jeudi 30 septembre 2021

On s'écroule ou on résiste?



Quand, en octobre 2020, la professeure Verushka Lieutenant-Duval a voulu expliquer et contextualiser l'insulte raciste nigger dans un cours en anglais à la faculté des Arts de l'Université d'Ottawa - un incident somme toute banal en milieu universitaire - la baraque a sauté: hauts cris, médias sociaux enflammés, pétition de 10 000 signatures, interventions publiques à répétition du recteur Jacques Frémont, manifestations de francophobie, enquête... Alouette...

Mais quand, en août 2021, le cabinet du Vice-recteur (International et Francophonie) de l'Université ottavienne a produit un rapport officiel faisant, entre autres, état de discrimination et d'hostilité face au fait français sur l'ensemble du campus... RIEN!... Le rapport n'a même pas été communiqué aux médias et n'a fait l'objet d'aucune annonce par les autorités universitaires...

Finalement, le réseau franco-ontarien ONFR+ a mis la patte sur le document et rendu le tout public le 28 septembre(1). Diffusée le lendemain par Radio-Canada(2), la nouvelle a pris de l'ampleur et commencé à faire des vagues sur Facebook et Twitter. Et qu'en est-il deux jours plus tard? RIEN! Pas de déclaration publique du recteur ou du vice-recteur à la Francophonie, Sanni Yaya(3), des associations de profs ou d'étudiants, ou d'organisations franco-ontariennes(4). Même pas un article dans le quotidien Le Droit, qui aurait pourtant dû mordre à pleines dents dans ce dossier... La poussière est-elle déjà retombée?

C'est comme ça à l'Université d'Ottawa ces jours-ci... Un incident jugé raciste survient, qu'il le soit réellement ou pas, et on sort l'escouade anti-émeute! Mais pour un rapport d'enquête faisant état de «l'émergence d'une francophobie qui semble prendre ses aises» un peu partout, c'est le silence... À la limite, quelques bruits de criquets...

Quand, au début du secondaire, j'ai mis les pieds pour la première fois dans le grand pavillon Tabaret (l'édifice principal) de l'Université d'Ottawa, en septembre 1959, les francophones formaient près de 65% de la population étudiante. Quand j'ai quitté l'Université après ma scolarité de maîtrise en science politique en 1969, la proportion de francophones dépassait de justesse 50%. En 2021, c'est à peine 29%...

À la fin des années 1960, avant d'être mis en minorité sur le campus, des étudiants de l'Université, ainsi que deux importantes associations franco-ontariennes(5), ont demandé que l'institution devienne unilingue française. Dirigée par un bilingue fanatique, le père Roger Guindon, l'Université a vite repoussé telle horreur. Après, c'était trop tard. La dégringolade s'est accélérée.

Quand deux de mes filles ont étudié en génie à mon ancienne alma mater, années 1990 et 2000, elles ont dû circuler des pétitions pour tenter d'obtenir, en vain, certains cours en français... Quand j'ai assisté, en mars 2016, à un colloque sur le bilinguisme canadien au pavillon Desmarais de l'Université d'Ottawa, on a semblé éberlué au café Starbucks du campus que je veuille commander un breuvage en français... J'en a conclu que l'unilinguisme anglais à cet endroit était accepté de tous... Ce ne sont que deux exemples mais il y en a sûrement des milliers d'autres...

Mais revenons au rapport(6), qui concerne l'ensemble des 43 000 étudiants de l'Université, mais surtout les 15 000 francophones. Les consultations et les recommandations appelleront des gestes concrets et surtout, des changements de mentalités. Des décisions devront être prises et appliquées. Qui aura le plus d'influence sur la prise de décision? 71% de non-francophones (surtout anglophones) ou 29% de francophones? Même si la totalité du 29% était mobilisée, ce qu'elle n'est pas, elle demeurerait une minorité (décroissante) et, tout le monde le sait, les minorités subissent les décisions de la majorité. Avec les structures actuelles, les francophones n'obtiendront à l'Université d'Ottawa rien de plus que ce que la majorité anglo voudra bien leur concéder... La minorité ne décide jamais. Elle subit.

Depuis près de 10 ans, le Regroupement étudiant franco-ontarien (étudiants collégiaux et universitaires), la FESFO (élèves du secondaire), et l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario demandent que la gestion de tous les programmes universitaires ontariens en français soit regroupée sous la gouvernance d'une université de langue française. Qu'a-t-on obtenu? Une claque en pleine face avec la création d'un micro-campus à Toronto, là où les étudiants francophones ne sont pas... La grande majorité continue de fréquenter le milieu anglo-dominant de l'Université d'Ottawa, où la situation empire dans l'indifférence... On n'en est pas encore aux coups de sabre de la Laurentian University, mais un jour ça viendra, et il sera trop tard.

À l'Université d'Ottawa comme dans l'ensemble du Canada, les francophones n'auront pas droit à leur moment de «vérité et réconciliation». La majorité anglo-canadienne ne connaît pas la vérité et ne veut pas de réconciliation avec nous. L'élection fédérale du 20 septembre en fait foi. Alors quoi? On s'écroule ou on résiste. Et ces jours-ci, je ne vois pas beaucoup de résistance...

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(1) voir bit.ly/3AQFw2S

(2) voir bit.ly/3kMDiMj

(3) Sanni Yaya, qui s'identifiait sur sa page Twitter comme «Vice-Recteur International and Francophonie» dans une présentation toute en anglais. Quand je l'ai souligné, il m'a bloqué...

(4) Après rédaction de ce texte de blogue, cette réaction du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) est apparue sur mon fil Facebook: bit.ly/39TJBYo

(5) l'Assemblée provinciale des mouvements de jeunes de l'Ontario français (APMJOF) et l'Association canadienne-française de l'Ontario (ACFO)

(6) voir bit.ly/2WrIqw5



lundi 27 septembre 2021

À l'université, des francophones ou des «bilingues»?



