dimanche 28 février 2021

Combien y a-t-il de Franco-Colombiens?

Dans sa publication Web de samedi (27 février 2021), le Journal de Montréal rapporte la sortie de la présidente de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, Padminee Chundunsing, contre certains propos de l'animateur de l'émission Tout le monde en parle, Guy A. Lepage. Ce dernier avait affirmé devant la ministre Mélanie Joly que le français, à Vancouver, était «la septième ou la huitième langue parlée, après le mandarin, le cantonais, le pendjabi et deux/trois autres langues que j'oublie»...

Dans une lettre ouverte publiée le 25 février, Mme Chundunsing réplique en affirmant que la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique représente «près de 400 000 locuteurs du français, ce qui fait du français la deuxième langue parlée dans notre province, et non la septième comme vous l'avez affirmé», ajoutant que «nous sommes une communauté bien vivante, bien loin de l'image d'espèce en voie de disparition que vous semblez avoir».

À première vue, on a l'impression que l'un dit noir et l'autre blanc. Qui a raison? Guy A. Lepage ou Mme Chundunsing? Le rédacteur du texte de l'Agence QMI aurait pu s'informer (aurait dû...) mais ne l'a pas fait, et laisse le lecteur dans le brouillard. Une simple vérification des données du recensement de 2016, le plus récent, aurait vite remis les pendules à l'heure.

Premièrement, l'animateur de TLMEP avait parlé spécifiquement de Vancouver et la présidente des organismes franco-colombiens propose un survol de la situation du français dans l'ensemble de la province. Selon elle, la Colombie-Britannique compte «près de 400 000 locuteurs du français». Cette information est vérifiable. Selon le dernier recensement fédéral, 316 735 Britanno-Colombiens peuvent soutenir une conversation en français, soit 6,9% de la population. Cette donnée inclut les Franco-Colombiens ainsi que les anglophones et allophones bilingues ou multilingues. 

Alors si la catégorie choisie est la capacité de soutenir une conversation dans une langue, Mme Chundunsing a raison. Le français occupe la deuxième place, suivi du mandarin, du pendjabi et du cantonais. Le problème, évidemment, c'est que les bilingues sont comptés en double. Les trilingues en triple. Sur les 316 735 locuteurs du français, 314 925 parlent aussi l'anglais et sont ainsi comptés également parmi les locuteurs de l'anglais. Et l'immense majorité d'entre eux ont effectivement l'anglais comme langue maternelle ou langue d'usage. Mais on reste encore loin du chiffre de «près de 400 000»... Et ce n'est pas le meilleur indicateur du dynamisme d'une langue.

Les données sur la langue maternelle (première langue apprise et encore comprise) et la langue d'usage (langue la plus souvent parlée à la maison) ont beaucoup plus de pertinence. En comparant l'une à l'autre, on obtient aussi un portrait plus précis de la dynamique linguistique en Colombie-Britannique. Il y a, selon le recensement de 2016, pour ceux qui n'indiquent qu'un choix, 57 425 personnes de langue maternelle française, ce qui place le français en septième position derrière l'anglais, le pendjabi, le cantonais, le mandarin, le Tagalog (philippin) et l'allemand.

Les données pour la langue d'usage sont bien plus sombres: seulement 16 795 personnes indiquent le français comme langue la plus souvent parlée à la maison (choix unique). Cela place le français en 10e position après l'anglais, le mandarin, le pendjabi, le cantonais, le coréen, le tagalog, le persan, l'espagnol et le vietnamien. Si on employait les choix multiples (pondérés) au lieu des choix uniques, le français passerait probablement à la 9e place, devant le vietnamien. On notera aussi que des 57 000 personnes de langue maternelle française (choix uniques), à peine 17 000 parlent le plus souvent français à la maison. Une assimilation massive décime les rangs francophones.

Si l'on revient à Vancouver, la ville dont parlait Guy A. Lepage à TLMEP, la situation du français ne s'améliore pas du tout. Les données sur la langue maternelle placent le français en neuvième position, et en treizième position pour la langue d'usage... Sur une population de près de 2 500 000 personnes dans la région métropolitaine de recensement de Vancouver, à peine 8625 disent utiliser le français le plus souvent à la maison (choix unique), soit 0,4% de la population.

Cela ne signifie pas que le français doive être considéré sur un pied d'égalité avec toutes les autres langues,  et qu'on puisse ainsi piétiner les droits constitutionnels des Franco-Colombiens comme on le fait depuis trop longtemps. Et sans doute peut-on compter sur l'apport de quelques centaines de milliers de francophiles en Colombie-Britannique. Cependant, si l'on peut accepter que ce qui reste de la collectivité francophone est «bien vivant», il est difficile de croire que ces données brossent un tableau d'une communauté «pleine de vitalité».

Alors qui, de Guy A. Lepage ou de Mme Cundunsing, a raison? À vous de décider. Les chiffres sont là. Mon plus grand regret, c'est que les médias - qui ont accès à ces données - ne fassent que peu d'efforts pour vérifier le fondement de telles affirmations. 

jeudi 25 février 2021

Xénophobes? Racistes?


Quand j'étais enfant, à Ottawa, vivant dans un quartier ouvrier franco-ontarien, nous allions en voiture admirer les somptueuses résidences de la promenade Island Park, qui relie l'ouest de la capitale fédérale à la rive québécoise par le pont Champlain. Nous savions que nous n'étions pas chez nous sous les ormes majestueux de ce grand boulevard. Ce magnifique décor, comme tous les quartiers riches d'Ottawa, abritait ceux que nous appelions «les Anglais»...

À la fin du primaire, mes parents se sont endettés pour que je fréquente l'école secondaire privée de l'Université d'Ottawa, une des deux seules écoles secondaires «bilingues» de la capitale. Il n'y avait pas d'écoles secondaires françaises en Ontario à la fin des années 1950. L'école était située au centre-ville. Il fallait s'y rendre en autobus. Demander un billet en français pouvait être intimidant. Des Anglais nous traitaient de «frogs»... On entendait même, à l'occasion, des «Speak white»...

Au fil des ans, un peu au primaire mais surtout au secondaire et à l'université, on m'a enseigné la grande épopée du Canada et des Canadiens français... Les historiens m'ont appris, entre autres:

- que les Anglais avaient déporté dans la violence des milliers d'Acadiens à partir de 1755, une tentative évidente de génocide

- qu'après la conquête de 1760, les nouveaux maîtres britanniques ont condamné nos ancêtres français à un état permanent d'infériorité économique et politique

- que le mépris envers la majorité canadienne(française) au Parlement du Bas-Canada est à l'origine de la rébellion des Patriotes en 1837

- que cet élan démocratique a été réprimé cruellement... des villages brûlés, des femmes violées, des patriotes pendus...

- qu'en 1839, un certain Lord Durham avait signé un rapport dans lequel il nous disait un peuple inculte, sans histoire, et que pour notre bien, mieux vaudrait s'angliciser...

- qu'en 1840 on a uni les deux Canadas pour nous empêcher d'avoir une majorité parlementaire, et qu'on a supprimé l'usage de la langue française...

- qu'en 1867 on a créé un nouveau pays et que le Québec était la seule province avec un statut bilingue, avec des garanties blindées pour la minorité anglaise...

