lundi 31 octobre 2022

Le français en perdition...

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capture d'écran du communiqué de l'AFO

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En ce matin du 31 octobre, je me demande toujours s'il s'agit d'un «poisson d'avril» de l'Halloween, d'un déguisement pour faire comme tout le monde ou d'un réel passage au «coté sombre de la force»... Depuis deux jours, je m'interroge au sujet d'un communiqué officiel que j'ai reçu par courriel de l'AFO (Assemblée de la francophonie de l'Ontario), portant sur l'élection de Fabien Hébert à la présidence de l'organisme.

Le massacre à la «tronçonneuse inclusive» de la langue française s'accélère depuis quelques années et les lames semblent plus en plus aiguisées ces jours-ci. Entre la rectitude politique «wôkiste» et le langage soi-disant inclusif qu'à peu près personne n'utilise dans la rue mais qu'on entend et lit fréquemment à la télé et dans les médias écrits, le français fonce droit vers le précipice...

Que des exceptions se profilent va de soi. Le français en déborde. Le problème survient quand les exceptions deviennent la règle. Récemment, un/une candidat/candidate à la mairie d'Ottawa, Catherine McKenney, qui s'identifie comme «personne non binaire», disait préférer qu'on emploie «iel» comme pronom quand on parle d'elle-de lui. Ça, à la limite, je peux toujours comprendre. 

Mais imposer à l'ensemble de la langue française une orthographe non «genrée» relève de l'absurde. Pour les médias, le milieu où j'ai évolué, ça devient un véritable casse-tête. On l'a vu avec M.-Mme McKenney durant la campagne électorale récente à Ottawa. Enlever «M.», «Mme», «il» et «elle» de l'arsenal linguistique complique singulièrement la vie aux journalistes, en plus d'aboutir - dans ce cas-ci - à une répétition excessive des noms McKenney et Catherine McKenney.

Enfin, quoiqu'il en soit, c'est de ce communiqué* de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario que je veux parler. Le titre commence bien mal: «Une nouvelle présidence à la tête de l'AFO pour les 2 années à venir». La «présidence» c'est la fonction de président ou de présidente, et non la personne elle-même. Dans une assemblée, quand on s'adresse à la présidence, on s'adresse à la fonction, peu importe la personne qui l'assume. Fabien Hébert peut bien être élu à la présidence de l'organisme parapluie des Ontariens francophones, il n'est pas la présidence. Il est président. Je me suis dit que c'était peut-être une coquille, une erreur sans plus mais non. Le texte renchérit.

Dès le premier paragraphe, on nous annonce que les membres de l'AFO ont élu «une nouvelle présidence». Et la citation du second paragraphe est attribuée à Fabien Hébert, «la nouvelle présidence de l'AFO». Puis à la phrase suivante, on fait l'éloge de Carol Jolin, «l'ancienne présidence de l'AFO». Pour bien enfoncer le clou de l'inclusion, le texte ajoute que quatre «positions» (anglicisme) «d'administrateur.trice.s» étaient aussi en jeu et que quatre «candidat.e.s» ont été «élu.e.s» sans opposition. Comme moyen de rendre le français plus attrayant et accessible à tous, toutes, j'ai déjà vu mieux...

Deux fois dans le communiqué on emploie le mot président (au masculin) pour désigner Fabien Hébert et Carol Jolin mais nulle part on ne verra les signes les plus fréquents de la masculinité ou de la féminité: M., Mme, il, ils, elle ou elles... Pourtant, trois des quatre administrateurs élus sont des femmes. À moins qu'il ne s'agisse de «personnes non binaires». On ne sait pas. On ne saura plus, si la tendance se maintient.

Une note finale sur le congrès annuel 2022 (devenu réunion annuelle virtuelle) de l'AFO. Il fut un temps où les médias, moins dégarnis, auraient couvert les assises de l'organisme qui affirme représenter l'ensemble de la collectivité franco-ontarienne. Sur Internet, je n'ai trouvé qu'une poignée de comptes rendus de l'élection à la présidence, offerts par Radio-Canada, ONfr+, Le Droit, L'express de Toronto, etc. Quant au reste des assises, les décisions, les orientations, les bilans... rien. Sur l'organisme lui-même, ses membres, sa structure, son fonctionnement... rien.

Misère...

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mardi 25 octobre 2022

Douze jours au Saguenay-Lac-Saint-Jean

Douze jours au Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Dolbeau-Mistassini à Tadoussac

Les chemins d'été... Quand, en 1970, Steve Fiset avait propulsé au sommet des palmarès québécois ce super tube signé Luc Plamondon et André Gagnon, je n'avais que 24 ans. Jeune scribe issu des contestations étudiantes et identitaires des années 1960, je rêvais parfois de prendre le volant d'une Thunderbird 1955, ou d'une Corvette 1962, pour aller à la découverte du monde...