Chez les Franco-Ontariens, comme au Québec ou dans toute société, les masses ne manifestent sur la place publique qu'en temps de crise... Pour le reste, plus souvent qu'autrement, des franges militantes traînent comme un boulet une majorité qui rame même, parfois, à contre-courant de ses propres intérêts... 

Le projet d'université franco-ontarienne en fait foi. Ce qui au début, en 2012, devait aboutir un jour à une gestion «par et pour» les francophones de l'ensemble des programmes universitaires ontariens de langue française s'est transformé au fil des ans, faute de mobilisation, en mini-campus universitaire à Toronto qu'on a pompeusement baptisé Université de l'Ontario français.

En Ontario, l'immense majorité des étudiants universitaires inscrits à des programmes en français fréquentent l'Université d'Ottawa, où il ne semble y avoir aucun intérêt chez les francophones pour une quelconque remise en question du statut bilingue de l'institution ou pour la création à Ottawa d'un campus de langue française sous la gouverne d'une université franco-ontarienne.

Ces derniers mois, après que l'Université Laurentienne eut mis la hache dans de nombreux programmes d'études de langue française, on a pu croire que quelque chose bougeait vraiment dans la région de Sudbury. L'annonce de la transformation de l'Université (bilingue) de Sudbury en institution franco-ontarienne, et son intention de mettre le grappin sur les programmes en français de la Laurentienne, ont fait le tour des actualités.

Mais entre la force d'inertie des deux monstres bilingues (Ottawa et Laurentienne) et l'inertie des collectivités étudiantes de langue française, la poussée risque de s'essouffler vite. On a dévoilé récemment les résultats d'un sondage réalisé en juin 2021 par l'Association des étudiants francophones (AEF) de l'Université Laurentienne, révélant que près de 70% des étudiants francophones à cette institution disent préférer s'inscrire à une université bilingue... même s'ils appuient le concept d'une université de langue française...

Faut-il s'en surprendre dans une province où, sauf quelques régions, les élèves franco-ontariens au primaire et au secondaire se retrouvent trop souvent dans des écoles où l'enseignement est donné en français mais où l'anglais domine dans les couloirs et la cour d'école. Rendus au post-secondaire, près de la moitié sont en voie d'assimilation. Un sondage Léger et Léger de l'ancienne ACFO régionale Ottawa-Carleton démontrait  en 1993 que dans le groupe des 18-24 ans, près de 40% des francophones de la région d'Ottawa s'identifiaient comme «bilingues» et seulement 27% «franco-ontariens»... La situation ne s'est sans doute pas améliorée depuis...

Sur le campus de l'Université d'Ottawa, qui se veut l'Université des Franco-Ontariens et que de nombreux francophones de l'Ontario considèrent comme «leur» université, on n'a pas besoin de tendre l'oreille très longtemps pour comprendre que plus des deux tiers des étudiants ont l'anglais comme langue commune... Or, dans cette ambiance anglo-dominante et clairement anglicisante, on entend chez les francophones un silence assourdissant... Si le sondage de l'AEF de Laurentienne était réalisé à Ottawa, on peut raisonnablement croire qu'une forte proportion de francophones opteraient eux aussi pour une institution universitaire bilingue.

Et surtout n'allez pas croire qu'en tant qu'ex-Franco-Ontarien, aujourd'hui fier Québécois, je veuille dénigrer ou condamner qui que ce soit. Ce qui se passe aujourd'hui en Ontario a de forts échos dans le bassin du Saint-Laurent. Quand le gouvernement Charest a introduit l'anglais intensif au primaire en 2011 (rendait la 6e année bilingue), une immense majorité de la population et des médias a applaudi. Et tous les ans, des milliers de parents franco-québécois veulent que leurs enfants étudient dans un cégep anglais ou à l'université anglaise. Il va falloir légiférer pour endiguer la vague. Le français au Québec est menacé autant par la complaisance des francophones que par la progression parfois agressive de l'anglais. Alors, chers Franco-Ontariens, ne comptez surtout pas sur les milliers de Québécois inscrits dans vos universités bilingues pour mener le combat en faveur d'une gestion universitaire «par et pour» les Franco-Ontariens.

Le recteur de l'Université Laurentienne, Robert Haché, et le porte-parole de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française, Denis Constantineau, ont touché au coeur du problème en reconnaissant, tous deux, que «c'est bel et bien l'identité de toute une communauté qui est en jeu». La question, c'est de savoir si les futures générations de Franco-Ontariens seront, sur le plan identitaire, des francophones ou des «bilingues». S'ils auront une identité ou une double identité. Individuellement et collectivement. La glissade vers un bilinguisme identitaire collectif, prélude à la perte du français, est amorcée depuis le Règlement 17, il y a plus de cent ans.

Dans son Histoire de la province de Québec, l'auteur Robert Rumilly rappelle les débats de 1938 entourant la participation éventuelle du Canada à une guerre européenne, mettant aux prises un Canada anglais largement participationniste et un Canada français majoritairement abstentionniste. L'Assemblée législative de l'Ontario avait adopté une résolution guerrière et Rumully écrit: «Les députés franco-ontariens votèrent la motion comme les autres (...) car l'école bilingue, les journaux de langue anglaise, l'atmosphère ontarienne et le zèle officieux des chefs avaient développé parmi les Franco-Ontariens une mentalité différente de l'esprit québécois», différente de celle qui prévalait «lors de la résistance héroïque au Règlement 17».