- que dans toutes les autres provinces, à partir de 1871, les Anglais (qui n'avaient pas concédé de protection aux Acadiens et Canadiens français) ont entrepris d'interdire systématiquement l'enseignement du français...

- que les deux rébellions des Métis, principalement francophones, de l'Ouest ont suscité des réactions violentes du Canada anglais et que le chef Louis Riel a été pendu dans un simulacre de procès...

- que les Anglais préféraient donner les terres des Prairies à des immigrants britanniques et européens plutôt que de permettre une expansion des Canadiens français vers l'Ouest

- que les Québécois privés de terres et d'emplois ont émigré par centaines de milliers aux États-Unis vers la fin du 19e et le début du 20e siècle...

- que les Anglais, même à Montréal et à Québec, traitaient les francophones comme les maîtres britanniques traitaient les autres peuples qu'ils avaient colonisés... René Lévesque les appelait «nos Rhodésiens de Westmount»...

- que nous étions «nés pour un petit pain», que nous étions «des porteurs d'eau et des scieurs de bois» dans notre propre pays...

- que les travailleurs francophones avaient trop souvent des patrons anglais...

- que Maurice Richard était un héros parce qu'il osait tenir tête aux grands bonzes anglo-canadiens...

- bref, que notre situation avait fait de nous des colonisés... que le traitement que nous avions subi pendant deux siècles s'apparentait souvent au racisme...

Puis vinrent les années 1960... La révolution tranquille... Un désir collectif de mettre fin à l'infériorité imposée depuis deux siècles, d'affirmer les droits de la langue française et de nous donner enfin, démocratiquement, un État à notre image... Défaire 200 ans de colonialisme pour prendre place avec les autres peuples au concert des nations... Assurer la pérennité de notre culture originale, notre contribution à la diversité culturelle mondiale...

Pour moi, qui suis devenu Québécois, c'était et ça demeure aujourd'hui un mouvement d'émancipation collective.

Alors comment voulez-vous que je réagisse quand, dans les médias anglo-canadiens, on nous traite depuis plus de 30 ans de racistes et de xénophobes parce qu'on a voulu continuer d'exister comme peuple et se donner des institutions conformes aux valeurs culturelles humanistes et démocratiques qui nous définissent?

Je dois vous avouer ma frustration, voire mon exaspération.

Je suis de nature porté à accueillir le débat avec des gens qui proposent des opinions contraires aux miennes. J'aime un bon affrontement verbal ou écrit. Mais devant tant de mépris, de haine, d'intolérance, voire de racisme accumulés à notre endroit depuis des générations, aucune discussion n'est possible.

La réponse doit venir des tripes...

Alors à tous ceux qui persistent, malgré les faits, à voir dans l'affirmation collective des Québécois francophones une manifestation de xénophobie ou de racisme, je n'ai qu'une chose à dire.

«Mangez d'la marde!»

Voilà.

Ça fait du bien...




mardi 23 février 2021

C'est faux, Mme Joly !


J'ai entendu avec ahurissement Mélanie Joly affirmer à l'émission Tout le monde en parle, comme elle l'avait fait aux Communes le 19 février, que la Loi sur les langues officielles (LLO) du gouvernement fédéral avait permis à des millions de francophones de «vivre dans leur langue» d'un bout à l'autre du pays...


Et avant que j'aie fini de m'étouffer, elle a ajouté que c'est grâce à cette même Loi sur les langues officielles si «nos» jeunes qui vivent en situation minoritaire (hors Québec) «vont à l'école dans leur langue maternelle»... Là c'était trop! Ou elle fausse les faits, ou elle ignore les faits, me suis-je dit. J'ose espérer qu'elle c'était par ignorance...


Le pire, c'est que dans les médias, ces deux faussetés sont passées comme un couteau dans le beurre. Personne ne semble les avoir relevées et dénoncées, même pas les porte-parole pourtant bien informés des minorités acadiennes et canadiennes-françaises. Si vous avez lu un texte ou entendu un reportage d'un journaliste qui a souligné l'absurdité de ces deux déclarant, je vous prie de m'en informer. Je m'empresserai de le lire!


De toute évidence, personne dans la presse de 2021 ne suit assidument le dossier des langues officielles au fédéral, et seuls les vieux comme moi et quelques autres ont toujours en mémoire ou dans leurs archives les événements des années 1960 (bien avant la LLO) qui ont mené au réveil linguistique québécois et pancanadien.


Je vous propose ci-dessous des extraits du discours de la ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, la semaine dernière, lors de la présentation de son Livre blanc sur les langues officielles à la Chambre des Communes, suivis des commentaires spontanés que j'ai consignés à mes dossiers le jour même (le 19 février 2021):



Mélanie Joly: On doit beaucoup à la Loi sur les langues officielles. Grâce à elle, des millions de francophones d'un bout à l'autre du pays ont le droit de se faire servir et de vivre dans leur langue. 


Commentaire: Dans sa première mouture (1969 - 1988), la Loi sur les langues officielles ne concernait que la fonction publique fédérale et les institutions de compétence fédérale. Depuis 1988, elle a pour effet, en plus, de soutenir les organismes qui représentent les minorités «de langue officielle» (Franco-Canadiens et Anglo-Québécois), principalement par le pouvoir fédéral de dépenser de dépenser. 

 

J’aimerais bien qu’on m’explique comment, ce faisant, la LLO a permis à «des millions de francophones» de «vivre dans leur langue d’un bout à l’autre du pays». D’abord, comme il y a moins d’un million de francophones hors Québec (selon la langue maternelle), les «millions» dont parle Mme Joly doivent forcément inclure quelques millions de Québécois de langue française.


Or, au Québec, en matière de langues officielles, les $$$ de la LLO n’ont servi qu’à financer les causes des Anglo-Québécois. Et même en Ontario, au N.-B. et ailleurs, le fait de donner des millions tous les ans à des organismes des collectivités francophones n’a pas pour effet de les faire «vivre dans leur langue». Elles continuent à vivre largement en anglais dans la plupart des provinces et à se faire assimiler dans des proportions alarmantes.


Il y a mérite à financer les organismes de la francophonie dans la mesure où ceux-ci peuvent défendre les droits des Acadiens et Canadiens français, leur offrir des services et organiser des activités de langue française. Mais ici, la LLO ne fait pas du tout ce qu’allègue la ministre.

 

Mélanie Joly: Grâce à elle (la LLO), nos jeunes qui vivent en situation minoritaire vont à l'école dans leur langue maternelle, un droit que leurs parents s'étaient parfois vu refuser.


Commentaire: Selon la ministre Joly, c’est «grâce à» la Loi sur les langues officielles si «nos jeunes en situation minoritaire vont à l’école dans leur langue maternelle». Non mais où va-t-elle piger ça ? L’octroi d’écoles de langue française avait commencé dans les années 1960, avant la LLO, principalement pour contrer la menace «séparatiste» en provenance du Québec.


Les véritables droits ajoutés sont venus avec l‘article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982, que la Cour suprême a interprété généreusement en faveur des francophones en situation minoritaire. C’est l’article 23 et la Cour suprême qui ont eu pour conséquence d’assurer à ces francophones la gestion de leurs réseaux scolaires. L'effet de la Loi sur les langues officielles ici est totalement NUL !

