mercredi 30 juin 2021

La Saint-Jean-Baptiste des Franco-Ontariens?

À tous les ans, notre quotidien régional, Le Droit, publie deux cahiers spéciaux à la seconde moitié de juin - un pour la Saint-Jean, l'autre pour la Fête du Canada. Cette année, en l'absence de rassemblements, les festivités reléguées aux écrans, les cahiers sont minces. Mais ils sont aussi révélateurs de la situation rocambolesque dans laquelle se trouve un quotidien à cheval sur les deux rives de l'Outaouais.

À tout seigneur tout honneur, commençons par la fête nationale du Québec et des Canadiens français non acadiens. À l'affut des marchés québécois et ontarien, Le Droit a prudemment donné à son cahier spécial de six pages tabloïd l'appellation suivante: «La fête nationale du Québec et la Saint-Jean-Baptiste des Franco-Ontariens». 

Titre audacieux quand l'on considère qu'il ne se passe pas grand chose chez les francophones d'Ottawa et de l'Est ontarien, où rien n'indique que le 24 juin soit autre chose qu'un jeudi ordinaire. Même pas d'activité virtuelle. En Ontario, le 25 septembre (Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes) est devenu la fête patriotique dominante et l'ancienne St-Jean-Baptiste ne semble plus intéresser grand monde...

Comme il s'agit d'un cahier promotionnel, les textes ne sont pas rédigés par des journalistes de la salle des nouvelles et les pubs occupent en général la moitié ou plus de l'espace des pages disponibles. Encore là, la «Saint-Jean-Baptiste des Franco-Ontariens» est invisible. On y voit les voeux de circonstance des trois députés caquistes de l'Outaouais, des deux députés libéraux à l'Assemblée nationale et des quatre députés libéraux fédéraux de l'Outaouais, ainsi qu'une annonce pleine page de l'activité «Hôte St-Jean» d'impératif français.

Les députés provinciaux et fédéraux d'Ottawa et de l'Est ontarien? Absents. La ville d'Ottawa? Les grandes organisations franco-ontariennes? Nulle part. Remarquez que la ville de Gatineau et le gouvernement québécois brillent aussi par leur absence publicitaire dans ce cahier de la fête nationale... C'est un peu scandaleux.

Petit à-côté intéressant : les messages des députés... Pour les caquistes - Robert Bussière (Gatineau), Mathieu Lacombe (Papineau) et Mathieu Lévesque (Chapleau) - c'est «Bonne Fête nationale du Québec à tous!» Pour les libéraux «provinciaux» - Maryse Gaudreault (Hull) et André Fortin (Pontiac), c'est «Bonne Saint-Jean-Baptiste!» Se croient-ils en Ontario? Enfin, les quatre fédéraux - William Amos (Pontiac), Greg Fergus (Hull-Aylmer, Steve MacKinnon (Gatineau), Stéphane Lauzon (Argenteuil-La Petite Nation) - s'en tiennent à «Bonne St-Jean!»

Le «cahier» - si on peut l'appeler ainsi - de la Fête du Canada n'a que quatre pages tabloïd, ne contient que deux textes et trois annonces publicitaires - toutes d'élus québécois et fédéraux. Le trio caquiste a la sienne, les deux PLQ la leur dans une page différente, mais cette fois Robert Bussière, Mathieu Lacombe, Mathieu Lévesque, Maryse Gaudreault et André Fortin s'entendent sur le libellé du message: «Bonne fête du Canada!»

La seule autre pub, d'une demi-page, met en vitrine tous «vos députés libéraux (fédéraux) de la région de la capitale nationale», québécois et ontariens regroupés, ainsi que le premier ministre Justin Trudeau. Pour ne froisser personne, le gouvernement canadien les présente en ordre alphabétique... Encore une fois, la présence ontarienne dans ce cahier est nulle ou négligeable, alors que contrairement à la St-Jean, la Fête du Canada est suivie avec enthousiasme dans la capitale et ses banlieues. De fait, sans la présence publicitaire des cinq députés de l'Outaouais à l'Assemblée nationale du Québec, il n'y aurait pas eu assez de pubs pour justifier un cahier spécial de la Fête du Canada dans Le Droit...

De toute évidence, les efforts du quotidien pour maintenir ou renforcer sa présence ontarienne - y compris la création d'un laboratoire de journalisme au collège La Cité et la mise en ligne de ledroitfranco.com - n'ont pas freiné la glissade du journal au sein de la collectivité franco-ontarienne, majoritairement branchée aux médias de langue anglaise. La disparition de l'édition imprimée, le 24 mars 2020, a rendu Le Droit encore plus invisible dans les résidences, les lieux publics (sur les deux rives), et les milieux institutionnels.

Les cahiers de la St-Jean et de la fête du Canada en témoignent.



lundi 28 juin 2021

Une ultime St-Jean d'autrefois?

