Québec ne se laissera plus juger devant des tribunaux nommés par le seul premier ministre fédéral, que le Québec refusera toujours à coups de nonobstant cette constitution de 1982 qu'on lui a enfoncé dans la gorge, et enfin, que la société québécoise et les minorités canadiennes-françaises et acadiennes ont toujours été victimes de discrimination, voire de racisme, depuis la conquête et qu'elles en ont assez!

Il pourrait aussi ajouter un dernier grain de poivre: que le Québec n'a pas évincé l'Église catholique de ses institutions publiques il y a un demi-siècle pour qu'elles puissent être un jour minées par des intégristes d'autres religions ou sectes.

Faites quelque chose, M. Legault, parce que présentement, sur les deux rives de l'Outaouais, dans cette affaire de l'enseignante au hidjab, les multiculturels post-nationaux de Justin Trudeau comptent trop souvent dans un filet désert... Et les conséquences ne seront peut-être pas celles que vous espérez...




samedi 11 décembre 2021

Loi Loi 21 au royaume du «oui, mais...»



Il fallait bien que ça arrive un jour: un individu qui viole la Loi 21 et en subit les conséquences. Et ce tollé que la sanction soulève dans les milieux opposés à la Loi sur la laïcité, notamment au Canada anglais où un multiculturalisme sauce woke est devenu une véritable obsession.

Il fallait aussi que cela arrive dans une région comme l'Outaouais. C'aurait bien pu être Montréal, mais avouons-le, la proximité de la frontière ontarienne et du Parlement fédéral, situé à une dizaine de kilomètres seulement, fait du hameau d'Old Chelsea un terreau parfait pour la fabrication d'un martyr, anglophone par surcroit, de l'islam.

Sur les collines de la Gatineau, par une journée claire, avec une bonne brise du sud, on peut presque entendre Jagmeet Singh déchirer sa chemise sur la place publique sous la Tour de la paix, ou encore les réprimandes larmoyantes et condescendantes de Justin Trudeau, ou les hurlements des médias anglos d'Ottawa devant le sort réservé à cette pauvre enseignante à qui on refuse le droit de porter un hijab en classe.

Dans ces milieux la cause est déjà entendue. La Loi 21 sur la laïcité de l'État est raciste et xénophobe, un peu à l'image des Québécois de langue française. Pas question pour eux d'envisager ou d'entreprendre une discussion intelligente sur le noble combat mené partout sur la planète, depuis des siècles, contre les ingérences religieuses dans les activités d'un État que l'on veut au service de tous: neutre et laïc.

Dans ce pays de fous où des offensives sectaires ont balayé l'intérêt public et le bien commun de l'avant-scène, il est devenu presque impossible de tenir un débat rationnel sur des enjeux semblables. Vous pourriez prouver noir sur blanc que les mixtures de politique et de religion ont infligé horreur sur horreur à l'humanité depuis la préhistoire, qu'on doit tenir l'une et l'autre rigoureusement séparés pour le bien de tous, nos bleeding hearts ne verraient que cette pauvre femme musulmane privée de son emploi parce qu'elle veut l'exercer voilée.

La plupart des Anglo-Canadiens ne comprennent rien à la laïcité. Ils ont été exclusivement nourris aux droits individuels, qui priment sur tout. Live and let live. Une constitution qui reconnaît «la suprématie de Dieu» et une monarchie réservée aux seuls Anglicans leur conviennent parfaitement. L'idée même de valeurs et droits collectifs évoque toutes les méfiances. L'idée d'encastrer ces valeurs et droits collectifs dans les lois d'une «nation québécoise» évoque bien vite des images de policiers genre Gestapo dans les franges les plus militantes du Canada anglais.

Tant qu'on s'en tient aux vagues discussions de principe, on ne s'énerve pas trop. Même quand la laïcité de l'État devient loi, ce ne sont toujours que des mots, des principes juridiques qu'on se hâte de contester devant des tribunaux supérieurs qu'on estime sympathiques et où tous les juges sont nommés par le woke-en-chef, Justin Trudeau. Mais le jour où cette Loi 21 est invoquée pour retirer d'une classe de troisième année une enseignante qui fait exprès pour porter le hijab et qui a été embauchée en connaissance de cause par une commission scolaire anglaise hostile à la loi, c'est autre chose. Tout explose.

Surtout ici, dans la grande région d'Ottawa-Outaouais, où les anglos ont toujours été agressifs, souvent jusqu'au mépris, et où les francophones se terrent en grande majorité dès que les balles linguistiques se mettent à siffler autour de leurs têtes. Ce n'est pas par hasard si les libéraux, québécois et fédéraux, ont toujours ouvertement eu recours aux stratégies de la peur pour combattre toute velléité de nationalisme québécois sur la rive nord de la rivière des Outaouais. Ils estiment avoir affaire à une bande de peureux. Et ça marche...