Avance rapide à l'automne 2021. Ce qu'on a appelé l'Université de l'Ontario français et qui ne l'est pas vient d'ouvrir ses portes avec quelques centaines d'étudiants dont la majorité n'est pas originaire de l'Ontario. L'Université française de Sudbury vient de débuter avec aucun étudiant, pour le moment. La quasi-totalité des effectifs étudiants francophones inscrits dans des universités ontariennes fréquentent des universités bilingues ou anglaises. Et à peu près personne, sauf quelques voix dissidentes et/ou militantes, ne semble s'en offusquer. Le combat de l'Ontario français à l'universitaire est clairement identitaire. Comme il l'est au Québec, où la victoire est loin d'être acquise même si nous sommes majoritaires.

La bataille est perdue dans le sud de l'Ontario où, sauf  pour le vieux quarter français de Welland, les collectivités francophones ne sont plus qu'une note en bas de page. Les yeux sont maintenant tournés vers Sudbury, où la plus récente «coalition» franco-ontarienne ne semble pas avoir perdu de vue l'objectif de regrouper les programmes de langue française sous une seule bannière, avec une gestion «par et pour» les francophones. La question, c'est de savoir si le nouveau recteur Serge Miville (Université de Sudbury) et ses troupes peuvent compter sur l'appui des étudiants franco-ontariens, et notamment ceux et celles de la Laurentienne. En Ontario, les dés politiques sont pipés en faveur des deux monstres bilingues, et sans un appui massif des collectivités étudiantes et citoyennes de l'Ontario français, les chances de succès sont quasi nulles.

Si les Franco-Ontariens ne réussissent pas à compléter leur pyramide scolaire avec une université digne de la relève que s'efforcent de préparer les collèges, les écoles secondaires et les écoles primaires de langue française, à quoi auront servi toutes ces luttes depuis un siècle? Le drapeau franco-ontarien flottera-t-il un jour sur des universités de langue française à Ottawa et à Sudbury? Demandez aux Acadiens quelles auraient été les conséquences de ne pas avoir obtenu leur Université de Moncton. C'était là aussi, essentiellement, une question d'identité. 



vendredi 24 septembre 2021

LA question... Ignorance, hostilité, mépris...

Capture d'écran du Journal de Montréal

Si l'élan vers l'indépendance du Québec ne retrouve pas un peu de sa vigueur après la campagne électorale fédérale de 2021, nous sommes cuits. Jamais les enjeux n'ont-ils été aussi clairs. «LA» question d'ouverture de l'animatrice Schachi Kurl au débat anglais des chefs de parti a étalé au grand jour, une fois pour toutes, l'ignorance, l'hostilité et le mépris de la majorité anglo-canadienne à l'endroit de la nation québécoise.

Cette fameuse question (voir photo ci-haut) m'a fait sursauter quand je l'ai entendue le soir du débat, le 9 septembre. J'ai d'abord cru avoir mal compris. Puis je me suis dit que l'animatrice s'était laissée emporter par ses propres préjugés. Mais non... Dès le lendemain, on a su que les questions avaient été préparées par un consortium médiatique et la société de sondages Angus Reid, dont Mme Kurl est la présidente. Elle avait lu un texte vénéneux sur lequel tous s'étaient mis d'accord!

Et les auteurs de cette question n'étaient pas des deux de pique... Le consortium du débat en anglais était formé de représentants des réseaux CBC, CTV, Global et APTN, en collaboration avec la direction d'Angus Reid. Que ces gens aient rédigé eux-mêmes ou pas le libellé des questions, ils en étaient directement responsables. Ils ne se sont d'ailleurs jamais excusés... Ils ne semblent même pas comprendre pourquoi les Québécois pourraient être offusqués...

Alors voici, pour ces bonzes médiatiques et savants sondeurs d'opinion publique, un cours 101 de décorticage de mensonges. D'abord l'intro à la question: «Vous niez que le Québec a des problèmes avec le racisme», dit Mme Kurl à Yves-François Blanchet. Première fausseté: M. Blanchet a reconnu (comme tout le monde) qu'il existe des problèmes de racisme au Québec. Racisme «systémique»? Ça, c'est autre chose. Mais toujours est-il que l'animatrice établit des le départ qu'on parle de racisme dans sa question.

Poursuivons. Mme Kurl dit: «mais vous défendez des lois comme les lois 96 et 21 qui marginalisent les minorités religieuses, les anglophones et les allophones». L'animatrice n'a pas dit ces lois «racistes». Elle n'avait pas besoin de le faire, ayant déclaré au départ que le thème de la question était le racisme. Les lois 96 (défense du français) et 21 (laïcité) étaient donc nécessairement des manifestations de ce «problème de racisme» au Québec... Et elle le savait...

Provenant de personnalités médiatiques pan-canadiennes et d'une maison de sondage nationale, ces affirmations témoignent d'une ignorance crasse de la réalité québécoise et reflètent sans doute les préjugés (pour ne pas dire le racisme) que véhicule la presse anglo-canadienne à l'endroit du Québec depuis plus de deux siècles. Sinon ces gens auraient su que la langue française, étant menacée même au Québec, a besoin de protection et de promotion, et que la laïcité de l'État, loin d'être discriminatoire, favorise l'égalité de tous les humains et constitue un rempart contre l'intrusion abusive des religions. Et qu'à cet égard, les lois 96 et 21 sont fort modérées, pour ne pas dire faibles.

Quoiqu'il en soit, le consortium ne dit pas dans sa question que ces lois sont vues par plusieurs Anglo-Canadiens comme des instruments de marginalisation des minorités religieuses, anglophones et allophones, mais bien qu'elles SONT des instruments de marginalisation des minorités religieuses, des anglophones et des allophones. Cela contrevient à tous les principes journalistiques que j'ai appris et démontre que même chez les journalistes, à force de dire des mensonges on finit par les croire et les énoncer comme des évidences.