La St-Jean 1976... Yvon, Jean-Pierre, Gilles, Robert... (photo de SSJBM)

Je dois avouer avoir bien apprécié le grand spectacle télévisé de la fête nationale du Québec (voir bit.ly/3x70N6y). C'est sans doute ainsi que la Saint-Jean sera fêtée désormais, les nouvelles «diversités» ayant rendu suspect notre «nous» plus traditionnel. Les festivités qu'on a jadis connues risquent d'être de plus en plus reléguées aux tablettes des musées...

Tragiquement, l'âme nationale qu'on a mis 400 ans à tisser et métisser vacille. Notre contribution à la diversité culturelle mondiale, si unique, si essentielle, s'efface lentement de la mémoire collective. Il est désespérant de voir tant de jeunes Québécois coupés du souvenir de l'histoire qui a marqué le vécu des générations précédentes.

Est-il trop tard pour un dernier coup de coeur? Sans renier le caractère opportun des spectacles interculturels québécois, ne pourrait-on pas - une dernière fois? le 24 juin 2022? - réunir sur une même scène les têtes d'affiche toujours disponibles de ces grands rassemblements libérateurs de la Saint-Jean qui ont fait frémir des millions de Québécois de la fin des années 60 aux années 90?

Imaginez un spectacle de la fête nationale avec Gilles Vigneault, le doyen de nos chansonniers à 92 ans, accompagné de Claude Gauthier, Jean-Pierre Ferland, Yvon Deschamps, Robert Charlebois, Louise Forestier, Ginette Reno, Diane Dufresne, Claude Dubois, Michel Rivard, Marie-Michèle Desrosiers, Paul Piché, Richard Séguin et bien d'autres... avec quelques vedettes des années 2000... 

Le Québec a assurément les moyens techniques, et une abondance de musiciens pour transformer ces prestations en événement mémorable, à conserver et à rejouer pour faire entendre aux générations actuelles et futures l'écho des racines et du tronc de toutes ces branches sur lesquelles elles sont aujourd'hui perchées.

J'aurai bientôt 75 ans, et je suis conscient de la fragilité de la vie. Nous perdons des artistes tous les ans. Raymond Lévesque, il y a quelques mois. Nos grands compositeurs et interprètes de la chanson québécoise constituent un trésor national qu'il faut sans cesse mettre en vitrine. Pendant combien d'années pourra-t-on encore entendre Gens de mon pays ou Le plus beau voyage par ceux qui les ont créées?

S'il faut présenter aux Québécois une ultime et grandiose Saint-Jean d'autrefois, c'est bientôt ou jamais. Le résultat serait spectaculaire! Et s'il reste toujours quelques braises, on ne sait jamais...



dimanche 27 juin 2021

L'univers dans une flaque d'eau...

                            L'univers dans une flaque d'eau...

Ici, à Gatineau, les sourires accueillent le retour des pluies après la sécheresse de mai où un maigre 13 mm de pluie (un record) a légué aux gazons la teinte jaunissante des canicules estivales.

Des gens sortent sur le perron pour entendre le crépitement des gouttes sur les maisons, dans la rue, l'occasionnel coup de tonnerre...

Au retour du soleil, l'ampleur des flaques d'eau témoigne de l'intensité des averses. Quand ça tombe dru, les «trous d'eau» débordent, se connectent de bord en bord de la chaussée et transforment l'asphalte en mares et ruisseaux qui alimentent l'égout pluvial.

Devant la fenêtre, du «haut» de mes 74 ans, je ne peux que sourire en voyant ces ondées, qui me rappellent les années d'enfance quand, à six, sept ou huit ans, ces flaques d'eau de pluie comptaient parmi nos terrains de jeux préférés.

À la première éclaircie, les enfants (et il y en avait beaucoup dans les années 1950) sortaient des maisons et se retrouvaient dans la rue, souvent avec de petits bateaux en plastique ou des radeaux fabriqués à l'aide de bâtons de popsicle ou de morceaux de bois. L'important, c'était que ça flotte...

Je ne sais trop ce qui nous attirait tant aux «trous d'eau» après les pluies. Ils éveillaient sans doute notre imaginaire. Nous étions marins d'eau douce, pilotant nos embarcations sur quelques centimètres d'eau devenus pour nous des lacs profonds et des rivières qui, au lieu de couler vers la mer, finissaient dans un vulgaire égout.

Je revois encore, dans ces mares d'eau, le reflet du soleil perçant les nuages, nos flottilles poussées par le vent et le courant, des amis dans leurs bottes d'eau suivant les radeaux et bateaux le long du trottoir, jusqu'à ce qu'ils s'immobilisent. Et on recommençait sans jamais s'ennuyer. Chaque périple était unique...

Combien de projets avons-nous imaginé en voyant nos rafiots prendre le large après une ondée? Combien de souvenirs et d'amitiés ont-ils été forgés autour des flaques d'eau dans ma rue? Combien de fois avons-nous mouillé nos vêtements en s'éclaboussant, au désespoir de nos mères? Combien de pays lointains ai-je visité, les yeux rivés sur mes bâtons de popsicle flottants?