En matière de langue, les fédéraux et alliés sont prudents depuis le charcutage judiciaire de la Loi 101. On a même un peu déifié ce qui en reste. Mais cette fois, il ne s'agit pas d'un dossier linguistique (ce l'est, mais pas officiellement). Sur le terrain de ce qu'on appelle effrontément la liberté religieuse, tous les coups sont permis. Le ton est donné par le député libéral québécois de Pontiac, André Fortin, sur sa page Facebook, où il évoque, larmes politiques aux yeux, sa fillette de 9 ans qui aime son enseignante (pas la même), «toujours souriante» et qui lui «donne le goût d'aller à l'école tous les jours»...



Au Parlement canadien (n'oubliez jamais que Québec est à des centaines de km de Gatineau alors que la Tour de la paix, à Ottawa, est à jet de pierre), le NPD de Jagmeet Singh et de Thomas Mulcair s'étouffe dans ses hauts-le-coeur pendant que Justin Trudeau tire à boulets rouges: «Personne au Canada ne devrait perdre son emploi à cause de ce qu'il porte ou de ses croyances religieuses.» (voir bit.ly/3rXrScz) Pour lui, c'est simple:  en matière d'emploi, les croyances religieuses ne peuvent être limitées par les lois, surtout quand il s'agit des croyances religieuses d'une anglophone limitées par les lois d'une nation francophone... Il ne le dit pas aussi explicitement, mais on comprend le sens et la portée...

Je crains qu'on ne trouve pas grand-monde dans mon coin de pays pour lui dire qu'il se trompe. Pourtant, dans des tas de situations, l'exercice d'un emploi est assujetti à des codes vestimentaires et les lois, même canadiennes, ont depuis toujours limité les excès de la liberté religieuse. Mais ici, le premier ministre Trudeau va plus loin, en affirmant que l'enseignante du West Québec School Board a perdu son poste à cause de ses «croyances religieuses», ce qui est clairement faux. Dans sa vie privée, elle peut pratiquer sa religion en toute liberté, dans le respect des lois bien sûr. Mais l'enseignement dans une école publique et laïque n'a rien à voir avec la vie privée.

La Loi 21 demande aux enseignants, entre autres, ne ne pas afficher de signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions. Dans ce cas, Mme Fatemeh Anvari, comme toute autre enseignante, devait choisir entre le respect de la loi et l'obéissance aux coutumes religieuses. Elle a fait son choix et placé sa religion au-dessus de nos lois. Pour certains, le religion compte plus que les exigences d'un emploi. Libre à eux, mais la conséquence, c'est qu'ils doivent renoncer à cet emploi s'ils tiennent à arborer leurs signes religieux. Mme Anvari ne cache d'ailleurs pas son militantisme, et dit avoir hâte de parler de diversité et d'inclusion avec les enfants (voir bit.ly/3GzvN3t)... De quoi pensez-vous qu'on parlera?

Dans notre royaume du «oui, mais...», le cas de Mme Anvari nous garroche la réalité de la laïcité en pleine face. On ne peut plus dire «oui» à la laïcité en principe, mais «non» dès qu'elle touche à l'emploi d'une enseignante anglophone à l'école primaire. C'est l'hypocrisie de la position adoptée dans cette affaire par les libéraux et Québec solidaire. Nos écoles et institutions publiques seront laïques ou elles ne le seront pas. Il n'y a pas de compromis possible ici, surtout que l'intégrisme religieux infériorise généralement les femmes. Le gouvernement Legault et le Parti québécois doivent tenir bon car ils ne peuvent espérer mobiliser des appuis très énergiques dans les fiefs anglo-dominants du grand Gatineau et du Pontiac. Ils ne peuvent même plus compter sur le soutien du seul quotidien numérique de la région, Le Droit, atteint de la même tiédeur que certaines élites outaouaises (voir bit.ly/3scdYUr)...



Et ça ne fait que commencer...

Misère...








lundi 6 décembre 2021

Estampiller des textes tendancieux...



Si j'étais professeur de journalisme, je plaquerais au tableau ou à l'écran le titre ci-dessus et le texte qu'il annonce (voir bit.ly/3omPXrn), publiés dans le quotidien Le Droit et sans doute ailleurs, et j'inviterais les étudiants et étudiantes à m'en donner une appréciation critique. En supposant que je ne sois pas automatiquement congédié sur-le-champ par un doyen ou un recteur devenu zombie de la rectitude politique, la discussion pourrait s'avérer intéressante.

Je leur demanderais d'examiner le processus de rédaction, d'acheminement et de publication de l'article. Le fait que l'article provienne de la Canadian Press, qu'il ait donc été rédigé en anglais puis traduit en français pour les membres de la Presse canadienne, influence-t-il un contenu qui aurait pu être différent si le scribe avait été francophone? Je connais déjà la réponse à cette question mais j'aurais été curieux d'entendre l'avis des étudiants.