Finalement, la question se termine par une proposition aussi venimeuse dans sa formulation que fausse dans sa conclusion. D'abord ce ton condescendant: aidez-nous, s'il vous plaît, à expliquer aux Anglo-Canadiens pourquoi vous êtes comme vous êtes. À notre altitude morale, nous sommes incapables de voir ce qui se passe si bas, dans vos ruelles tribales. Puis le coup de massue: pourquoi votre parti (le Bloc québécois) soutient-il ces lois discriminatoires? Pas des lois vues comme étant discriminatoires par le public anglo-canadien, mais bien des lois qui SONT, de toute évidence, discriminatoires. De la part d'un consortium médiatique qui se veut sérieux et professionnel, ce type d'agression est impardonnable!

Bon! Voilà pour le décorticage... On aurait pu espérer, à la suite du tollé de protestations en provenance du Québec et même, sur le tard, des autres chefs de parti fédéraux, un examen de conscience de l'animatrice et des membres du consortium médiatique. Mais non! On persiste et on signe. Dès le lendemain, Mme Kurl joue presque à la victime: «Je voulais que M. Blanchet puisse informer (les Canadiens à l'extérieur du Québec) sur le "pourquoi" derrière l'appui à ces lois. Il s'est froissé: ainsi soit-il.» L'opportunité de s'expliquer, d'informer? Je connais la différence entre une attaque et un dialogue, et quiconque lit la question originale sait qu'il ne s'agissait pas ici d'une amicale ouverture à l'information. Si Mme Kurl ne voit pas cette différence, elle ne la verra jamais...

Le Groupe de diffusion des débats en a rajouté! (voir bit.ly/3yWrr2l) «La question de Mme Kurl concernant la Loi 21 et le projet de loi 96 du Québec a été posée à M. Blanchet pour lui donner l'occasion d'expliquer le point de vue de son parti sur ces lois. La question portait explicitement sur ces lois. La question n'affirmait pas que les Québécois sont racistes.» C'est vrai. Ce  n'est pas dit ainsi. Mais le sens est là. La question porte sur le racisme. On affirme le caractère discriminatoire des lois qui marginalisent les minorités religieuses, les anglophones et les allophones. Et après, on demande à M. Blanchet d'expliquer pourquoi il appuie des lois que l'animatrice a déjà taxées de discriminatoires (par extension, racistes) et qui, tout le monde le sait, sont soutenues par une forte majorité de francophones au Québec. Un plus un égalent deux...

Enfin, la cerise sur le gâteau... Six jours après le débat, la firme Léger publie un sondage transcanadien (voir bit.ly/3o3IVYx) sur la célèbre question de Mme Kurl et on découvre que l'attitude injurieuse du consortium des débats anglais à l'endroit du Québec est partagée par plus de deux tiers de la population anglo-canadienne. En effet, quelque 69% des Canadiens hors Québec ont trouvé la question «appropriée», alors que 65% des Québécois sont en désaccord. Les deux nations se contredisent aussi quant à l'effet des lois 21 et 96. Et enfin, 73% des Canadiens hors Québec croient que la langue française n'est pas menacée «au Canada»!!! 73% des Québécois estiment qu'elle l'est. Les recensements successifs de Statistique Canada donnent raison aux Québécois. Mais comme les médias anglo-canadiens n'en parlent à peu  près jamais...

Alors voilà! La question empoisonnée n'était pas une erreur ou un moment de folie. Elle était murie, réfléchie, voulue. Ils nous regardent de très haut depuis des générations. Ils se voient supérieurs, et n'hésitent pas à nous le faire savoir. Hors Québec, ils ont persécuté la langue française pour notre bien... Pour nous élever, comme aurait dit Durham, au même niveau que les anglophones... S'ils le pouvaient, ils mettraient la hache dans toutes ces lois 101, 21, 96 et autres. Et peut-être le peuvent-ils. Ils ont historiquement eu Ottawa et ses tribunaux comme alliés. Ils sont la majorité. Nous sommes la minorité. Une minorité décroissante, en plus. Dans ce pays, nous perdrons toujours. Et maintenant nous savons ce qu'ils pensent de certaines de nos lois à caractère identitaire. Nos valeurs d'égalité, de laïcité, de protection et promotion du français frapperont toujours un mur avec notre demi-État le plus souvent à genoux.

Et, comme disait Angus Reid lui-même, cette semaine (voir bit.ly/2XVEqoq), «tant pis pour l'hystérie entourant la question de la discrimination dans le débat anglais!» Vous avez bien lu: hystérie! Pas d'acte de contrition, pas d'excuses, pas de remise en question. En plus d'être racistes, nous voilà hystériques...

Sans un pays à notre image, nous savons ce qui nous attend. Le débat anglais n'était pas très subtil à cet égard. Le Québec-bashing se porte et se portera très, très bien...


mercredi 22 septembre 2021

«Le Bloc rate sa cible». Et les autres?

Dans le monde médiatique anglo-canadien, on s'y attend. «LA» question controversée au débat anglais n'est que la pointe d'un iceberg géant et permanent. Mais même au sein de la presse francophone, on a parfois tendance, il me semble, à se montrer plus sévères et exigeants envers le Bloc québécois qu'avec les autres partis. Combien de fois, depuis 2011, a-t-on quasiment effacé le BQ de la carte ou remis en question sa pertinence?

Durant la campagne électorale qui vient de prendre fin, tous nos scribes ont noté que le Bloc espérait décrocher une quarantaine de circonscriptions.  J'espère qu'ils ont aussi consigné dans leurs calepins ou tablettes que les trois autres grands partis - les libéraux de Justin Trudeau, les conservateurs d'Erin O'Toole et le NPD de Jagmeet Singh - avaient comme objectif de former le prochain gouvernement. Le Parti libéral voulait désespérément 170 sièges ou plus - la majorité. Le PCC et le NPD voulaient tous les deux engranger plus de sièges que leurs adversaires, et ainsi gouverner le pays... Des cibles bien plus ambitieuses que celle du Bloc québécois...