Je regarde les magnifiques «trous d'eau» devant ma maison, en cette fin de juin 2021, et aucun enfant n'y joue. Il n'y a pas de bateaux, pas de radeaux, pas de rires, pas de cris... Nous voyons de moins en moins d'enfants, et ceux et celles qui restent ne jouent pas sans surveillance dans les flaques d'eau... Du moins pas dans mon quartier...

Les jeunes de six, sept ou huit ans se retrouvent trop souvent devant un écran, petit, moyen, grand, omniprésent. On voit parfois des groupes d'enfants rassemblés qui pitonnent sur leur téléphone ou leur tablette au lieu de se parler... ou de jouer dehors après la pluie. De quels souvenirs d'enfance leur mémoire sera-t-elle meublée, quand ils auront 74 ans?

L'autre jour, je me promenais et les enfants d'une garderie marchaient dans la rue, bien ficelés entre eux, avec leur gardienne. De petits enfants, deux ou trois ans au plus. Et ils sont passés près d'une flaque d'eau. C'était comme un aimant. Les plus proches n'ont pu résister. Il fallait mettre les pieds dedans, éclabousser. Il y a de l'espoir.

Si je pouvais être sûr de ne pas être vu, je serais tenté de m'acheter un petit bateau et de le larguer en pleine ondée sur ma rue ruisselante de pluie. Mais à force de me pencher pour le déposer et le cueillir, j'aurais trop mal au dos le lendemain. Finalement, c'est un sport pour enfants...


samedi 26 juin 2021

Gatineau s'anglicise? Surtout n'en parlez pas...


Arrivant à Gatineau, sur le pont du Portage

Dans une cinquantaine d'années, quand un centre-ville de Gatineau largement unilingue anglais, au mieux bilingual, sonnera le glas du français dans la quatrième ville du Québec, il sera bien trop tard pour poser les questions qui auraient pu faire la différence au moment opportun.

Et pourtant, aujourd'hui, en 2021, tout le monde qui se donne la peine d'ouvrir les yeux sait pertinemment que l'anglicisation s'accélère depuis l'époque, il y a 50 ans, où le gouvernement fédéral a exproprié une tranche du vieux Hull francophone pour y ériger ses tours où l'on travaille et l'on communique surtout en anglais.

Les constructeurs d'habitation gatinois font aussi leur part. Ils salivent à l'idée d'attirer les Ontariens, majoritairement anglophones (mais faut surtout pas le dire), désormais séduits par les avantages financiers de traverser la rivière des Outaouais. Une économie de centaines de milliers de dollars à l'achat d'une maison, des garderies pas cher, des écoles et des services mur à mur en anglais.

Les plus récentes données de la Chambre immobilière de l'Outaouais, rendues publiques par le quotidien Le Droit, révèlent qu'au cours de la dernière année, de 28 à 34% des transactions immobilières à Gatineau ont été faites par des Ontariens (voir bit.ly/3vZIVZZ). Avant, c'était entre 4 et 6%... Pour la plupart de ces gens, c'est comme changer de quartier. Québec? Ontario? Au quotidien, pour eux, il n'y aura pas grand différence.

Ils pourront continuer à vivre en anglais, ils s'adresseront dans leur langue à la municipalité, dans les hôpitaux, dans les commerces, ils parleront anglais à leurs voisins francophones, pour la plupart bilingues. Certains conserveront même leurs plaques d'immatriculation ontariennes, comme s'ils vivaient toujours de l'autre côté des ponts... comme s'ils étaient dans la même ville, la même région.

Le pire, c'est qu'ils ont presque raison. Quand, à la mi-juin, le Québec et l'Ontario ont annoncé la réouverture de la frontière entre Ottawa et Gatineau après des mois de fermeture covidienne, la députée de Hull à l'Assemblée nationale a lancé un cri de soulagement devant ce qui apparaissait à plusieurs comme une injure à l'unité ottavienne-gatinoise... «J'espère qu'on n'entendra plus parler de ce clivage de notre région, a déclaré Maryse Gaudreault, presque indignée. Ottawa et Gatineau, c'est une seule grande région.» Ne nous séparez pas!

Pendant que les politiciens et dirigeants franco-ontariens d'Ottawa crient sur tous les toits pour défendre la langue et la culture française dans leur ville trop souvent francophobe, le silence est assourdissant dans les milieux politiques et institutionnels à Gatineau. Le sujet de la langue paraît même tabou. Soutenir la Loi 101 et un Québec français à Gatineau éveille la méfiance dans une région où soutenir la Loi 101 et un Québec français est associé aux indépendantistes, depuis toujours condamnés à une relative marginalité.

Non seulement la députée libérale de Hull ne défend-elle pas les droits de ses concitoyens francophones sur la place publique, elle ne comprend pas pourquoi les parents de langue française ne pourraient pas inscrire leurs enfants dans les écoles anglaises... Quand McGill a voulu imposer des cours en anglais dans sa nouvelle faculté de médecine à Gatineau, elle avait une réponse fort simple pour ceux qui ont exprimé des réserves: «c'est ça ou rien» (voir bit.ly/2Uwkfez). Et elle acceptait volontiers «ça»...