 


En passant, la ministre fédérale parle de «nos jeunes» et de «nos communautés». Elle ajoute plus loin dans son discours : «L’utilisation de la langue française est en recul au Québec et au Canada (comme si c'étaient deux pays différents...).  C’est à nous non seulement de protéger notre langue, mais bien d’offrir une vision moderne de notre dualité linguistique et de son avenir.»

 

Commentaire: Mais qui est ce «nous» dont elle parle ? À ma connaissance, Mme Joly parle au nom d’un gouvernement qui représente l’ensemble du Canada, donc d'une majorité anglo-canadienne. Quand elle dit que «c’est à nous de protéger notre langue», elle s’exprime de toute évidence comme porte-parole d’une quelconque entité francophone. Mais laquelle ? Le gouvernement fédéral, élu par une majorité de langue anglaise, ne peut parler de la langue française comme «notre langue» et des collectivités acadiennes et canadiennes-françaises comme étant «nos communautés».


Le seul gouvernement au pays qui pourrait prétendre s’exprimer au nom de la francophonie, de ce «nous» dont elle parle, c’est le Québec. Se trompe-t-elle de tribune ? Si elle fait exprès, c'est encore plus grave...

 

Mélanie Joly: «Le temps est venu d’agir – 

Agir pour que tous nos citoyens se voient refléter (sic) dans les objectifs de la Loi sur les langues officielles – 

Agir pour assurer la pérennité d’une francophonie forte et sûre d’elle au pays, incluant au Québec – 

Agir face aux phénomènes contemporains qui touchent directement la construction d’une identité francophone chez nos enfants – 

Agir pour faire rayonner nos cultures acadienne, québécoise et francophones 

Que vous fassiez partie de la majorité anglophone, que vous soyez un ou une Québécoise francophone ou un membre d'une communauté de langue officielle en situation minoritaire, votre réalité unique doit se refléter dans nos lois

 

Commentaire: Voilà les stratégies d’action, nébuleuses pour le moins. Étant donné que la LLO n’agit que dans les sphères de compétence fédérale, certes étirées en utilisant son pouvoir de dépenser mais tout de même fort limitées (la plupart des domaines pertinents tombant sous les compétences des provinces), il y a loin, très loin de la coupe aux lèvres pour «assurer la pérennité d’une francophonie forte et sûre d’elle-même»… 

 

Même chose pour les «phénomènes contemporains» ayant un effet sur la construction ou la déconstruction d’une identité «francophone» (c’est quoi au juste ?). Ces phénomènes sont tellement nombreux et variés, de la famille à l’école aux médias, commerces et autres activités sociales, qu’on voit mal comment les actions du fédéral dans ses sphères de compétence pourraient modifier plus que marginalement la donne. Et encore ici, Mme Joly parle de la construction «d’une identité francophone (sic) chez nos enfants». Nos enfants? Les anglophones ne sont pas aussi «nos enfants» pour le gouvernement fédéral, au nom duquel elle s’exprime ?

 

Comme si ce n’était pas suffisamment embrouillé, elle annonce qu’Ottawa va agir pour faire «rayonner nos cultures acadienne, québécoise et francophones (???)». Encore ce «nos» qui propose le fédéral comme une institution nationale des francophones. Ce qui m’intrigue, cependant, c’est la mention d’une culture acadienne (dans les quatre provinces de l'Atlantique), d’une culture québécoise et, pour les autres cinq provinces et trois territoires (Franco-Ontariens, Franco-Manitobains, Fransaskois, Franco-Albertains, Franco-Colombiens et ceux et celles des territoires), elle complète en évoquant «nos cultures francophones». Quelle étrange expression. Les cultures acadienne et québécoise sont également francophones. Le terme «canadien-français» n’aurait-il pas été indiqué ? En tout cas, pas «francophone»…

 

Mélanie Joly : «Le gouvernement a la responsabilité d’assurer qu’on puisse apprendre, parler et vivre en français comme c’est le cas pour l’anglais.»

 

Commentaire: On suppose que le gouvernement dont elle parle, c’est celui d’Ottawa. Or, à l’exception de la fonction publique fédérale et des entreprises sous sa juridiction, l’ensemble des facteurs influant sur le fait de pouvoir «apprendre, parler et vivre en français» sont du ressort des provinces. Le fédéral se donne une responsabilité qui ne lui appartient pas.  Au Québec, seul le gouvernement québécois «a la responsabilité d’assurer qu’on puisse apprendre, parler et vivre en français»…

 

Mélanie Joly: «Les gens ont le droit d’être servis et de travailler en français dans les entreprises de compétence fédérale au Québec et dans les régions à forte présence francophoneailleurs au pays. 

Ces droits et leurs recours seront donc établis dans les lois fédérales, en consultation avec les secteurs touchés

Cela dit, lorsqu’il est question d’assurer le respect du bilinguisme en milieu de travail, et d’assurer le droit de travailler dans sa première langue officiellela fonction publique doit montrer l’exemple.

C’est donc pourquoi nous allons créer un organisme central au sein du gouvernement chargé d’assurer la conformité des obligations linguistiques.

 

Commentaire: Il faudrait savoir ce que veut dire «forte présence francophone» à l’extérieur du Québec. Si on indique par là une majorité de francophones, la mesure se limitera à la péninsule acadienne, à la région du Madawaska, à l’Est ontarien et au secteur Kapuskasing-Hearst du Nord ontarien. Si c’est moins que la majorité il faudrait donner une indication. Les concepteurs de cette mesure y ont sûrement pensé. Ottawa, Moncton, Sudbury seraient-elles incluses ?

 

Quant à la fonction publique fédérale, il serait pertinent de souligner que la LLO existe depuis 1969 et que depuis plus d’un demi-siècle le Commissaire aux langues officielles reçoit tous les ans des tas de plaintes de fonctionnaires francophones qui se voient refuser leur droit de travailler en français… Qu’est-ce qui peut nous faire croire qu’un «organisme central» dans un ministère anglo-dominant d’un gouvernement anglo-dominant va corriger ce qui n’a pu être corrigé depuis 1969 et bien avant ? D’ailleurs, dans le Livre blanc, Ottawa reconnaît que sa fonction publique était une «institution quasi unilingue» avant 1969… Je n’avais jamais vu de déclaration pareille auparavant…

 

dimanche 21 février 2021

Francophone... Un adjectif galvaudé...

Dans l'image ci-dessus, il devrait y avoir un «f» minuscule à francophone...

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J'en ai ras-le-bol d'entendre le mot «francophone» employé à toutes les sauces... surtout quand il s'agit d'en emploi erroné. Voici ce que j'en pense. On me corrigera sûrement si j'ai tort...

Le suffixe «phone» vient du grec phôné qui signifie «son de la voix». L'appareil inventé au 19e siècle pour se parler à distance, on l'a appelé téléphone. D'une personne qui parle français, on dit qu'elle est francophone. Celle qui parle anglais, anglophone, et ainsi de suite. Germanophone, hispanophone, enfin... Mais «phone» est toujours associé à la parole et au son de la voix.