Or, voici (dans les 4 photos ci-dessous) les titres que propose La Presse sur son site Web dans la nuit suivant le scrutin. Le Bloc a-t-il raté sa cible? Bien sûr! Aux dernières nouvelles, il avait élu 34 députés, deux de plus qu'en 2019 mais six de moins que les 40 espérés. Alors quand on écrit «Le Bloc rate sa cible», on n'a pas tort. Mais il manque 12 députés aux libéraux de Justin Trudeau pour devenir majoritaires. Ils ont aussi raté leur cible. Et que dire des conservateurs et du NPD, auxquels il manque des dizaines et des dizaines d'élus additionnels pour clamer réussite. Eux aussi ont magistralement raté leur cible.

L'excellent Joël-Denis Bellavance, de La Presse aussi, a offert une solide analyse des résultats intitulée Le début de la fin de l'ère Trudeau (bit.ly/3AyfVvn), mais elle n'apparaît pas sur la première page de la couverture électorale du journal. Faut dire qu'en l'absence de journaux imprimés, mieux ficelés sur le plan de la présentation de l'actualité, il n'est plus toujours facile de faire la part des choses dans la jungle Internet sur nos écrans...

Enfin, seul le Bloc Québécois a eu droit au titre de nouvelles super négatif, à l'affirmation en gros caractères de son échec. On aurait pu titrer «Trudeau rate sa cible», «O'Toole rate sa cible» et «Singh rate sa cible». Ils les ont ratées encore plus que le Bloc québécois... Enfin... Au surlendemain des élections, les médias s'interrogent sur sur la possibilité de contestations du leadership de Trudeau, O'Toole et Singh... Personne ne remet en question la chefferie du Bloc. Voilà peut-être le meilleur indicateur de l'atteinte ou de la non-atteinte des objectifs électoraux de chacun des principaux partis...

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Le Bloc

Le PLC

Le PCC

Le NPD

Titres du site Web de La Presse du 22 septembre 2021

mardi 21 septembre 2021

À chaque jour, un mot de plus...

Désirant me renseigner davantage sur le Québec des années 1930 et 1940, j'ai ressorti ma collection (malheureusement incomplète) de l'Histoire de la province de Québec, rédigée par le vieil historien conservateur Robert Rumilly, et couvrant, en 41 volumes, la période entre 1867 et 1945.

J'ai lu, coupe-papier à la main, les 257 pages non coupées du volume XXXVII, portant sur les années 1938-1939 du premier gouvernement Duplessis. Je reviendrai dans un autre texte de blogue sur les actualités de l'époque qui, sous certains aspects (litiges constitutionnels, sort de la langue française, laïcité de l'État, rapports gauche-droite, situation mondiale), demeurent fort instructifs pour les débats de l'heure en 2021.

Cette redécouverte d'une époque révolue en amena une autre, tout aussi agréable: le plaisir de retrouver ou d'apprendre des mots qu'on ne voit plus au 21e siècle dans le vocabulaire de plus en plus mince de nos salles de rédaction. Il me semble que certains de ces mots méritent de retrouver leur place dans les médias d'aujourd'hui. En voici trois qui ont capté mon attention.

rogaton

Je cite Rumilly à la page 127:

«Un député (du parti au pouvoir) peut, à la rigueur, se conduire en automate à la législature, voter des lois sans les comprendre; il ne peut absolument pas perdre ses rogatons de patronage!»

Le mot signifie des bribes de nourriture, les restes d'un repas, un peu comme les miettes de la table. Le sens est clair ici.  De nombreux députés ministériels accordaient plus d'importance aux outils de réélection (notamment le patronage) qu'à leurs devoirs législatifs...

Quand Trudeau se promenait, pendant des mois avant la campagne électorale, distribuant des bonbons pré-électoraux d'un bout à l'autre du pays avec les deniers publics dans un but évident de réélection, il me semble que le mot «rogaton» aurait pu servir quelque part...

trigauder

Le débat sur l'attitude que prendra le Canada en cas de guerre européenne fait rage en 1938. De nombreuses pétitions réclament la neutralité du pays. Rumilly commente, à la page 211: «Certaines déclarations ministérielles (du gouvernement de Mackenzie King) semblent le promettre. D'autres déclarations ministérielles l'écartent nettement. Le gouvernement trigaude ainsi depuis trois ans.»

Le verbe «trigauder» signifie agir avec duplicité, de manquer de franchise, se servir de détours.

Durant la campagne électorale fédérale qui vient de se terminer, dans certains dossiers comme les vaccins obligatoires, l'interdiction des armes à feu ou le racisme et la laïcité au Québec, trigauder aurait pu enjoliver de nombreux comptes rendus médiatiques...

morigéner

En 1939, la situation financière de Montréal est tragique. Voici ce qu'écrit Rumilly à la page 244: «La Ville ne pourra peut-être pas payer ses fonctionnaires, ni secourir les chômeurs. Les banquiers morigènent le maire de Montréal: "La ville emploie trop de fonctionnaires. Quand nous avons des employés en trop, nous les renvoyons." "Oui, réplique le maire Camilien Houde, vous les renvoyez et c'est nous qui les nourrissons."»

Le verbe «morigéner» signifie réprimander, sermonner.

Il me semble que le soir du débat anglais de la campagne électorale, les journalistes auraient pu affirmer que l'animatrice Schachi Kurl et la cheffe des Verts, "Ennemie" Paul, avaient morigéné le chef bloquiste et, par extension, la nation québécoise...

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J'oserais lancer un défi à notre classe journalistique: utiliser l'un (ou l'ensemble) de ces mots dans un reportage. On les trouvera étrange(s) la première fois. Un peu moins la deuxième. Un jour, peut-être, seront-ils couramment employés... et notre vocabulaire s'enrichira.


mercredi 15 septembre 2021

Rencontrer le chef du Bloc? Ô horreur!