La ville de Gatineau n'a guère fait mieux. Pour pouvoir inclure l'anglais comme exigence pour un poste de fonctionnaire qui n'en avait pas vraiment besoin, nos élus sont allés devant les tribunaux et ont réussi à faire tomber un pan entier de la Loi 101 (bit.ly/3gYOiV7). Difficile de croire qu'ils vont changer leur fusil d'épaule pour protéger ailleurs le caractère français de la métropole de l'Outaouais. De fait ils n'en parlent à peu près jamais. Faut pas discuter de ces choses. On pourrait passer pour un xénophobe ou pire, un raciste. 

Alors l'anglicisation se poursuit. Avec le nouveau projet Zibi, un quartier intégré (le premier du genre) qui s'étend des deux côtés de la rivière à la hauteur des Chutes Chaudière, on crée de toutes pièces un territoire ontarien-québécois d'au moins 5000 ou 6000 résidents où j'ai peine à croire que la majorité soit ou demeure francophone, même dans les résidences érigées sur la rive gatinoise. Mais personne n'évoque cette question. On laisse faire en y pensant le moins possible et on se contentera de constater les dégâts culturels et linguistiques dans une dizaine ou une vingtaine d'années.

Pour le moment, traditionnelle bonne entente exige, chut!



mardi 22 juin 2021

Arpenteurs-géomètres: méfiez-vous...



Saviez-vous qu'un arpenteur-géomètre, ou un technicien à son emploi, peut circuler sur votre terrain sans demander la permission, peut y creuser des trous sans votre permission, sans s'identifier, sans révéler pour quel motif et pour quelle(s) personne(s) il viole votre propriété?

Comme j'ai pu le constater, le citoyen québécois est littéralement impuissant face à une loi (la Loi sur les arpenteurs-géomètres) qui n'a aucun bon sens et l'ordre professionnel des arpenteurs-géomètres, qui semble avoir oublié sa tâche première de protéger le public...

Cette semaine, deux techniciens se disant employés d'un arpenteur-géomètre ont commencé à déambuler avec leur équipement sur les terrains de ma rue. Non seulement voulaient-ils se rendre dans ma cour arrière, mais ils voulaient creuser au moins un trou dans mon gazon flambant neuf (qui m'a coûté cher) pour trouver un quelconque repère.

J'ai accepté de les laisser circuler sur le terrain (je n'aurais pas dû) mais j'ai refusé de les laisser planter leur pelle dans ma pelouse. Ne portant aucune identification et refusant de donner leurs noms ainsi que celui de l'arpenteur-géomètre qui les employait, ils m'ont répondu que je n'avais pas le droit d'entraver l'exécution de leur mandat.

Les deux aides-arpenteurs ont quitté ma propriété pour se rendre chez le voisin où la discussion a repris de plus belle. Ce dernier a réussi à leur soutirer le nom de l'arpenteur-géomètre, qu'il a aussitôt appelé au téléphone, laissant un message. Ils ont cependant refusé net de nous révéler qui avait commandé ces travaux à cet arpenteur-géomètre, tel renseignement relevant apparemment du secret professionnel...

Ils ont dû rebrousser chemin sans avoir complété leur travail, en promettant cependant de revenir puisqu'ils se disaient dans leur droit. Entre-temps, j'ai vérifié avec la ville de Gatineau qui m'a informé que ces gens n'avaient pas le droit d'envahir ma propriété sans ma permission et d'appeler la police s'ils insistaient. Avec un tel conseil, je les attendrais de pied ferme à leur retour...

Le lendemain, les voilà revenus, en train de poursuivre leur inventaire de notre rue. La veille, ils avaient même poursuivi leurs démarches sur la rue voisine. Combien de terrains avaient-ils le mandat de mesurer? Cinq? Dix? Vingt? Et surtout, pourquoi? A-t-on besoin d'arpenter une dizaine ou une vingtaine de terrains pour réaliser un seul certificat de localisation? Le voisinage commençait à devenir méfiant...

Du même coup, l'arpenteur-géomètre a lui-même téléphoné pour réitérer son droit d'exécuter ces travaux sans notre consentement et que son ordre professionnel s'en portait garant. Nouveau refus de dire à quoi et pour qui serviront les arpentages...

Pour en avoir le coeur net, je loge un appel à l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, auquel tous les arpenteurs-géomètres doivent adhérer et dont le mandat est de protéger le public. C'est là que j'obtiens l'heure juste et que je découvre que la situation est encore pire que je ne le pensais...

Le porte-parole de l'ordre professionnel me renvoie d'abord à l'article 48 de la Loi sur les arpenteurs-géomètres du Québec, qui se lit comme suit:

Puis il y a le menaçant article 47:

Si je comprends bien, n'importe quel citoyen qui tente d'interdire l'accès à son terrain à un inconnu sans identification oeuvrant pour un arpenteur-géomètre anonyme au service d'un autre inconnu risque une amende d'au moins 2 500 $... C'est ce que dit l'article 188 du Code des professions... De la folie furieuse...