Une fois le texte reçu au journal, par qui a-t-il été lu et, sait-on jamais, corrigé? S'est-on questionné sur le contenu de l'article, sur l'exactitude des faits, sur les concepts qu'il accrédite et transmet au public, ou a-t-on tout simplement considéré qu'il s'agissait d'un compte rendu factuel, totalement digne de confiance? S'est-on, même brièvement, intéressé à l'auteur du texte, Main Alhmidi, journaliste militant d'origine arabe qui a courageusement combattu pour la liberté journalistique en Syrie et en Turquie avant de s'installer au Canada?

Il y a fort à parier qu'une proportion substantielle, voire majoritaire, des étudiants - et même des journalistes - auraient vu dans ce texte un reportage somme toute banal, peu susceptible de susciter quelque controverse. Mais j'espère qu'au moins certains d'entre eux auraient relevé dans cette publication des éléments importants qui manquent de clarté ou qui sont de nature à nous inciter à gratter un peu sous la surface avant de donner le feu vert à son insertion dans l'édition numérique du quotidien (il n'y a plus de version imprimée).

Commençons par les deux premiers paragraphes de l'article de la Canadian Press:

«Les élèves et les enseignants de l'Ontario ont désormais accès à un ensemble de ressources en ligne pour combattre l'islamophobie dans les écoles.

«L'Association musulmane du Canada, une organisation nationale à but non lucratif, a lancé un site web qui propose trois cours, quatre ateliers et six heures de vidéos éducatives pour aider à lutter contre les préjugés anti-musulmans que les enseignants et les élèves peuvent avoir.»

Premier mot du texte. L'emploi de l'article «Les» signifie que «l'ensemble des ressources en ligne» dont on parle est accessible à la totalité des élèves et enseignants. Or ce n'est pas le cas. L'individu qui a traduit le texte original anglais indique plus loin que le site Web n'est disponible qu'en anglais. Il aurait fallu écrire «les élèves et les enseignants anglophones»... Pour un journal aux origines franco-ontariennes, cela aurait dû être un automatisme.

Ces ressources en ligne, écrit-on par ailleurs, servent à «combattre l'islamophobie dans les écoles» de l'Ontario. Au-delà du fait que l'islamophobie n'est pas définie, on affirme comme si cela était une évidence l'existence en milieu scolaire d'un grave problème nécessitant une stratégie de combat. Mais on ne s'appuie sur aucune donnée (existent-elles?) ou référence à des événements justifiant ce constat.

Dans le second paragraphe, on attribue le programme en ligne à l'Association musulmane du Canada, qu'on dit être «une association nationale à but non lucratif». Mais est-bien le cas? Doit-on nuancer un peu? Cette organisation a été récemment dénoncée par les fédérations juives du Canada pour avoir invité à l'une de ses conférences un «prêcheur extrémiste notoire associé aux Frères musulmans». L'historien Frédéric Bastien a fait état de cette controverse dans une chronique récente au Journal de Montréal.

Un journaliste avisé aurait sans doute remarqué que dans l'image illustrant le programme de sensibilisation à l'islam, toutes les femmes sont voilées. Pourtant, la moitié au moins des femmes musulmanes au Canada ne se voilent pas. Sur le site Web du programme en question, une photo (voir ci-bas) publicitaire montre une trentaine de femmes, toutes voilées. Cet apparent manque d'ouverture envers la diversité au sein de l'islam est de mauvais augure pour une association qui dit se porter à la défense de la diversité au pays...

Le ministre ontarien de l'Éducation, Stephen Lecce, cité dans l'article, affirme - sans élaborer - que de nombreux élèves musulmans sont victimes de discrimination dans les écoles de la province et que l'Ontario collabore avec avec «des dirigeants communautaires» pour soutenir les musulmans. Ainsi les meneurs d'une association qui invite un extrémiste haineux à une conférence et qui privilégie dans ses images les femmes voilées seraient des «dirigeants communautaires»?

Ailleurs dans l'article de la Canadian Press, on apprend que l'Association musulmane a préparé ses ressources «éducatives» avec une subvention de 225 000 $ du ministère ontarien de l'Éducation. Avec des fonds publics... Au-delà de la question éthique de confier à une organisation religieuse le soin de préparer des ressources pour des écoles laïques, ces fonds publics solidifient la crédibilité de l'Association musulmane aux yeux de la population. On lui confie des fonds publics, en faisant ainsi l'exécutante d'un mandat du gouvernement...