Que la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) ait claqué la porte au nez du chef du Bloc québécois est certes regrettable (1), mais le geste s'inscrit dans une certaine logique quand on sait que la SANB avait signé, en 2019, un protocole d'entente avec des groupes anglo-québécois qui combattent la francisation du Québec (2).

L'histoire des relations de la majorité francophone du Québec avec les organisations canadiennes-françaises et acadiennes des autres provinces est empoisonnée depuis la montée du mouvement indépendantiste durant les années 1960. Entre l'indifférence de trop de Québécois et un sentiment d'abandon chez les francophones hors-Québec, les rapports entre les uns et les autres ont pourri...

Cette apparence de divorce, ayant éclaté au grand jour aux États généraux du Canada français en 1967, a nourri une rancune tenace, presque une haine, à l'endroit du Québec, dans plusieurs milieux et aveuglé de nombreux dirigeants francophones hors-Québec aux moments d'évaluer les véritables rapports de force et de prendre des décisions stratégiques.

Jouant les grenouilles qui se bombent le torse pour se donner l'apparence d'un boeuf, fermant les yeux sur les effets dramatiques d'une assimilation galopante, les dirigeants des collectivités francophones minoritaires ont eu tendance à gonfler artificiellement leurs effectifs et à s'approprier un pouvoir politique qu'ils ne sont pas en mesure d'exercer seuls.

On l'a vu cette semaine en Acadie quand Yves-François Blanchet a dû rebrousser chemin aux portes du Nouveau-Brunswick alors qu'il devait rencontrer le président de la SANB, Alexandre Cédric Doucet, à moins d'une semaine du scrutin fédéral. « Les Acadiennes et les Acadiens n'ont pas besoin du Bloc pour se faire entendre sur la Colline parlementaire », a déclaré ce dernier, apparemment pressé par son conseil d'administration d'annuler le rendez-vous.

Remplacez dans cette citation le mot «Bloc» par «Québec» et vous aurez compris le sens profond de l'intervention. Les organisations franco-ontariennes auraient réagi de façon similaire. Je ne veux pas diminuer l'importance de l'apport des minorités, mais sans le Québec et la menace qu'il fait peser sur l'ensemble du pays, les francophones des provinces à majorité anglaise auraient remporté peu de combats.

Comme ancien Franco-Ontarien, j'ai en mémoire l'acquisition du réseau d'écoles françaises primaires et secondaires vers 1967. Pense-t-on vraiment que sans L'égalité ou l'indépendance de Daniel Johnson, qui exerçait de fortes pressions sur le premier ministre ontarien John Robarts, la décision aurait été prise à ce moment précis? Que l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982 aurait existé sans le Parti québécois et son référendum de 1980? Que le retentissement de l'affaire de l'hôpital Montfort au Québec à la fin des années 1990 n'a eu aucun effet sur les rapports de force?

La seule façon, pour les minorités, de discuter tant soit peu en position d'égalité relative avec leurs gouvernements francophobes est d'avoir comme allié (officieux ou officiel) le Québec, tout entier si possible, tout au moins les indépendantistes. L'Assemblée de la francophonie de l'Ontario aura beau dire qu'il y a plus de 700 000 Franco-Ontariens, la réalité se situe en-deçà de 500 000 et leur niveau de militantisme - sauf exception - reste très faible.

Au Parlement fédéral, seulement quatre députés représentent des circonscriptions à majorité française (dont trois Acadiens, l'autre étant Franco-Ontarien). Tous libéraux, tous soumis à la discipline du parti en matière de droits linguistiques. Et les minorités doivent traiter avec une ministre québécoise, Mélanie Joly, qui a beaucoup plus d'influence que leurs élus, pour faire avancer leurs dossiers. 

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a emprunté une formulation malheureuse quand il a déclaré récemment: «Dans la dernière législature, les francophones hors Québec et les Acadiens... ont eu une seule voix à la Chambre des communes et ça été le Bloc Québécois.» C'est oublier le rôle joué par Mme Joly dans quelques dossiers chauds, dont le projet d'université franco-ontarienne et le drame à l'Université Laurentienne de Sudbury.

Ce qu'il aurait pu dire, c'est que le Bloc, avec sa trentaine de députés, a été le seul parti à constamment et vigoureusement défendre - sans conditions - les revendications de la francophonie minoritaire et à fustiger leurs adversaires. Que le Bloc, dans sa défense de la francophonie québécoise, canadienne et mondiale, constitue un allié stratégique naturel, capable d'exercer une influence utile aux francophones hors Québec même si son objectif premier demeure la défense du Québec et la cause de l'indépendance.

Les dirigeants de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick, de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO), de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) ont suffisamment d'expérience en politique pour savoir qu'on ne verrouille pas les portes à cause d'une simple déclaration maladroite mais bien intentionnée. Ils osent s'allier avec des ennemis traditionnels, les Anglo-Québécois, même si plusieurs de ces derniers combattent la Loi 101, le projet de loi 96, voire toute initiative de francisation au Québec. Ils pactisent au besoin avec les gouvernements Higgs et Ford, en dépit de leur francophobie notoire. Comment expliquer, alors, qu'on sente le besoin de répudier aussi rudement le chef du Bloc qui, sur le terrain boueux du Parlement fédéral, s'est avéré l'allié le plus sûr?

Trop de ténors de la francophonie minoritaire se comportent envers le Québec comme l'animatrice du débat des chefs en anglais (supériorité morale et racisme en moins). Il flotte dans la vaste brume minoritaire un relent de colère et de haine pour ce qui est encore perçu, depuis plus de 50 ans, comme une trahison des Québécois.

Quand le chef du Bloc a tenté d'aborder la question de la francophonie hors Québec au débat anglais et a été rabroué par la soi-disant animatrice, je n'ai pas entendu beaucoup d'échos au sein de la direction de la FCFA, de l'AFO ou de la SANB. Les associations auraient pu au moins saluer le geste et accepter, en contrepartie, de recevoir en audience le chef du Bloc, en prenant soin - bien sûr - de souligner les différences entre les objectifs des uns et des autres.