Le recours abusif au mot «francophone» est devenu tellement fréquent qu'on pourrait se croire en pleine pandémie langagière. Pire, personne ne semble vouloir apporter de correctifs. Ce n'est pas parce qu'une erreur est omniprésente qu'elle n'est plus une erreur. Alors, avis à tous et toutes. Selon le dictionnaire Multi, l'adjectif «francophone» qualifie une personne dont la langue maternelle ou d'usage est le français» (un Québécois francophone) ou un lieu où l'on parle le français (un quartier francophone).

Et voilà!

Alors, à chaque fois que vous lirez ou entendrez l'expression «école francophone», «collège francophone» ou «université francophone», sachez qu'il s'agit d'un emploi fautif. Il peut y avoir des francophones en quantité dans ces établissements, mais l'école, le collège ou l'université ne parlent pas. On dira école française, ou école de langue française, ou école franco-ontarienne, mais pas «école francophone»...

Le même principe s'applique à d'autres établissements ou institutions de la francophonie québécoise ou canadienne. Ainsi, ce n'est pas parce qu'on y travaille et qu'on y parle français que l'hôpital Montfort d'Ottawa ou l'hôpital Maisonneuve-Rosement à Montréal sont des «hôpitaux francophones».

Je peux concevoir, à la limite, qu'on puisse dire ou écrire «radio francophone» ou «télé francophone» parce qu'on y entend des humains qui parlent ou qui chantent en français. Mais il n'existe pas de «journal francophone» ou de «quotidien francophone» ou de «presse francophone». Un journal de langue française, un journal acadien, québécois, français, canadien-français? Pas de problème. Francophone? Jamais!

On entend beaucoup parler de «chansons francophones». J'imagine que cet usage finira par être accepté, mais il est fautif. L'artiste qui la chante peut bien être francophone (ou pas) mais la chanson ne l'est pas. On écoute une chanson française, ou, si on veut davantage définir, une chanson québécoise, acadienne, franco-ontarienne et ainsi de suite.

Et que dire de l'expression «livre francophone»! À moins qu'on ne parle spécifiquement de livres audio, l'ajout du suffixe «phone» pour un texte qu'on lit en version imprimée ou sur écran est tout à fait absurde. On achète ou on lit un livre français, en français. S'il faut le définir davantage, on pourra dire livre québécois, livre franco-canadien, etc.

On entend de plus en plus «culture francophone». Mélanie Joly a même utilisé cette expression aux Communes pour présenter son Livre blanc sur les langues officielles. Non seulement s'agit-il d'une faute, mais c'est aussi un échappatoire pour ne pas avoir à mieux qualifier la culture dont on parle. Peut-être un jour y aura-il une culture associée à la francophonie mondiale, mais entre-temps le tronc commun reste la culture française ou ses variantes territoriales (culture québécoise, canadienne-française, etc.).

L'apparition d'«identité francophone» crée sans doute une zone grise. Dans la mesure où l'identité est associée à une culture et qu'il n'y a pas de culture francophone, je voix difficilement comment on pourrait parler d'identité francophone. Cependant, un sondage Léger de 1993 chez les Franco-Ontariens avait révélé que près de 40% des jeunes francophones se voyaient comme «bilingues» sur le plan identitaire. Dans la mesure où un nombre croissant de francophones auront comme premier critère identitaire l'usage d'une ou de deux langues (Mélanie Joly a déjà dit «langue francophone»...), on finira sûrement par s'en reparler...

L'adjectif «francophone» n'est pas à bannir. Mais cessons de le galvauder.

On peut fort bien employer Québec francophone, Canada francophone, Amérique francophone, collectivité francophone, ville francophone, pays francophone, théâtre francophone, spectacle francophone, association francophone (et bien d'autres). 

Si au moins nos médias de langue française pouvaient donner l'exemple...


mardi 16 février 2021

La différence entre un fait divers et un moment historique...

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Plusieurs nouvelles ont un caractère ponctuel. On en parle un jour, on l'oublie le lendemain. D'autres traînent dans le décor quelques semaines, quelques mois. Certaines, enfin, marquent un moment important de l'histoire, font l'objet de multiples suivis et restent à jamais gravées dans la mémoire collective. La capacité de distinguer entre les unes et les autres devrait être l'un des fondements du journalisme. 

Malheureusement, au Québec, trop de salles de rédaction semblent avoir beaucoup de difficulté à s'élever au-dessus de l'immédiat. L'an dernier, l'important rapport de l'OQLF sur l'érosion du français comme langue de travail, puis le procès intenté contre la Loi 21 sur la laïcité de l'État, ont largement échappé aux radars de la presse québécoise. Et tout récemment, l'intervention majeure du Québec dans le dossier fédéral des langues officielles n'a même pas enregistré un bip sur l'échelle de Richter médiatique.

J'ai déjà abordé la couverture anémique du document de l'OQLF et du procès de la Loi 21 par nos quotidiens dans deux textes de blogue (voir bit.ly/2ZmoaKh et bit.ly/3qq21X8). Aujourd'hui, c'est au tour du gouvernement québécois, avec sa prise de position sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, de tomber dans un trou noir médiatique. On ne devrait avoir à faire comprendre à des directions de salles de rédaction pourquoi l'annonce du 5 février 2021 de Sonia Lebel méritait une manchette...

Sous Trudeau père, fin années 60, on avait administré au vieux concept de «bilinguisme / biculturalisme» l'aide politique à mourir. En 1969, une première mouture de la Loi sur les langues officielles consacrait une certaine égalité du français et de l'anglais dans les sphères de compétence fédérale et créait le Commissariat aux langues officielles. En parallèle, le multiculturalisme devenait un dogme pour l'État canadien. L'adhésion linguistique, vue par Ottawa comme un choix individuel, ne renvoyait plus à des droits collectifs, ou à des concepts tels que société distincte ou nation.

Il n'y a plus que des individus francophones ou anglophones, minoritaires ou majoritaires en additionnant les colonnes de chiffres des recensements. La réalité historique de la domination anglo-canadienne disparaît d'un trait de plume. Les Québécois de langue anglaise deviennent une minorité comme les autres au Canada. Ainsi se crée l'aberration d'une symétrie quasi parfaite entre les minorités franco-canadiennes et les Anglo-Québécois. Pire, une mise à jour de la LLO dans les années 80 donne à Ottawa le mandat de promouvoir (avec des tas de $$$) l'épanouissement des minorités françaises et de la minorité anglaise...

Voilà le régime de fous dans lequel le pays évolue depuis un demi-siècle. Et pendant que la langue française connaît un déclin partout, même au Québec, le gouvernement fédéral continue tous les ans à pomper au Québec des dizaines de millions de dollars du budget «langues officielles» pour appuyer la langue anglaise (et seulement la langue anglaise) en territoire québécois. Pendant ce temps, la Loi 101 s'effrite devant les tribunaux fédéraux et des gouvernement québécois ouvertement anglophiles (Charest, Couillard) instaurent l'anglais intensif dans les écoles françaises et surfinancent (comme Ottawa) les institutions d'éducation et de santé anglo-québécoises.