Et c'est là que l'ordre professionnel semble particulièrement négligent, notamment au regard de l'article 49:

La loi qui rend le citoyen impuissant face à l'arpenteur-géomètre permet aussi au conseil d'administration de l'ordre professionnel (l'organe de protection du citoyen) d'édicter des normes de pratique pour encadrer l'exercice des pouvoirs.

Voici, au-delà des recommandations actuelles de civisme, quelques normes que je proposerais et qui pourraient servir au citoyen confronté à des inconnus au service d'inconnu(s) au service d'autres inconnus qui veulent envahir sa propriété:

1. Les techniciens ou aides de l'arpenteur-géomètre devraient porter une identification bien visible, avec leur nom, leur fonction et le nom de l'arpenteur-géomètre qui les emploie.

2. Ces techniciens ou aides devraient aussi présenter au citoyen un document expliquant la nature du mandat à exécuter et ce à quoi l'arpentage va servir.

3. Les normes de pratique devraient permettre à un citoyen insatisfait des explications, ou du manque d'explications, de refuser l'accès au terrain et de faire appel à une instance régionale de l'ordre professionnel.

4. Enfin, j'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi le nom de la personne qui commande l'arpentage doit rester secret, surtout si sa demande oblige de piétiner toutes les propriétés de la rue ou du quartier.

L'État québécois devrait s'en mêler et assurer sans délai aux citoyens une véritable protection contre les pratiques d'inconnus agissant sous le parapluie d'ordres professionnels vétustes...


mardi 15 juin 2021

Le droit de travailler en français, le devoir de travailler en anglais...

Image de Radio-Canada

Si le jargon fédéral juridique et bureaucratique des «langues officielles» n'a pas pour but de dissimuler les véritables enjeux, alors qu'on explique pourquoi on persiste à utiliser ce langage incompréhensible. Pour que la réalité très canadienne qui se cache derrière ne soit jamais mise à jour?

Quoiqu'il en soit, c'est la semaine parfaite pour en parler. La Cour d'appel fédérale entend ce mercredi 16 juin 2021 la cause du fonctionnaire fédéral montréalais André Dionne, qui a décidé de porter devant les tribunaux son droit de travailler en français, qu'il estime à juste titre bafoué.

En 2019, le juge Peter Annis de la Cour fédérale avait débouté M. Dionne, qui se voyait obligé de communiquer en anglais avec des collègues anglophones de Toronto, une région qui n'est pas désignée «bilingue». Pourtant, en vertu de la Loi sur les langues officielles (LLO), André Dionne a le droit, en zone bilingue, de travailler dans la «langue officielle» de son choix. En français s'il le veut...

Ce jugement de première instance définit avec une précision chirurgicale le noeud du problème linguistique dans la fonction publique fédérale. Ce que le juge Annis dit, dans le jargon habituel, est à la fois simple et insidieux: «les employés bilingues dans les régions bilingues sont tenus de communiquer dans la langue de leurs collègues unilingues situés dans les régions unilingues».

Cette conclusion vise essentiellement les francophones bilingues (donc la majorité des francophones) travaillant dans des régions bilingues (voir liste à bit.ly/3gky34k). Ceux-ci sont tenus de communiquer en anglais avec les fonctionnaires unilingues anglais des régions unilingues anglaises. Or ces régions unilingues anglaises couvrent l'ensemble du Canada hors-Québec, à l'exception du Nouveau-Brunswick et de secteurs de l'Est et du Nord ontarien.

L'inverse, vous vous en doutez, est inimaginable. Un fonctionnaire anglophone bilingue de Vancouver ou Halifax obligé de communiquer en français avec des collègues ou des supérieurs unilingues français dans la ville de Québec, à Rimouski ou Saguenay? Comme disaient les vieux autrefois, ça doit être aussi rare que de «la marde de pape»... 

Ainsi le juge Annis a confirmé que rien n'a pas changé depuis les années 1960, l'époque où le bilinguisme fédéral est devenu prioritaire:

Les francophones, pour la plupart déjà bilingues, devront continuer de lutter pour le droit de travailler dans leur langue.

La majorité des anglophones, pour la plupart unilingues, pourront continuer de faire carrière au fédéral en restant unilingues. Ils pourront continuer d'évoluer au sein de l'appareil fédéral sans avoir à apprendre le français...

La règle demeurera la même... Les francophones auront le droit de travailler en français, mais le devoir de travailler, régulièrement ou à l'occasion, en anglais! Parce que la réalité, dans cette fonction publique fédérale, c'est que les unilingues sont en quasi-totalité anglophones. Ça n'a pas changé et ça ne changera pas.

La LLO affirme le droit de travailler en français. La réalité quotidienne, ainsi que l'a constaté André Dionne, annule ce droit. Et la Cour fédérale a endossé la réalité d'une fonction publique fédérale massivement unilingue anglaise. Au tour de la Cour fédérale d'appel...


samedi 12 juin 2021

Le hockey, plus cher en français...