Craint-on, en recevant chez-soi le chef du Bloc québécois, qu'on puisse soupçonner les dirigeants acadiens d'être sympathiques à la cause de la souveraineté du Québec? Ô horreur! On pourrait attiser la colère à peine retenue des anglos, et mettre en péril les miettes qu'ils laissent à l'occasion tomber de la table linguistique. Ils pourraient nous détester encore plus qu'avant. Non, mieux vaut ne pas faire de vagues et rester bien sages. Rectitude politique. Vivre à genoux.

Quand le nouveau Parlement siégera et que la francophonie minoritaire se sentira bien seule dans un épineuse affaire linguistique, elle pourra sans doute compter sur l'appui indéfectible du Bloc québécois. J'espère que les chefs de la SANB feront au moins un acte de contrition en se souvenant du traitement qu'ils ont réservé à Yves-François Blanchet durant la dernière semaine de cette campagne électorale.

Sait-on jamais? Peut-être entendra-t-on quelques sons de cloche différents au débat électoral sur les langues officielles, ce soir, 15 septembre...


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(1) Voir texte d'ONFR à https://onfr.tfo.org/le-chef-du-bloc-quebecois-sattire-les-foudres-des-acadiens/.

Voir aussi le texte de Radio-Canada à https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1824072/bloc-quebecois-acadie-societe-acadie-nouveau-brunswick-caraquet

(2) Voir texte de Radio-Canada à https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1209180/entente-afo-francophonie-exclusion-accord-anglophone-fcfa.


jeudi 9 septembre 2021

SOS soins de santé (chapitre 3)...

Après deux semaines de démarches largement infructueuses, y compris deux passages à l'urgence de l'hôpital de Hull, je n'ai toujours aucune certitude quant à la cause des hématomes douloureux qui colorent de violet mon bras gauche et le haut de ma poitrine, sous l'épaule gauche.

L'orthopédiste écarte pour de bon la thèse d'une déchirure musculaire près de mon ancienne blessure subie à l'automne 2019, et soutient la thèse de l'urgentologue, à savoir qu'il s'agit de veine(s) éclatée(s), possiblement à cause des anticoagulants prescrits par mon cardiologue.

Seul un médecin que j'ai vu à une clinique sans rendez-vous, à la mi-août, a jugé bon de commander un scan de l'épaule et du bras mais l'hôpital de Buckingham m'a fait savoir que la procédure n'est pas jugée urgente, et que je devrai attendre au moins deux ou trois mois...

Voilà où j'en suis à ce dernier lundi d'août 2021...

Jour 16 - mardi 31 août 2021

Mon cardiologue a demandé de me voir en urgence pour examiner les hématomes et me renseigner sur les résultats de mes prises de sang de la semaine précédente. De ce côté, les nouvelles sont bonnes: les reins fonctionnent bien et l'hémoglobine est normale. L'anticoagulant ne s'accumule donc pas dans mon système et la lointaine possibilité d'une leucémie est à peu près écartée.

Comme je n'ai pas subi de choc physique avant l'apparition des bleus, il réfute entièrement l'opinion des médecins précédents, affirmant qu'il ne peut s'agir de vaisseaux sanguins éclatés et que le problème se situe plutôt au niveau de l'épaule, où une déchirure quelconque doit s'être produite, provoquant un saignement à la poitrine et dans le bras. Il faudrait, pour éclaircir la chose, un scan que l'orthopédiste et l'urgentologue n'ont pas prescrits.

J'ai vu quatre médecins au cours des dernières semaines: deux en faveur de veine(s) éclatée(s), deux favorisant une déchirure à l'épaule. Tous sont cependant d'accord sur un point: je n'ai pas à m'inquiéter. Pour accélérer la guérison, le cardiologue a autorisé une réduction de moitié de la dose quotidienne d'anticoagulant...

Jour 17 - septembre arrive!

Par un 1er septembre frisquet, me voilà planté sur le trottoir à 7 heures du matin devant la Clinique coopérative de la Basse-Lièvre, une heure et quart avant l'ouverture, dans l'espoir d'obtenir un des rendez-vous disponibles, ce mercredi. Heureusement, je suis deuxième dans une file qui s'allonge de plus en plus à mesure qu'approche le moment de déverrouiller les portes.

8 h 15. Le préposé à l'entrée me remet un numéro et m'indique de passer à la salle d'attente à l'étage. On commencera à appeler les numéros à 8 h 45, et c'est à ce moment qu'on saura l'heure de notre rendez-vous avec le seul médecin disponible. La salle d'attente est bien pleine. Enfin, numéro 59! C'est le mien. Le médecin, le même qui m'a examiné deux semaines plus tôt, me verra à 9 h 30. Inutile de retourner à la maison...

Je lui explique que l'hôpital de Buckingham m'a informé que je devrais attendre au moins deux ou trois mois pour le scan de l'épaule, commandé par lui. On me parle de cotes de priorité que je ne saisis pas très bien. Il m'explique que les médecins suivent certaines lignes directrices pour établir le degré de priorité d'une intervention et que la mienne ne mérite qu'un «C». S'il biffait le C pour écrire B, l'hôpital y verrait une erreur et le ramènerait à C...

Le truc, c'est donc de trouver un endroit où la liste d'attente est la moins longue... À Gatineau? Pas question. Hawkesbury? C'est en Ontario. Finalement, on s'entend que mes meilleurs espoirs d'un scan «rapide» sont à l'hôpital de Maniwaki, en Haute-Gatineau, à plus de 100 km... N'oubliez pas: nous sommes ici dans la quatrième ville du Québec...

Avance rapide à Jour 26 - un jeudi de septembre 2021

J'attends toujours l'appel de l'hôpital de Maniwaki...