Puis, peu à peu, la réalité nous rattrape. Même les fédéraux commencent à comprendre que le déclin de la langue et de la culture françaises menace les fondements mêmes de leur beau et grand pays bilingue. Les taux d'assimilation deviennent plus qu'alarmants à travers le Canada et même au Québec, les menaces qui pèsent sur la langue de la majorité ne peuvent plus être dissimulées. Dans son ultime rapport, en 2016, l'ancien Commissaire aux langues officielles Graham Fraser avait sonné l'alarme, en rappelant le caractère primordial d'une majorité unilingue française au Québec.

L'élection du gouvernement de la CAQ en 2018, conjuguée au retour des libéraux fédéraux sous Justin Trudeau, a favorisé un nouveau brassage des cartes linguistiques. Quelques mois après l'élection du gouvernement Legault, clairement moins docile que le troupeau Couillard, la ministre fédérale montréalaise Mélanie Joly affirmait lors d'un colloque sur le bilinguisme (à l'Université d'Ottawa) que dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, elle avait l'intention de recommander l'inclusion de mesures pour protéger les droits collectifs des francophones. Elle n'a pas précisé, mais tout le monde a compris qu'elle pensait aussi au Québec, pas seulement aux minorités.

À l'automne 2019, la ministre québécoise Sonia Lebel - abordant elle aussi la modernisation de la LLO - a lancé cette idée de virer sens dessus dessous les pratiques d'un demi-siècle pour considérer les Anglo-Québécois comme une extension en territoire québécois de la majorité anglo-canadienne, et non comme une minorité. Ainsi, seule la langue française serait considérée minoritaire, et ce, partout au Canada, y compris au Québec.

Sans aller aussi loin, le gouvernement Trudeau a tout de même ouvert la porte à une remise en question globale de la LLO lors du discours du Trône de septembre 2020 en déclarant que «le gouvernement a la responsabilité de protéger et de promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec Ayant attisé de vieilles braises, on a voulu calmer le jeu en annonçant, fin novembre 2020, un «Livre blanc» devant servir aux débats sur une nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles.

Et voilà qu'avant même qu'Ottawa annonce officiellement ses couleurs, Québec fonce dans la brèche le 5 février 2021 avec une proposition détaillée en vue de la modernisation de la LLO. Dans le document québécois on peut lire: «L'approche proposée par le Québec prend comme point d'ancrage le fait que des deux langues officielles au Canada, seul le français est vulnérable, et qu'il doit être protégé et promu, tant dans les autres provinces qu'au Québec.» Cela vire sens dessus dessous ls symétrie linguistique qui fonde les politiques de bilinguisme fédérales depuis 1969.

Or, ce 5 février 2021, seul le Journal de Montréal avait assigné un reporter à cette nouvelle. (Le Montréal Gazette aussi, bien sûr, mais seuls les journaux de langue française m'intéressent aux fins de ce texte). L'agence La presse canadienne a diffusé un court texte de six paragraphes, sans citations, sans contexte, sans profondeur, que quelques quotidiens ont repris. Ni Le Devoir ni La Presse, ni les anciens quotidiens de Capitales Médias n'ont commandé de texte maison. Aucune mise en contexte, aucun suivi...

L'indifférence de la presse québécoise de langue française dans ce dossier (autre qu'une chronique fort pertinente de Michel David (bit.ly/3cVsTdP) dans Le Devoir) est incompréhensible. N'a-t-on pas compris que Québec vient de bouger bien plus qu'un pion sur l'échiquier linguistique canadien? Que le lourd bateau du bilinguisme fédéral a entrepris un changement de cap? Qu'un nouveau chapitre des relations entre francophones et anglophones s'amorce? Qu'il s'agit d'un moment historique? De toute évidence, non!

C'est parfois désespérant...

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Annexe

Article 41(1) de la Loi sur les langues officielles (1985, 1988)

 (1) Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. (voir https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/o-3.01/)


Extrait du rapport du Commissaire aux langues officielles (Graham Fraser) - 19 mai 2016

«Le Canada est réellement formé de deux communautés principalement unilingues qui vivent côte à côte. Quelque 90 % des Canadiens anglophones ne parlent pas français et environ 60 % des Canadiens francophones ne parlent pas anglais.» (voir https://www.clo-ocol.gc.ca/fr/publications/rapports-annuels/2015-2016)


Notes consignées à un colloque sur le bilinguisme à l'Université d'Ottawa - 31 janvier 2019

Le ministre fédérale Mélanie Joly a largué une véritable bombe en affirmant que le gouvernement Trudeau avait l'intention de recommander (dans la Loi sur les langues officielles) l'inclusion de mesures portant sur les droits collectifs des francophones. Cela constituerait un changement de cap majeur pour les administrations libérales sous Trudeau père et fils, qui ont toujours refusé d'enchâsser nos droits collectifs (sous forme de société distincte ou autre) dans une loi fédérale, et encore moins dans la Constitution. (voir http://lettresdufront1.blogspot.com/2019/02/)

  • Note marginale :


    Extrait d'un texte du quotidien Le Droit du 23 novembre 2019

    «Pour nous, c’est important de partir de la prémisse que le français est la seule langue minoritaire officielle au Canada», affirme la ministre québécoise responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel, au sujet de la réforme de la Loi sur les langues officielles (LLO). (voir bit.ly/3qrsDqT)


    Extrait du Discours du trône du gouvernement Trudeau, 23 septembre 2020 (voir bit.ly/378Zl8L)

    Protection des deux langues officielles

    Nos deux langues officielles sont indissociables du patrimoine de notre pays.

    La défense des droits des minorités francophones à l’extérieur du Québec et la défense des droits de la minorité anglophone au Québec sont une priorité pour le gouvernement.

    Mais le gouvernement du Canada doit également reconnaître que la situation du français est particulière. Il y a près de 8 millions de francophones au Canada dans un océan de plus de 360 millions d’habitants principalement anglophones. Le gouvernement a donc la responsabilité de protéger et de promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec.

    En ce sens, 51 ans après l’adoption de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement s’engage notamment à renforcer cette loi en tenant compte de la réalité particulière du français.


    Extrait de la position officielle du gouvernement du Québec (Modernisation de la Loi sur les langues officielles) - 5 février 2021 (voir bit.ly/3rPByms)

* À l’échelle canadienne, la langue française est, de fait, la (seule) langue officielle minoritaire. La langue française doit bénéficier de mesures de protection spécifiques afin d’assurer sa pérennité et son développement au Canada, incluant au Québec. Il faut, considérant le contexte dans lequel la langue française évolue, y porter une attention particulière.

* La Loi sur les langues officielles modernisée doit affirmer explicitement que le français est la seule langue officielle minoritaire à l’échelle du Canada. Ce principe permet de reconnaître à la fois la spécificité du Québec et les enjeux linguistiques francophones ailleurs au Canada, légitimant ainsi un traitement différencié de la langue française et de la langue anglaise au Canada.


lundi 15 février 2021

Prix Omer-Héroux 2021. Merci au Rassemblement pour un pays souverain !

Voici mon discours d'acceptation du prix Omer-Héroux 2021 du Rassemblement pour un pays souverain (RPS). Ce prix veut reconnaître un indépendantiste québécois qui a déjà exercé ou qui exerce encore la profession de journaliste ou chroniqueur avec intégrité, talent et professionnalisme. Encore une fois, un grand merci au RPS!