Ainsi, un texte d'un journaliste professionnel, aguerri, présente l'Association musulmane du Canada sous un oeil très favorable, comme une organisation quasiment caritative, oeuvrant au bien public... Et la controverse avec les Juifs? Pas un mot. Et l'omniprésence du voile chez les femmes à l'AMC, dans un pays où l'égalité des sexes est pourtant garantie par la Constitution? Pas un mot. Et les prises de position anti-laïcité de l'Association, contre la Loi 21 du Québec? Pas un mot.

Enfin, un journaliste de langue française, me semble-t-il, aurait pu scruter un peu le comportement du gouvernement ontarien. Les musulmans sont-ils les seuls à recevoir des fonds publics pour nous «éduquer»? Non. Les juifs, beaucoup plus souvent victimes de discrimination que les musulmans, ont aussi préparé des ressources éducatives. Et on a aussi entrepris des campagnes contre le racisme en milieu scolaire. Mais le ministère a-t-il déjà financé une campagne pour mettre fin à la francophobie endémique qui sévit dans le réseau scolaire ontarien depuis plus d'un siècle? Si cela s'est déjà produit, je n'en ai jamais entendu parlé...

Enfin, tout cela peut paraître excessif, mais ce ne l'est pas. Ou ce ne devrait pas l'être, du moins pas pour les journalistes qui ont pour mission de choisir les textes du jour, de les titrer et de les mettre en page. Pas seulement parce que le métier l'exige, mais parce que les lecteurs, en bout de ligne, ont eux aussi le droit de l'exiger. La crédibilité de la profession et des médias en dépend.


MAC (Muslim Association of Canada)



lundi 29 novembre 2021

Le journalisme remonte-t-il la pente???

                   Les dernières éditions imprimées des quotidiens La Presse et Le Droit...

«Le journalisme remonte la pente», annonçait en gros caractères Le Devoir, ce lundi 29 novembre 2021. Voici le lien: bit.ly/3rlNv68. Avant de poursuivre, prenez le temps de lire ce texte qui, par certains aspects, je dirais plutôt par certaines omissions, semble sortir tout droit du pays des merveilles.

Si j'ai bien compris, les journaux étaient en difficulté à cause de la chute des revenus publicitaires des deux dernières décennies. La faute de l'Internet et de ses réseaux sociaux, dit-on. Là, l'embauche reprendrait parce que l'apport des pubs s'est stabilisé et que les gouvernements ont pompé des millions de dollars dans la presse écrite. Et elle reprendrait encore plus vite sans cette satanée pénurie de main-d'oeuvre, à laquelle s'ajoutent les mauvaises conditions de travail et l'impression que le journalisme est une profession sans avenir.

Y'a du vrai dans tout ça mais la réalité - la vraie - dépasse largement les couloirs étroits de cette analyse. Dans la presse écrite (je connais peu les médias électroniques), on a souvent la mémoire courte et on passe à côté de sujets plus délicats, pour ne pas dire tabous. Quand on verse ces enjeux dans la marmite, le mélange est bien plus toxique. Le problème, c'est qu'on ne les verse jamais dans la marmite...

Revenons d'abord sur cette demi-fiction d'une régression de la presse écrite remontant à l'invasion de l'Internet et de ses dérivés. Disons à partir de l'an 2000. Il faudrait enlever ces oeillères et remonter bien plus loin qu'une vingtaine d'années. Dans plusieurs journaux, les avancées technologiques et la mainmise croissante des barons de presse sur des entreprises jadis indépendantes avaient enclenché un mouvement de coupes dans les effectifs, et dans l'espace rédactionnel, depuis les années 1970.

Dans mon journal, Le Droit, auparavant propriété des Oblats, l'arrivée de Conrad Black et de ses sbires dans le décor a entraîné en 1988 - bien avant l'Internet - des coupes de près de 40% du personnel de la salle de rédaction. L'érosion de la qualité et de la quantité d'information se répercutait déjà sur le moral des journalistes et sur le nombre de lecteurs. Le cercle vicieux était amorcé bien avant la fin du 20e siècle: on coupe, la qualité diminue, le lectorat s'effrite, ce qui mène à de nouvelles coupes, à une autre baisse de qualité, et à une perte accrue de lecteurs. Etc.

Les empires de presse, comme toutes les entreprises capitalistes, n'ont qu'un dieu: le profit. Ils ont pressé le citron à l'excès et nos bons vieux journaux étaient déjà amochés pour la plupart quand l'univers numérique est passé à l'attaque. Et au lieu de défendre 500 ans de civilisation imprimée, d'ébaucher des stratégies pour améliorer la qualité et convaincre les auditoires en misant sur la valeur du produit, ils ont baissé les bras, pris le chemin de la facilité et se sont laissé séduire par le côté sombre de la force...