Je ne suis plus un partisan du Canadien, ni même du hockey... J'ai tourné le dos à mon ancienne équipe et à ce sport en général (sauf pour certains matches des séries éliminatoires) quand le CH a mis Guy Lafleur à la porte en 1984... Je n'ai pas pardonné...

Mais je fais sans doute partie de la minorité, à voir le crescendo d'enthousiasme qui accompagne chaque victoire montréalaise depuis la série contre les pauvres puissants Maple Leafs... J'oserai donc protester contre l'injustice subie par l'ensemble des partisans francophones du Canadien, qui doivent payer plus cher pour voir les matches des séries que les anglophones, en plus de verser des sous de leurs impôts pour assurer la gratuité du spectacle aux Anglo-Canadiens!

De quoi je parle, vous demanderez-vous? C'est pourtant simple. D'un océan à l'autre, les matches des séries (pas seulement ceux des équipes canadiennes) sont diffusées sur les ondes de la CBC dans le cadre de l'émission Hockey Night in Canada. Les auditoires anglos de Montréal, Toronto, Calgary et Moose Jaw n'ont même pas besoin de s'abonner au câble, puisque CBC (ainsi que Radio-Canada) diffuse toujours des signaux que n'importe quel téléviseur peut capter directement...

Et pour ceux (l'immense majorité) qui utilisent les services de Vidéotron au Québec, la chaîne CBC fait partie du forfait de base. Pas besoin d'aller chercher des forfaits spécialisés ou des chaînes payantes additionnelles pour visionner les éliminatoires du sport national (tant au Québec qu'au Canada). Les téléspectateurs peuvent aussi syntoniser TSN ou le diffuseur américain s'ils le veulent, mais c'est optionnel.

Et maintenant qu'en est-il de l'accessibilité des séries pour nous, les bozos francophones de Gatineau, Montréal, Gaspé ou Chibougamau? Peut-on suivre nos matches sans frais sur les ondes de Radio-Canada, directement sans câble ou à peu de frais dans le cadre du forfait de base de Vidéotron? Non! Il faut payer plus cher que le forfait de base (10$ par mois$ 20$ par mois? Je ne sais pas) pour avoir accès à TVA Sports.

Nos impôts donnent l'accès à tous ces matches - y compris bien sûr ceux des Canadiens - à tous les auditeurs qui acceptent de suivre les séries éliminatoires en anglais. Mais pas un sou de nos impôts ne sert à nous donner ce même accès en français. Oui, je sais. La chaîne TVA a gagné l'encan hockey. Mais le résultat, c'est une injustice flagrante pour l'ensemble des francophones.

Ces jours-ci, j'avoue regarder des bouts de période pour certains matches plus décisifs. Mais non, je ne verserai pas un sou de plus pour m'abonner à TVA Sports. C'est déjà assez cher. De toute façon, puisque je paie pour la diffusion en anglais avec mes impôts...

Je ne comprends vraiment pas que le monde accepte tout ça sans rechigner...



lundi 7 juin 2021

La frontière est une passoire...

Je suis en beau tab...arnouche...

Le premier ministre de la province voisine, Doug Ford, dont le regard ressemble ces jours-ci à celui d'un chevreuil aveuglé par un 18-roues, vient de devancer la première étape de son plan de déconfinement...

À chaque annonce, soit du Québec, soit de l'Ontario, je guette un élément en particulier: la frontière entre Gatineau et Ottawa, fermée maintenant depuis un bon bout de temps.

Pourquoi? Parce que j'ai deux filles, deux gendres, quatre petits-enfants, sans oublier ma mère qui aura 97 ans le mois prochain, et une soeur qui demeurent aux quatre coins d'Ottawa, sur l'autre rive de l'Outaouais.

Depuis mars 2020, je les a à peine vus et je m'ennuie d'eux. Depuis quelques semaines, Québec a ouvert les déplacements entre les régions. Je peux maintenant aller visiter ma fille montréalaise et sa famille, je pourrais même rouler 1446 km jusqu'à Natashquan pour saluer des étrangers. Mais 25 ou 30 km en traversant un pont? Non!

Je peux comprendre la nécessité de fermer la frontière quand il le faut. Et il le fallait. Mais la situation actuelle de la COVID à Ottawa n'est pas très différente de celle à Gatineau, à Montréal, ou dans la Vieille capitale. Et pourtant, là n'est pas le coeur du problème...

Ce qui me met en cibouleau, c'est que la fermeture de la frontière est considérée par des milliers de personnes, des deux côtés de la rivière, comme une simple suggestion qu'on est libre ou pas de suivre...

Alors d'un bord, y'a les niaiseux comme moi, qui obéissent aux règles en bon citoyen, et ceux qui - peu importe les directives - traverseront à Gatineau pour aller acheter leurs immenses caisses de bière pas cher au Costco de Gatineau... ou pour d'autres raisons tout aussi «essentielles».