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Permettez-moi d’abord de remercier les membres du Rassemblement pour un pays souverain de m’avoir attribué le prix Omer-Héroux.

 

Issu d’un modeste quartier franco-ontarien, auquel je suis toujours attaché,  j’ai traversé la rivière des Outaouais à 28 ans sans aller plus loin que Gatineau, et toute ma carrière journalistique au Québec s’est déroulée dans cette région frontalière où je suis enraciné. Voilà sans doute pourquoi je reste toujours un peu surpris d’apprendre que mes textes puissent être lus et appréciés ailleurs au Québec.

 

Et croyez-moi, j’en suis profondément reconnaissant. 

 

Après un demi-siècle de journalisme sous toutes ses formes, si j’ai acquis une certitude, c’est qu’un peuple libre et bien informé finira toujours par prendre les bonnes décisions… Ce n’est pas l’effet du hasard si les régimes autoritaires et les dictatures censurent les médias et emprisonnent les journalistes.

 

Même dans des démocraties comme le Canada, la libre circulation de l’information peut parfois constituer une menace pour les détenteurs du pouvoir. La crise d’octobre 1970, que J’ai suivie comme journaliste du début à la fin, offre un exemple saisissant.

 

Entre l’enlèvement du diplomate James Cross par le FLQ, le 5 octobre, et l’imposition des mesures de guerre, onze jours plus tard, les médias ont pu faire leur boulot sans entraves. Il régnait dans nos salles de rédaction une fébrilité rarement vue. L’information abondante permettait aux Québécois de faire la part des choses, au grand déplaisir d’Ottawa, qui craignait toujours un glissement nationaliste de l’opinion.

 

Puis, à 4 heures du matin, le 16 octobre, ce fut la Loi sur les mesures de guerre. Fini les libres débats sur la place publique, fini la liberté de presse des jours précédents. Des gens qui discutaient la veille en toute quiétude des nouvelles de dernière heure et des moyens de régler la crise se sont retrouvés derrière les barreaux, sans mandat, sans recours. Quand, le lendemain, Pierre Laporte a été assassiné, l’opinion publique a achevé de basculer pendant que les médias instauraient un régime d’autocensure.

 

Mon militantisme en faveur d’une presse forte et libre remonte à cette époque. L’édifice était déjà lézardé. En octobre 1971, nous étions 10 000 à goûter aux matraques de la police de Montréal pour avoir voulu défendre avec nos collègues de La Pressel’avenir de leur journal, qu’ils estimaient en péril sous le joug de Power Corporation. Cinquante ans plus tard, j’ai l’impression que les journalistes eux-mêmes sont devenus «une race en péril», pour reprendre les paroles de Claude Gauthier.

 

La concentration de la propriété des médias, conjuguée aux avancées technologiques et l’appétit vorace de profits excessifs, a eu pour effet de réduire le personnel, rapetisser l’espace nouvelles et fragiliser la qualité du produit. Comme syndicaliste, courriériste parlementaire, éditorialiste, chef des nouvelles et même comme rédacteur en chef, j’ai mené pendant des décennies – sans trop de succès - un combat de franc-tireur contre des forces manifestement plus puissantes que moi.

 

Que reste-t-il aujourd’hui de cette salle de rédaction que j’ai connue en 1969, où une quarantaine de journalistes se côtoyaient sept jours sur sept sous la mitraille des machines à écrire ? En 2021, rares sont les journalistes de la presse écrite qui pourraient tenir dans leurs mains un exemplaire tout chaud du produit de leur rédaction, fraîchement tiré des presses. Le toucher, flairer l’odeur du papier journal, se tacher les doigts d’encre, entendre le froissement des pages, regarder l’étalage soigné de cinq, six ou sept nouvelles à la une. 

 

Aujourd’hui, seuls Le Devoir, le Journal de Montréal et le Journal de Québec garnissent les kiosques de nos dépanneurs et épiceries. Les autres journaux y compris La PresseLe Soleil et le mien, Le Droit, n’ont plus d’édition quotidienne imprimée. Leurs œufs sont désormais dans le panier numérique. Les salles de rédaction ont rétréci et devant l’assaut brutal de l’Internet et ses dérivés, un climat de «chacun pour soi» ébranle la traditionnelle solidarité et la combativité de la classe journalistique.

 

Quel lien tout cela peut-il avoir avec le projet inachevé d’indépendance du Québec ? Pour moi, c’est très clair. Choisir la souveraineté constitue une décision informée. Pour bien saisir les enjeux, il faut connaître l’histoire du Québec. Lire les journaux. Écouter les nouvelles. Rester à la fine pointe de l’actualité. J’ai la conviction que nous, les journalistes, sommes les historiens du présent. Or, un grand nombre de nos historiens du présent ont vu leur véhicule traditionnel, l’imprimé, s’effacer en faveur d’un univers numérique fragmenté où se côtoient information sérieuse et escroqueries, et sur lequel ils exercent peu de contrôle..

 

Doit-on y voir l’effet de pénuries de personnel? D’un virage des priorités? Quoiqu’il en soit, nos journaux de langue française proposent trop souvent à leur lectorat une couverture aussi fragmentée que le Web, que les historiens de l’avenir auront peine à rapiécer. Deux exemples de 2020, fort pertinents pour le débat sur l’avenir du Québec. Le rapport de l’Office québécois de la langue française (l’OQLF) sur l’érosion du français langue de travail, l’été dernier, et le récent procès de la Loi 21 sur la laïcité de l’État, en novembre.

 

L’OQLF a rendu public son rapport le 11 août 2020. Aucun des six anciens quotidiens de Gesca / Capitales Médias n’a couvert l’histoire. Les quotidiens imprimés de Montréal ont publié la nouvelle sans lui accorder l’importance qu’elle méritait. Personne n’a assigné de reporters à vérifier sur le terrain les données inquiétantes transmises par l’OQLF.  Les chroniqueurs de Québecor ont animé le débat mais c’étaient des textes d’opinion, pas d’information. Il y a 50 ans, une nouvelle de cette ampleur aurait mobilisé les salles de nouvelles et les équipes éditoriales (qui ont largement disparu).

 

Passons au procès de la Loi 21 en Cour supérieure du Québec. À n’en pas douter, il s’agit d’un affrontement judiciaire de première importance pour l’avenir de la laïcité de l’État et le droit du Québec de suivre, dans sa langue, une voie autre que celle du multiculturalisme pancanadien. La décision du juge Blanchard fera bientôt la manchette… d’un océan à l’autre.

 

Or, à l’exception du Journal de Montréal, aucune direction de l’information n’a affecté de journaliste à la couverture des trois ou quatre semaines d’audiences. Ni La Presse ni Le Devoir n’ont suivi l’ensemble des témoignages et, pour le faible nombre de textes publiés, ont accordé plus d’espace aux adversaires de la Loi 21 qu’à ses défenseurs. Une majorité de journaux n’ont même pas publié les textes diffusés occasionnellement par la Presse canadiennesous la plume de Stéphanie Marin.