Rendus au début des années 2010, le cheval de Troie avait pénétré les murs des rédactions et une proportion croissante de journalistes croyait dur comme fer que les jours de l'imprimé étaient comptés. Que nos belles bibliothèques seraient remplacées par des clés USB et que le public préférerait de loin puiser ses nouvelles au fond d'un écran, même très petit. La discussion était terminée ou presque et ceux qui se levaient pour endiguer tant soit peu la vague numérique commençaient à passer pour des dinosaures.

Attribuer à l'Internet l'implosion de la presse écrite, sans tenir compte de la concentration de la propriété, de l'appétit vorace de profits, du mépris des barons pour l'information, de l'affaissement moral d'une trop grande proportion des scribes, c'est manquer le bateau. C'est bien plus simple de privilégier la thèse du maraudage des revenus publicitaires par les ogres numériques...

Pénurie de main-d'oeuvre?

Passons maintenant aux mythes entourant la pénurie de main-d'oeuvre. C'est vrai que les conditions de travail et les salaires des journalistes ne sont pas attrayantes. Ils ne l'étaient pas non plus il y a plus de 50 ans quand j'ai mis les pieds pour la première fois dans une salle des nouvelles, mais cela n'empêchait pas les jeunes de se bousculer pour obtenir les postes qui se libéraient. Le texte du Devoir mentionne l'impression laissée d'une profession sans avenir en 2021... Cette piste est bien meilleure et mérite d'être scrutée. En gardant toujours en tête le mot clé qu'on oublie trop fréquemment: pourquoi? 

La réponse réside dans le produit lui-même: les journaux quotidiens imprimés. Leur existence physique était la raison-d'être de notre engagement, de notre militantisme, de nos solidarités. Le journal était structuré. Ce n'était pas simplement des nouvelles lancées n'importe comment, une à la suite de l'autre. Il y avait partout un effort individuel et collectif de jugement: à la cueillette de l'information, à la rédaction, à la correction, au choix de la page, du caractère et de la grosseur du titre, au positionnement dans la page par rapport à d'autres textes ou photos, au graphisme. Et le résultat, c'était les pages chaudes sortant des presses, ces pages qui saliraient nos mains et aboutiraient dans des centaines de kiosques et des dizaines de milliers de foyers de la région.

On le touchait, on le sentait, on l'entendait, on l'apportait. Le journaliste est un artisan: il doit pouvoir tenir dans ses mains l'oeuvre à laquelle il a participé. Et les abonnés n'avaient pas à chercher une application et cliquer je ne sais combien de fois pour arriver à tourner les pages et monter ou descendre le texte. Le journal, cet assemblage de nouvelles, de reportages, de commentaires et de pubs était imprimé pour de bon, sans possibilité de changement, et il était acheminé aux lecteurs. Il était livré à la porte, se retrouvait sur la table de cuisine, dans le salon, toujours ouvert... On le voyait dans les kiosques, dans les restos... Tous pouvaient le visualiser. Ces journaux régionaux (ou nationaux) faisaient corps avec leur public cible, faisaient partie de l'âme des collectivités desservies. 

Notre salle des nouvelles, comme d'autres sans doute, était un lieu de travail, d'échanges, de dialogues, de chicanes, de débats, de bonheur. Nous avions des salaires modestes, des patrons parfois détestables, mais nous avions hâte de nous rendre au boulot. Nous arrêtions même au journal le soir et les fins de semaine, pour jaser avec des collègues. C'était presque un second chez-soi. Et le fil conducteur, c'étaient ces pages de papier où l'on contribuait à écrire l'histoire de l'humanité, du moins de notre petit coin, au quotidien. La clé, c'était le journal imprimé. Et on a jeté la clé à la poubelle. 

Si le journalisme est perçu au Québec comme une profession sans avenir par plusieurs, c'est parce qu'il n'y presque plus de journaux en papier. Le Journal de Montréal (et de Québec), Le Devoir. Le Journal de Montréal (et de Québec), Le Devoir. Je cherche... Rien d'autre... Un écran, ce n'est pas un journal et ce ne le sera jamais, mais ça va prendre du temps avant de s'en apercevoir. La perception est le plus souvent une chose bien simple. Rien qu'à voir on voit bien, dit le vieux dicton. Eh bien justement, on ne voit plus de journaux, ou presque. Dans les kiosques, dans les résidences, dans les salles de rédaction, on voit le vide, l'absence. Une profession sans avenir.

Pour ce qui est des autres motifs d'une pénurie de personnel journalistique, permettez-moi de rappeler une vérité que trop de gens oublient: la moitié de la population francophone est fonctionnellement analphabète. Cela réduit à la fois le public des journaux et le bassin de journalistes potentiels. On bombarde les jeunes d'anglais (intensif à l'école, à l'écran) au lieu de bien apprendre et de respecter la langue française qu'on s'acharne à conserver depuis des siècles. Ce n'est pas compliqué: trop de jeunes qui pourraient faire d'excellents journalistes ne savent pas écrire simplement et correctement. Ça, c'est un gros morceau du problème.