Je voudrais bien trouver un exemple de Gatinois se rendant à Ottawa pour des motifs «peu essentiels» mais je n'en trouve pas. Dans la capitale fédérale, à part les épiceries et les pharmacies, tout est pas mal fermé, alors qu'à Gatineau tout est plus ou moins ouvert... Ça va changer en Ontario à compter de vendredi, 10 juin.

Je suis peut-être innocent, mais depuis le début de la pandémie, je fais confiance aux gouvernements et à la santé publique. J'ai la conviction qu'ils ont à coeur le bien-être des citoyens et que respecter les directives aide à sauver des vies.

Alors qu'en est-il de tous ces égoïstes, et il y en a sur les deux rives, pour qui la solidarité en temps de crise est un concept incompréhensible? N'allez surtout pas leur rappeler leur devoir de citoyen. Ils vous diront plus ou moins poliment de vous mêler de vos affaires, vous brandiront un doigt d'honneur ou pire, vous engueuleront.

Je dois croire que c'est à cause de gens comme eux si les vagues de COVID se sont propagées plus vite, entraînant vers les hôpitaux surchargés - et au cimetière - des milliers de coupables et de victimes. Les plus irresponsables ont accéléré les courbes ascendantes, et ralentissent aujourd'hui le retour à la normale.

J'ai maintenant reçu mes deux vaccins, et encore j'adhère aux mesures de prudence. Je me prive de voir mes proches parce que mon devoir de citoyen l'exige. Je ne traverse pas à Ottawa. Alors quand je vois quantité de plaques ontariennes devant nos magasins à Gatineau, je suis outré. S'ils étaient venus revoir les parents, les enfants qu'ils n'ont pas vus depuis l'an dernier, je comprendrais. Je fermerais l'oeil. Mais ils ne sont là que pour magasiner...

Si la situation était inversée et que j'étais Ontarien, je m'insurgerais contre des Québécois irrespectueux qui traverseraient la frontière sans égard pour la santé de leurs concitoyens...

La morale de cette histoire? Ouvrez la frontière officiellement, MM. Ford et Legault. Parce qu'elle est déjà ouverte, et que personne ne la surveille vraiment. La situation actuelle, vu le recul de la pandémie, ne fait souffrir que les bons citoyens... Les autres s'en moquent...





samedi 5 juin 2021

Les Québécois, colonisateurs et oppresseurs?



Il y en a qui voudraient assimiler les Québécois, sans procès, aux colonisateurs racistes qui ont enterré sans les identifier 215 petits résidents d'un pensionnat autochtone en Colombie-Britannique. Il y en a d'autres qui voudraient, sans procès, nous laver de tout soupçon. Les deux positions me rendent mal à l'aise mais, je dois l'avouer, surtout la première.

Cependant, le titre du Devoir en page une, ce 4 juin 2021, m'a fait littéralement bondir. Un véritable commentaire éditorial, non attribué, contraire à toutes les règles journalistiques que j'ai apprises au cours des 50 dernières années. Le titre se lisait comme suit dans l'édition papier (voir image ci-haut): «Défaut de mémoire collective. Pourquoi les Québécois refusent-ils de se voir en colonisateurs et oppresseurs des Autochtones?» Le titre de la manchette dans l'édition numérique est pire encore: «Le mythe du bon Québec»...

C'est essentiellement le même genre de réaction que de vouloir coller aux Québécois l'étiquette de «racisme systémique» envers les personnes de race noire (ou autre que blanche), et de nous mettre dans le même sac que les lyncheurs de l'Alabama...

J'avoue au départ que je ne suis pas le mieux, ni le moins informé de l'histoire des relations entre les Européens venus s'établir en Amérique et les Autochtones. J'avais appris que les Espagnols, les Portugais et les Britanniques avaient adopté des pratiques quasi génocidaires à l'endroit des peuples autochtones d'Amériques. Des Incas et Aztèques, en Amérique centrale et du Sud, aux Béothuks de Terre-Neuve en passant par les nations autochtones d'Amérique du Nord, on avait exécuté sans pitié des politiques proches de l'extermination, physique et/ou culturelle.

Au Québec, par contre, les Français avaient mis en place un système d'alliances que les Canadiens français ont exporté aux quatre coins du Canada et des États-Unis. Ce réseau d'alliances ne reposait pas uniquement sur le profit généré par les échanges mais aussi sur des milliers de mariages interraciaux qui ont donné naissance à de véritables nations de Métis. Jusqu'à la fin du 19e siècle, Canadiens français et Autochtones ont souvent affronté les Anglo-Américains en alliés.

Alexis de Tocqueville, grand sociologue français et auteur De la démocratie en Amérique avait visité les États-Unis en 1831 et découvert l'existence des Canadiens français en rencontrant des Métis près des Grands Lacs. Il a consigné ce qu'on lui appris sur les rapports entre Canadiens français et Autochtones dans des correspondances publiées en 1973 sous le titre «Tocqueville au Bas-Canada».