 

Le rapport de l’OQLF et le procès de la Loi 21 ne sont que deux pièces d’un gigantesque casse-tête d’information que doivent assembler les Québécois pour prendre collectivement des décisions informées. À chaque fois que nos journalistes - faute d’effectifs ou pire, faute de vision - sont privés d’exercer leur boulot d’historiens du présent, les enjeux s’obscurcissent et le Québec francophone devient un terreau fertile pour toutes les propagandes.

 

Si nous ne parvenons pas enfin à créer ce pays de langue française à notre image, des chercheurs de l’avenir se pencheront sans doute sur ce début du 21esiècle pour établir une chronologie de nos ultimes sursauts linguistiques et nationaux. Ils constateront que le déclin national et le déclin de la presse québécoise ont évolué en parallèle.

 

Les Québécois qui nous ont précédé ont bûché courageusement pendant quatre siècles pour nous offrir une fenêtre historique où, enfin, les prises de décision nous appartiennent.

 

Cette fenêtre se refermera bientôt si nous restons les bras croisés devant la détresse de nos médias de langue française. Sans les plumes libres d’une presse vigoureuse, il n’y aura pas de pays.

 

Heureusement, il n’est pas trop tard. Mais il n’y a plus de temps à perdre.

 

Je vous remercie. Ce petit buste de Louis-Joseph Papineau aura une place d’honneur dans ma bibliothèque.

jeudi 11 février 2021

Pourquoi le projet d'université franco-ontarienne a déraillé...


Les déboires du futur campus universitaire de langue française à Toronto (la soi-disant Université de l'Ontario français) ont fait couler beaucoup d'encre. À peine une vingtaine de finissants du secondaire franco-ontarien ayant fait une demande d'admission pour l'ouverture officielle du campus en septembre 2021, le projet d'université est la cible de nombreuses critiques.

Parmi les médias quotidiens qui auraient pu s'intéresser aux questions de la francophonie ontarienne (principalement Radio-Canada et Le Droit), aucun n'a suivi le dossier de la gestion universitaire francophone de façon complète. Les trous de mémoire sont nombreux au sein des équipes de journalistes.

Aussi ne faut-il pas se surprendre que personne n'ait remarqué une information essentielle publiée ce 9 février dans une lettre ouverte (voir bit.ly/3tN6g1i) des trois promoteurs de l'université franco-ontarienne, le Regroupement étudiant franco-ontarien (REFO), l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO) et la Fédération de la jeunesse-franco-ontarienne (FESFO).

J'ai chez moi à peu près tout ce que j'ai pu conserver dans les médias depuis 2012 sur ce plus récent mouvement en faveur d'une gestion franco-ontarienne de tous les programmes universitaires de langue française (existants et futurs).

Le projet de loi créant «l'Université de l'Ontario français», présenté en novembre 2017 par le gouvernement libéral de Kathleen Wynne, avait réduit les demandes initiales de 2012-2014 à un maigre mini-campus à Toronto... Comme d'habitude, Toronto consentait des miettes aux Franco-Ontariens et pourtant, en dépit de quelques bémols, le REFO, l'AFO et la FESFO ont consenti un appui conditionnel au projet de Queen's Park.

Les partenaires (REFO-AFO-FESFO) ont rappelé dans un communiqué du 20 novembre 2017 que les Franco-Ontariens demandaient depuis plus de 40 ans «la réappropriation de l'ensemble des programmes universitaires de la province», mais que le campus torontois était «un pas dans la bonne direction». Il devenait évident que la bataille était perdue et pourtant, il manquait une pièce au casse-tête.

Il aurait été logique de protester plus fortement et de retenir un appui officiel au campus de Toronto pour garder ouverte la possibilité de négocier un jour l'obtention d'un réseau universitaire complet «par et pour» les francophones (comme celui des Anglo-Québécois). Au lieu d'être obligés de défendre en 2021 au petit campus en difficulté, ils pourraient aujourd'hui rappeler leurs réserves du début...

Après avoir pris connaissance de la lettre ouverte de février 2021, je crois avoir enfin les morceaux manquants du casse-tête de 2017. C'était le petit campus à Toronto ou rien! C'est tout ce qui restait des revendications originales parce que le REFO, l'AFO et la FESFO avaient appris «que les universités bilingues (Ottawa, Laurentienne) n'accepteraient jamais le rapatriement unilatéral des programmes en français vers une entité légale gérée par et pour les francophones».

L'immense majorité des étudiants franco-ontariens inscrits à des programmes universitaires en français fréquentent l'une de ces deux institutions (l'Université d'Ottawa surtout). On sait désormais que ces universités voulaient torpiller le projet d'université franco-ontarienne et qu'elles avaient fait savoir au gouvernement libéral (qui était d'accord avec elles de toute façon) qu'elles ne consentiraient jamais à céder à une entité francophone le contrôle de leurs programmes universitaires en français.

Le projet initial était à toutes fins utiles mort et enterré, à moins d'une mobilisation massive au sein de la collectivité franco-ontarienne, ce qui apparaissait impossible en 2017. Et les Franco-Ontariens ont fini par hériter d'un micro-campus qui ne semble pas intéresser grand monde, et qui par surcroit est implanté dans une région massivement anglophone où les taux d'assimilation des francophones sont faramineux...

On sait maintenant que les universités bilingues ont joué un rôle clé dans le sabotage du projet et que la conséquence, c'est que les étudiants franco-ontariens continueront, pour la quasi totalité, de fréquenter des institutions universités bilingues anglo-dominantes où ils seront toujours minoritaires... Essayez de vendre une salade semblable aux Anglo-Québécois et vous verrez vite une montée aux barricades...


mercredi 10 février 2021

«Tanné d'entendre ces petits séparatisses»...

Avant d'aborder ce texte de blogue, il faut absolument lire le commentaire de Réjean Grenier, éditorialiste / chroniqueur à l'hebdo La voix du Nord (Le voyageur) de Sudbury, Ontario (bit.ly/2MLc3DP). Je crois sincèrement que son point de vue est partagé par un grand nombre de Franco-Ontariens militants. J'ai ressenti moi-même, à l'occasion, cette exaspération, mais aussi le danger de fixer l'arbre qui cache la forêt, de transformer quelques vérités irritantes en généralisations et en amalgames qui déforment la réalité..

J'étais Franco-Ontarien. C'est en oeuvrant au sein d'organisations de l'Ontario français (AJFO, ACFO, APMJOF*) que je suis devenu indépendantiste, dans les années 1960. Comme le vieux patriarche Séraphin Marion et des centaines, voire des milliers d'autres Franco-Ontariens. Je suis aujourd'hui fier Québécois, mais je demeure attaché à mon ancien quartier de l'ouest d'Ottawa, et à la Franco-Ontarie. Et je reste convaincu, envers et contre tous, qu'on peut être à la fois partisan de l'indépendance du Québec et allié des Canadiens français et Acadiens ailleurs au Canada.

Voilà pourquoi je dois répondre à cette chronique de M. Grenier.