La question se pose depuis longtemps dans les journaux de langue française hors Québec. Il y a une vingtaine d'années, j'avais rencontré la rédactrice en chef d'un journal de l'Ouest canadien et elle nous disait que les lecteurs se plaignaient que les rédacteurs étaient trop souvent des Québécois ou des Européens qui ne connaissaient pas le milieu. Et elle avait avoué qu'elle n'avait pas le choix: elle ne trouvait pas dans ces minorités des candidats capables d'écrire convenablement en français. Cette situation se répand de plus en plus aujourd'hui, même au Québec. Je serais curieux de savoir combien de journalistes du Droit sont franco-ontariens. Et pourquoi on entend de plus en plus d'accents européens dans les bulletins télé de Radio-Canada. Ce qu'on trouverait à coups de pourquoi risquerait d'être fort déplaisant.

Alors moi je dirais à ces savants décortiqueurs de la situation du journalisme d'explorer à fond deux avenues: l'effet de l'absence des journaux imprimés et la dégradation de la langue française dans les générations montantes. Ne pas le faire, c'est comme jeter à la poubelle des morceaux clés du casse-tête...


dimanche 21 novembre 2021

Jouer à l'autruche...



«un jour, prédit le dernier des franco-ontariens,                                                                                                      il y aura peut-être le dernier des québécois»

(Pierre Albert, poète, Le Dernier des Franco-Ontariens, Éditions Prise de parole, Sudbury, 1992)

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Quand je vois le gouvernement de François Legault proposer des demi-mesures dont l'effet sera, tout au mieux, de ralentir le rythme d'une anglicisation qui sonnera inévitablement notre glas comme nation, j'ai la malheureuse impression de revivre ma jeunesse franco-ontarienne...

Il y a 50 ans, l'érosion du français était là, devant nos yeux, s'accélérant d'une génération à l'autre. C'était clair comme de l'eau de roche. Des mesures urgentes et draconiennes s'imposaient pour endiguer ou, sait-on jamais, renverser tant soit peu le processus d'assimilation. Et qu'ont font les chefs de file de l'Ontario français? Ils ont joué à l'autruche...

À la fin d'octobre et au début de novembre 1973, j'étais journaliste au quotidien Le Droit, affecté à la couverture ontarienne. Armé de récentes données du recensement de 1971 où apparaissait pour la première fois la question sur la langue d'usage (langue la plus souvent parlée à la maison), j'avais préparé une série de quatre analyses détaillant, région par région, les chiffres de l'anglicisation des Franco-Ontariens.

Ces statistiques percutantes, présentées avec tableaux pour les comtés et villes du Nord, de l'Est et du Sud de l'Ontario, étaient indéniables et sombres. Leur publication a-t-elle eu l'effet escompté? A-t-elle provoqué une prise de conscience du besoin d'actions urgentes en faveur du français? Bien sûr que non! Au lieu de regarder la réalité en face, on a sorti les lunettes roses...

La réaction la plus invraisemblable est venue de Laurent Isabelle, alors président du Collège Algonquin d'Ottawa (bilingue) et seul membre francophone de la Commission d'enquête ontarienne sur l'éducation post-secondaire (y compris en langue française), qui avait soumis son rapport en 1972. Homme respecté et intègre, M. Isabelle était un incorrigible optimiste et son opinion était sans doute un fidèle reflet d'une partie des élites franco-ontariennes.

Dans l'édition du Droit du 2 novembre 1973, le jour même où était publiée la 3e des quatre analyses, Laurent Isabelle a abordé le sujet lors d'une conférence à un Club Richelieu de la région d'Ottawa. Sans nier l'exactitude des données du recensement, il a annoncé à ses auditeurs que l'assimilation des Franco-Ontariens avait été endiguée mais qu'on ne pourrait pas en avoir la preuve avant le recensement de 1981!

Sur quoi se fondait cette affirmation? Aucune étude, aucune preuve, seulement sa conviction personnelle que les écoles primaires et secondaires françaises acquises depuis 1968 en Ontario allaient former de nouvelles générations pleinement francisées, et que preuve de telle francisation ne serait pas disponible avant le dépouillement des données du recensement de 1981... M. Isabelle a même avancé que l'on verrait en 1981 «augmenter les pourcentages de francophones qui conservent leur langue»...

N'importe quel sociologue aurait pu démontrer l'absurdité d'un telle prédiction, l'assimilation étant le résultat de nombreux facteurs dont le milieu scolaire ne constitue qu'un des éléments (important, soit). N'étant pas à une illusion près, M. Isabelle avait pris position contre la création de collèges et universités de langue française en Ontario, ne croyant pas qu'il y avait pas un bassin suffisant de francophones. Il était donc partisan d'établissements post-secondaires bilingues...