Il note: «Les blancs de France, disaient les Indiens du Canada, sont aussi bons chasseurs que nous. Comme nous, ils méprisent les commodités de la vie et bravent les terreurs de la mort. Dieu les avait créés pour habiter la cabane du sauvage et vivre dans le désert.» Pour les tendres oreilles, il faut comprendre «sauvage» comme vivant dans la nature, et «désert» comme les vastes territoires de l'Ouest  toujours à l'abri des Européens dans les 1830...

Tocqueville ajoute dans son carnet: «Antipathie des Indiens pour la langue anglaise, leur goût pour les Français: dans les déserts les plus éloignés, les Indiens saluent les Européens en disant: Bonjour.» Un autre témoignage, d'un Blanc cette fois, sur la sympathie des Autochtones de ces régions: «Ils ne consentent à parler que le français. Dans les déserts les plus éloignés la qualité de Français est la meilleure recommandation près d'eux. Ils se rappellent toujours nos bons traitements lorsque nous étions maîtres du Canada. D'ailleurs beaucoup d'entre nous leur sont alliés et vivent presque comme eux.» Et parlent leurs langues...

L'arrivée des pensionnats indiens dans le dernier droit du 19e siècle, sous l'impulsion du gouvernement de Sir John A. MacDonald, marque un changement d'époque. L'objectif est clair: exterminer les langues et cultures autochtones, en faveur de l'anglais. La présence de quelques collabos québécois, dont «Sir» Hector Langevin, ne changera rien. Sur les quelque 130 pensionnats créés, seulement quatre seront de langue française. Ces derniers verront le jour au Québec, au 20e siècle, et seront administrés par les Oblats de Marie Immaculée, dont la philosophie diffère apparemment de celle des Anglo-Canadiens.

Dans son livre publié en 2016 aux Presses de l'Université de Montréal (PUM), le professeur Henri Goulet jette un éclairage sur ces quatre pensionnats québécois de langues française et autochtone. « Fondé sur les archives des pères oblats, très peu exploitées à ce jour, ce livre sur les pensionnats autochtones au Québec relate l’histoire de chaque établissement. Il met aussi en lumière l’idéologie des oblats en matière d’éducation des enfants autochtones: contrairement à ce que prônait la politique d’intégration dans les écoles publiques du département des Affaires indiennes dans les années 1950, ils cherchaient plutôt à maintenir vivante la culture de leurs pensionnaires», peut-on lire dans le descriptif des PUM.

Aussi ne perdons pas de vue que les pensionnats indiens anglais inculquaient aux Autochtones en voie d'anglicisation les préjugés francophobes qui animaient les gouvernements du Canada et des provinces à majorité anglophone. Et n'allez surtout pas croire que les communautés religieuses anglo-catholiques étaient collectivement plus gentilles avec les Canadiens français qu'avec les Autochtones. Le clergé irlandais favorisait ouvertement le Règlement 17 interdisant l'enseignement en français en Ontario.

Dans la région du Pontiac, au Québec, les écoles confessionnelles de langue française étaient aux mains du diocèse anglo-ontarien de Pembroke et sont devenues un instrument majeur d'anglicisation. Dans son enquête sur le Pontiac en 1955, le journaliste du Devoir Pierre Laporte, parlant du rôle des Soeurs ontariennes de St-Joseph (Sisters of St. Joseph) dans le réseau scolaire de langue française du Pontiac, n'y allait pas par quatre chemins: «Elles inspirent à leurs élèves le mépris de tout ce qui est français.»

N'oublions jamais que les initiateurs des pensionnats autochtones ont été les mêmes qui ont systématiquement tenté de faire disparaître la langue et la culture française au pays. Québécois, Canadiens français, Acadiens et Autochtones ont affronté les mêmes oppresseurs. Malheureusement, les pensionnats indiens semblent avoir davantage réussi dans leur objectif d'extermination des langues et cultures autochtones. Ce n'est pas un hasard si les langues autochtones ont survécu davantage au Québec qu'ailleurs au Canada.

Si vous croyez que j'essaie d'argumenter que les Québécois francophones sont blancs comme neige dans leurs rapports avec les nations autochtones, vous faites erreur. Des Joyce Echaquan, il y a eu à bien des endroits et il y en aura d'autres. Mais ce n'est pas parce que nous avons des péchés à expier qu'on peut nous assimiler aux tentatives d'ethnocide, voire de génocide, perpétrées par les élites britanno-anglo-canado-américaines ailleurs en Amérique du Nord. Les collectivités et peuples opprimés ont trop souvent tendance à se disputer les miettes de la table des maîtres, au lieu de faire preuve de solidarité.

Alors il faut dénoncer ce titre éditorial et moralisateur du Devoir, qui demande: «Pourquoi les Québécois refusent-ils se se voir en colonisateurs et oppresseurs des Autochtones?» Parce qu'il est journalistiquement indéfendable. Parce qu'il ne s'appuie sur aucune donnée historique. Peut-être, et surtout, parce qu'il est faux? Comme nation, nous n'avons pas été historiquement les colonisateurs et oppresseurs des Autochtones. La réalité des rapports entre Français et Autochtones était autre. Nous aurons à faire des mea culpa, mais pas pour les crimes auxquels on voudrait nous associer.