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L'éditorialiste/chroniqueur commence en se disant «tanné d'entendre ces petits séparatisses québécois qui prédisent la disparition des Franco-Canadiens». Et qui sont ces gens? «Qu'il me suffise de montrer du doigt la Bombardier (elle méritait au moins de se faire appeler Mme ou Denise), le Bloc québécois et le mouvement Impératif français». Il ajoute que «ces personnes n'hésitent pas à se joindre à des groupes en ligne comme "Fier d'être Franco-Ontarien" pour venir y distiller leurs inepties».

Mon impression, fondée sur plus de 50 ans d'observation, c'est que les Québécois, en général, connaissent peu la réalité quotidienne des minorités acadiennes et canadiennes-françaises. Ce n'est pas surprenant. Au-delà de l'occasionnelle crise linguistique, les grands médias n'en parlent à peu près pas. Mais les francophones hors Québec, s'abreuvant majoritairement (voir les études de Statistique Canada) aux médias de langue anglaise, rarement pro-québécois ou francophiles, sont-ils davantage informés de la réalité québécoise? La question est posée.

J'aurais espéré que M. Grenier offre au moins un exemple d'intervention de ces «petits séparatisses». À la place, il pointe du doigt un individu (Me Bombardier), le Bloc et Impératif français, les accusant d'utiliser des pages Facebook franco-ontariennes pour propager leurs inepties. Je connais suffisamment ces deux organisations pour savoir qu'elles sont bien outillées en matière de recherche, et que leurs prises de position, que l'on soit ou non d'accord avec elles, ne sont pas des sottises. Je connais aussi le groupe «Fier d'être Franco-Ontarien». C'est un groupe Facebook privé de plus de 11 000 membres, bien géré, et je doute que l'administrateur laisse des «petits séparatisses» l'utiliser pour «y distiller leurs inepties».

Revenons sur ces «inepties». En 1995, plus de 60% des francophones du Québec ont voté en faveur de la souveraineté du Québec.  En participant au processus référendaire, toutes les forces fédéralistes (y compris Jean Chrétien), ont reconnu la légitimité de la démarche. Et parmi les partisans du Oui, on trouvait d'anciens (et d'actuels) Franco-Ontariens qui connaissaient la réalité francophone minoritaire, et qui jugeaient préférable de se donner un pays de langue française. Que cela suscite des échanges robustes va de soi, mais les arguments portent mieux sans insultes.

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Le texte poursuit en notant que «ces souverainistes» applaudissent la résilience et le courage des Franco-Ontariens «en nous invitant à Tout le monde en parle pour bafouer le méchant Doug Ford»... Devons-nous comprendre que «ces souverainistes» occupent des postes de direction à Radio-Canada et que ce sont eux qui font le choix des invités à Tout le monde en parle? Et qu'il y a là une intention claire d'inviter des Franco-Ontariens pour montrer à quel point les francophones sont maltraités en Ontario, et ainsi favoriser la cause de l'indépendance? Vraiment?

M. Grenier soulève ensuite un aspect important de la problématique en affirmant «qu'ils (les séparatistes) ne connaissent pas - ou ne veulent pas connaître - le rôle important que joue le Québec dans le déclin du français hors de ses frontières», notamment en s'opposant «aux revendications judiciaires des Canadiens français pour obtenir des écoles». C'est sans doute vrai que l'immense majorité des indépendantistes (et des fédéralistes itou) ne connaissent pas le conflit autour de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. L'intervention du Québec contre les Franco-Yukonnais en 2015 a été souvent citée en exemple et j'ai abordé cette malheureuse stratégie québécoise dans mon blogue (bit.ly/2XKrP1Y).

Mais au-delà du fait que le coup de Jarnac contre les francophones du Yukon ait été perpétré par le gouvernement québécois le plus fédéraliste des dernières décennies, c'est y aller un peu fort de prétendre que les conflits autour de la gestion scolaire aient eu une grande importance dans le déclin du français hors Québec. Les multiples interventions judiciaires depuis 1982 ont plutôt servi les intérêts des francophones, du moins jusqu'à ces dernières années. Le milieu socioéconomique dans lequel vivent les collectivités de langue française en situation minoritaire explique bien plus les déclins qu'une quelconque stratégie judiciaire du gouvernement québécois.

M. Grenier mentionne que «nous sommes plus de 40 000 à parler français» à Sudbury. S'il avait voulu, il aurait même pu dire au-delà de 60 000 en comptant les anglophones bilingues. Mais il occulte d'autres chiffres du recensement qui viennent pondérer son affirmation, et qui vont au coeur du débat sur le déclin du français hors Québec (et de plus en plus au Québec même). Selon le recensement fédéral de 2016 près de 50% des 42 000 francophones du Grand Sudbury parlent le plus souvent l'anglais à la maison. Voilà un critère de mesure linguistique qu'évitent, à tort, les organismes de la francophonie minoritaire.

Pour ce qui est de la présence unilingue anglaise de plusieurs bannières commerciales québécoises en sol ontarien, le chroniqueur du Voyageur a bien raison. Si nous n'avions pas la Loi 101 au Québec, nous verrions sans doute apparaître des bannières et un affichage unilingues anglais dans des régions comme Montréal et l'Outaouais. Et je suis d'accord pour semoncer ces pratiques, mais quel exemple donnent de nombreux commerçants franco-ontariens qui, eux aussi, s'affichent en anglais, et ce, même dans des régions où les francophones constituent une présence substantielle? 

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Au suivant. L'éditorialiste/chroniqueur affirme que «ces indépendantistes se fichent complètement de nous. Ils se servent de nous pour mousser leur idéal auprès du peu de Québécois qui partagent encore leur politique chimérique». Sans doute y a-t-il des gens assez cyniques pour agir ainsi, mais pour les indépendantistes que je connais, ma perception, c'est que la plupart voient la situation des francophones minoritaires comme une tragédie irréparable, et croient fermement que le même sort guette le Québec français si l'on ne crée pas un pays capable de protéger et promouvoir la langue française. Mais cela est loin d'être le coeur de l'argumentaire indépendantiste.

Quant à savoir si l'indépendance est une chimère à laquelle «peu de Québécois» souscrivent, un sondage réalisé en 2020 à l'occasion du 25e anniversaire du référendum de 1996 a démontré que le «oui» recevrait encore 36% des votes. Pondéré en fonction des proportions linguistiques, cela signifie environ 45% des francophones... Ce n'est pas la majorité, mais ce n'est pas «très peu»...

M. Grenier conclut ce premier de deux textes en avertissant les indépendantistes de ne plus poursuivre leur idéal «en vous servant de nous». Il y a ici un problème. Ce «nous» (les minorités acadiennes et canadiennes-française) compte parmi les éléments importants du débat sur l'unité canadienne. Les francophones hors Québec ont abondamment invoqué leur présence, leur existence partout au pays, pour s'opposer au projet de souveraineté québécoise. Si on met ce «nous» sur la table des débats, il faut s'attendre d'être scruté à la loupe par ceux que l'on conteste. Ainsi le déclin du français partout au pays, et peut-être surtout à Montréal ces jours-ci, continuera de faire partie du coffre d'outils des souverainistes et des fédéralistes.

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On s'en reparlera.

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* ACFO (Association canadienne-française de l'Ontario), AJFO (Association de la jeunesse franco-ontarienne), APMJOF (Assemblée provinciale des mouvements de jeunes de l'Ontario français)