Mais la réalité a toujours le dessus. Non seulement les écoles primaires et secondaires françaises n'ont-elles pas enrayé l'assimilation, mais les recensements subséquents ont démontré une accélération du phénomène d'anglicisation. Et on a fini par créer deux collèges de langue française, notamment en scindant le collège Algonquin dont il était le président. Quant au projet d'université de langue française, il piétine toujours en 2021, l'immense majorité des étudiants franco-ontariens fréquentant encore des universités bilingues ou anglaises...

Évidemment, MM. Legault, Mme Anglade et autres d'avis semblables, confrontés aux premiers symptômes graves de transferts linguistiques et identitaires au Québec, ont peu de points de repère. Chacun, chacune y va de son diagnostic et imagine l'efficacité de sa solution sans avoir de preuve concrète à l'appui. Ils ont pourtant à leur disposition bien plus d'études et d'expertises que les Franco-Ontariens des années 1970 et 1980. Elles expriment toute l'urgence de la situation face à l'érosion du français, notamment dans la région montréalaise, et brossent des projections catastrophiques pour les 25 prochaines années.

Dans un tel contexte, poursuivre les programmes d'anglais intensif dans le primaire francophone et ouvrir (même partiellement) les cégeps anglais aux francophones (et allophones) relèvent du suicide culturel. Mais comme pour les Franco-Ontariens d'il y a un demi-siècle, les dirigeants québécois semblent incapables de tirer les conclusions et surtout, de prendre les décisions qui s'imposent. Le gouvernement de François Legault, face à l'évidence d'appliquer la Loi 101 aux cégeps, par exemple, n'osera jamais le faire, même pour sauver la nation. En haut lieu on a peur de mobiliser contre nous les Anglo-Québécois et le reste du Canada. 

Dans une cinquantaine d'années, la nation québécoise sera en pleine décomposition et on pourra écrire, comme Omer Latour (Une bande de caves, Les Éditions de l'Université d'Ottawa, 1981):

«Dieu merci, le combat est presque fini                                                                                                            L'assimilation totale apporte enfin le repos»...


mercredi 17 novembre 2021

L'avenir est à ceux qui luttent? Vraiment?

Capture d'écran, Le Droit, 16 novembre 2021

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La devise de mon ancien quotidien, Le Droit, est magnifique et inspirante: «L'avenir est à ceux qui luttent». Mais s'en souvient-on encore dans les vapeurs de l'Internet où Le Droit, comme la plupart des autres ex-journaux-imprimés du Québec, tente tant bien que mal de survivre?

J'ai parfois des doutes, notamment après avoir indigéré la chronique intitulée «L'affaire Moca Loca: où ça, la haine du français» (voir bit.ly/3oCBqq7), parue dans l'édition numérique du mardi 16 novembre. J'étais déçu sur le plan journalistique, mais aussi comme Québécois francophone et ex-Franco-Ontarien, et surtout, je pense, comme ancien membre de la grande famille du Droit.

La veille (15 novembre), Radio-Canada avait diffusé une nouvelle au sujet d'une prise de bec dans un café Moca Loca de Gatineau, où un client demandant qu'on lui adresse la parole en français avait été insulté et expulsé (voir bit.ly/3HveTUO). Son affirmation était corroborée par un témoin. Évidemment, le scribe de Radio-Canada était allé chercher la réaction de Jean-Paul Perreault, président d'Impératif français, presque toujours le seul en Outaouais à lever le poing sur la place publique quand la langue française est bafouée.



Le matin du 16, j'ai épluché l'édition numérique du Droit pour voir le compte rendu de mon ancien quotidien. Mais il n'y en avait pas. Du moins je n'en ai pas trouvé. Il n'y avait aucun texte de nouvelles sur cet incident, aucune couverture maison. Il n'y avait que cette chronique, clairement un amalgame chronique-texte-de-nouvelles, signé à la fois par le chroniqueur et une journaliste de la salle de rédaction, où l'on dénigre M. Perreault en plus de donner, sur un ton sympathique, la parole à celui qui s'était adressé au client en anglais et l'avait expulsé.

Normalement, une telle chronique ou un éditorial servent de complément à une nouvelle jugée d'importance. Ce genre de texte ne précède pas une nouvelle et ne la remplace pas. Je comprends que Radio-Canada avait diffusé son reportage sur l'incident au bulletin télévisé de 18 heures, et mis en ligne un texte vers 20 h 30. Si Le Droit n'était pas au courant auparavant, cela laissait peu de temps pour un suivi et une collecte de réactions. Et pourtant, on a trouvé le moyen de publier un long commentaire et d'y inclure (ce que Radio-Canada n'avait pas) la version du copropriétaire de ce Moca Loca, celui-là même qui avait eu l'altercation avec le client.