La réduction de ma dose d'anticoagulant a eu l'effet escompté. L'hématome se résorbe très lentement, comme la douleur...

Je commence à croire que je ne saurai jamais ce qui a causé ces méga hématomes...

La seule consolation: j'ai appris des tas de choses sur le fonctionnement de notre système de santé.

Qu'un personnel dévoué y travaille dans une camisole de force bureaucratique.

Que les «patients» avec un problème urgent qui ne met pas leur vie en cause doivent être très, très... patients... Que leur problème urgent n'est pas vraiment urgent pour le «système»...

Que Gatineau, 4e ville du Québec, est abandonnée depuis tellement longtemps par Québec qu'on peut y fermer en toute quiétude la plus importante salle d'urgence hospitalière...

Que les gens acceptent sans trop rechigner un système parfois abracadabrant par crainte d'importuner ceux et celles qui auront à les soigner, et de perdre ainsi un accès déjà limité au réseau de santé...

Qu'on a beau suivre toutes les procédures, faire toutes les démarches, expliquer tout ce qu'il est possible d'expliquer, supplier même à l'occasion, certains murs bureaucratiques sont infranchissables.

Je ne saurai peut-être jamais ce qui est arrivé à mon épaule.

Je n'aurai pas mon scan (scintigraphie en français), du moins dans un avenir prévisible.

Et il ne faut surtout pas essayer de savoir pourquoi... Les responsables sont trop occupés pour vous parler...

Alors j'attends...

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Je me demande si un joueur du Canadien de Montréal, dans la même situation, en pleine saison de hockey, serait obligé de s'inscrire sur une liste d'attente à Sherbrooke, disons, pour un scan qui pourrait avoir lieu quelques mois plus tard...




mercredi 1 septembre 2021

Pourquoi voter pour le Bloc?


S'il y a une chose que j'ai comprise en grandissant comme Franco-Ontarien dans la capitale canadienne, c'est qu'une minorité n'a aucun pouvoir. Elle est condamnée à lutter et à quémander. Aujourd'hui. Demain. Toujours. En démocratie, la majorité a le droit de décider. Aujourd'hui. Demain. Toujours. 

Je suis maintenant Québécois. Depuis plus de 45 ans. Et j'ai peine à croire que les francophones du Québec ont toujours de la difficulté à comprendre cette vérité. Nous formons une minorité au Canada. Les députés que nous envoyons à Ottawa n'exerceront jamais le pouvoir à moins de s'aligner sur les intérêts de la majorité Canadian... 

Que le pouvoir soit libéral, conservateur, voire néo-démocrate n'y changera rien. Les députés québécois y seront minoritaires. Ils seront condamnés à lutter et quémander, à accepter ou rejeter les miettes de la table anglo-canadienne. Et on voudrait que l'électorat francophone du Québec continue de pratiquer l'art du vote stratégique, qui consiste à miser sur les moins pires? C'est un exercice stérile!

Entendre des nationalistes ou des indépendantistes discuter de l'utilité ou de la pertinence de voter pour le Bloc québécois me hérisse... Y'en a-t-il encore qui croient vraiment à l'efficacité des coalitions ponctuelles ou à un «beau risque» version 2021? Que débarquer Trudeau et sa bande en favorisant l'élection d'O'Toole et sa bande va changer quelque chose de fondamental?

Ultimement, le sort du Québec se jouera à Québec. Mais en attendant cette souveraineté qui ne semble pas imminente, pour dire le moins, Ottawa détient de réels pouvoirs et dépense notre argent... jusque dans nos champs de compétence. Et les Trudeau, Chrétien, Harper et autres fonderont toujours leur légitimité sur le fait que les bons Québécois élisent des députés au sein de leurs formations. Et ils auront raison!

Voilà pourquoi le Bloc québécois demeure si essentiel. Quand on accepte de reconnaître qu'en vertu des règles de la démocratie, la majorité anglophone du Canada peut - quand elle le veut - gouverner son pays sans tenir compte de nos exigences, tout devient clair.

Le choix qui nous est alors laissé, c'est de placer à Ottawa des pions, la plupart silencieux, soumis à la discipline de partis fédéralistes à caractère anglo-dominant, ou d'élire des indépendantistes qui participeront aux débats parlementaires sans illusion, dignement, honnêtement, en faisant valoir des positions qui seraient celles de la nation québécoise si elle était en mesure de décider seule.

Le Bloc québécois ne va pas à Ottawa pour y prêcher l'indépendance du Québec. Les députés du Bloc siègent au Parlement fédéral pour faire entendre le Québec, pour le défendre, pour y exprimer - en français - ses espoirs, ses valeurs, ses positions, ses préoccupations. Ils sont là aussi pour promouvoir les intérêts de la francophonie, qui en a bien besoin dans ce pays où le français a toujours été malmené. 

Le 20 septembre, pensons-y.

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En 2011, alors que j'étais toujours éditorialiste au quotidien Le Droit, j'avais écrit ce texte sur mon blogue, écho de mon éditorial dans Le Droit du 18 avril 2011 (bit.ly/3kEUnqc) qui proposait des arguments similaires. Dix ans plus tard, il conserve son actualité.

Le choix, pour les Québécois, «c'est d'élire des députés fédéralistes obligés de composer avec une majorité anglo-canadienne ou élire des députés du Bloc qui seraient libres de nous défendre, individuellement et collectivement, et de faire la promotion de points de vue qui émanent de notre collectivité. Nous sommes différents et avons pleinement le droit d’exprimer cette différence au Parlement canadien. Si cela peut sembler irritant et un peu dysfonctionnel, tant pis. Nous concédons aux autres le pouvoir auquel ils auraient droit de toute façon, étant majoritaires, et nous contentons pour l’instant de participer avec honneur et dignité à un régime qui finira par se transformer… ou que nous quitterons.»

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