Si je comprends bien le sens du texte, Le Droit a pu obtenir une entrevue avec le copropriétaire parce que le chroniqueur, pour lequel j'ai beaucoup d'estime, fréquente cet établissement et avait plusieurs fois «piqué un brin de jasette» avec lui. Cela aurait fait un excellent suivi à un texte maison sur l'incident. Mais il n'y a pas eu de texte maison. Pas d'interview avec la personne qui demandait qu'on lui parle en français, pas de réaction de M. Perreault, pas de réaction du ministre Mathieu Lacombe, rien. Seulement cette chronique douteuse. De la part d'un journal centenaire au passé illustre, c'est plus qu'inacceptable.

Passons maintenant au contenu. L'entrée en matière laisse à désirer. «Un client francophone se plaint d'avoir été expulsé en anglais seulement d'un café de Gatineau, et nous voilà tous à en faire une crise linguistique.» Tous? Qui ça, tous? Le plaignant? M. Perreault? Le ministre Lacombe? Radio-Canada? Le mot «tous» ratisse large. Peu de gens, même à Impératif français, transformeraient un seul incident en «crise linguistique». Ils pourraient cependant y voir, avec raison, une manifestation locale d'une crise linguistique qui existe à l'échelle du Québec, voire du Canada. Le Droit, qui couvre le combat linguistique des francophones depuis 1913, devrait savoir ça.

Et que dire du simili-procès fait à Jean-Paul Perreault, «trop content d'enfourcher son cheval de bataille favori». «Notre Jean-Paul national s'époumonait sur toutes les tribunes lundi». Notez le choix du verbe s'époumoner. Et il n'était pas sur toutes les tribunes: pas celle du Droit en tout cas... «Le verbe rageur, l'étendard de la francophonie québécoise porté bien haut, le président d'impératif français n'en pouvait plus d'être insulté.» Venant d'un journal qui a publié des milliers  de nouvelles sur les injustices subies par les francophones, s'adressant à l'homme de l'Outaouais qui s'est le plus souvent tenu debout devant telles injustices depuis des décennies, ce commentaire est indigne.

La chronique voit en M. Perreault une personne qui «s'emporte», qui est «trop heureux» de dénoncer «une "vision canadienne" qui alimente la "haine" du français et des Québécois...» Si je comprends bien, on décrit un personnage qui se contrôle mal et qui prend plaisir à dénoncer... C'est carrément une attaque personnelle... Quant on passe des dizaines d'années à défendre le français et à combattre la francophobie et la haine du Québec qui existent vraiment (on n'a qu'à lire les commentaires du public dans le Globe and Mail, le Toronto Sun, ou sur les sites Web de CBC), hausser le ton à l'occasion est pleinement justifié et raisonnable. 

Enfin, qu'on me permette de souligner un aspect de cette «affaire» que les médias n'ont pas vraiment développé. Nous avons été habitués, depuis toujours, à voir des Canadiens français de souche se faire rabrouer par des Anglo-Canadiens de souche. Cette fois, l'altercation a eu lieu entre deux personnes «issues de la diversité» comme on aime dire à Radio-Canada, l'une utilisant le français, l'autre répondant en anglais. Il est remarquable que les vieux antagonismes existant depuis deux siècles au Canada et au Québec se transmettent ainsi aux nouveaux arrivants.

Un autre élément qui ressort de cette histoire, et c'est quelque chose que je note depuis plus de 50 ans, est la différence d'attitude que les médias (et l'opinion publique) adoptent selon que l'incident linguistique se déroule au Québec ou, dans le cas du Droit, en Ontario. Si ça s'était produit à un Moca Loca à Orléans, du côté ontarien, je parie que les professionnels de la résistance franco-ontarienne auraient été encensés par Le Droit. Mais quand cela arrive à Gatineau, les défenseurs du français deviennent souvent suspects. Probablement des méchants séparatistes... 

La réaction du président de la Chambre de commerce de Gatineau, rapportée par Radio-Canada, est je crois assez typique de ce qu'on entendrait dans les milieux politiques et économiques régionaux. «Ce n'est pas acceptable, a-t-il dit, qu'on ne soit pas en mesure de servir un consommateur dans la langue de son choix.» C'est ahurissant. Il n'ose même pas se porter à la défense du français. Il réclame du même coup le droit pour un client de se faire servir en anglais au Québec. «Dans la langue de son choix»...

Parfois, parfois, je m'ennuie de mes années de militantisme franco-ontarien, dans les années 1960... Au moins, dans les pages du Droit, nous avions bonne presse...

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Enfin, toute cette histoire me fait penser à cette citation de Pierre Falardeau: «On va toujours trop loin pour ceux qui ne vont nulle part».