Ayant à peine entamé avec enthousiasme une turbulente carrière en journalisme - et en syndicalisme - je savais que ces rêves resteraient... des rêves. Je ne pouvais même pas me payer une voiture. Mais à chaque écoute envoûtante des Chemins d'été, je continuais de voir ces rubans d'asphalte sans fin sur lesquels je n'aurais jamais la chance de rouler...

«Dans ma Camaro je t'emmènerai sur tous les chemins d'été
«Dans ma Camaro je t'emmènerai à San Francisco
«Dans la nuit noire à cent milles à l'heure je t'en ferai voir de toutes les couleurs
«Et au matin sur notre chemin il pleuvra des fleurs» (bit.ly/3OHyC71)

Beaucoup, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis le début des années 70. Plusieurs de ces ponts se sont même écroulés... J'ai 76 ans depuis quelques jours et je n'ai plus l'âge de filer en bolide vers San Francisco ou de mettre des fleurs dans mes cheveux devenus calvitie. Et pourtant, l'attrait des «chemins d'été» demeure aussi intense... urgent même si je mijote le temps limité qui me reste...

Alors quand l'occasion s'est présentée à mon épouse et à moi d'aller - en excellente compagnie par surcroit - explorer le Saguenay-Lac-St-Jean, coin de pays que nous connaissions peu ou pas, nos valises ont été vite bouclées, les batteries de l'appareil photo rechargées et le réservoir de notre vieille Mazda 6 rempli à ras bord d'or noir à 2,11 dollars le litre...

Et ce matin attendu du 4 juillet 2022, notre petite expédition de quatre personnes (Claude Tremblay, Jacqueline Lavoie, mon épouse Ginette Lemery et moi) en deux véhicules s'est mise en route. En voici le récit, du 1er au 12e jour.

1er jour: St-Sévère (Mauricie), Parc des Laurentides, Dam-en-Terre https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/08/les-chemins-dete-1er-jour.html

2e jour: Alma, Maison des bâtisseurs  https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/08/les-chemins-dete-2e-jour.html

3e jour: Val-Jalbert        https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/08/les-chemins-dete-3e-jour.html

4e jour: L'ermitage Saint-Antoine, Lac Bouchette https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/09/les-chemins-dete-4e-jour.html

5e jour: Zoo sauvage de St-Félicien https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/09/les-chemins-dete-5e-jour.html

6e jour: Croisière aux baleines, Tadoussac https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/09/les-chemins-dete-6e-jour.html

7e jour: La fromagerie Perron, Saint-Prime https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/09/les-chemins-dete-7e-jour.html

8e jour: La petite Maison Blanche, la Pulperie https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/09/les-chemins-dete-8e-jour.html

9e jour: Dolbeau-Mistassini, Ste-Jeanne-d'Arc https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/09/les-chemins-dete-9e-jour.html

10e jour: Croisière sur le fjord https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/09/les-chemins-dete-10e-jour.html

11e jour: St-Jean-Vianney, La Baie, La fabuleuse https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/10/les-chemins-dete-11e-jour.html

12e jour: Le Jardin Scullion https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/10/les-chemins-dete-12e-jour.html

Épilogue: Le retour, la COVID https://lettresdufront1.blogspot.com/2022/10/les-chemins-dete-epilogue.html

Et voilà!


Avant qu'il ne soit trop tard...

Pendant qu'un débat trop souvent stérile se poursuit sur la nécessité (ou non) de renforcer la protection du français au Québec (Loi 101, Loi 96), la langue et la culture françaises croulent sous nos yeux. Dans les rues, dans les écoles, au travail, à la télé, sur Internet. Partout. Laissée à ses seuls moyens, la société québécoise s'anglicisera. Elle ne lutte pas à armes égales contre l'envahissement anglo-américain. Sans une intervention énergique de l'État québécois, le seul État nord-américain où nous formons la majorité, nous sommes cuits. F-i, fi. N-i, ni...

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Lea anciens territoires francophones d'Ottawa

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Si cela me paraît évident, c'est que j'ai grandi dans les années 1950 et 1960 sur un territoire jadis francophone, dans la ville d'Ottawa donc en Ontario, et que je l'ai vu se désintégrer sous mes yeux. Bien sûr, on me dira avec raison que les Franco-Ontariens n'avaient pas - loin de là - l'appui et la protection de l'État ontarien (ni même de l'État fédéral), jusque là voués à leur perte. Mais puisant dans mes 76 années de vie, je sais qu'il y a plus. Beaucoup plus. Et que ce «beaucoup plus» résonne ailleurs en Ontario français et dans l'ensemble du Québec.

Aujourd'hui, l'emploi du mot «communauté» est galvaudé. C'est même un anglicisme. «Community» en anglais devrait se traduire en français par «collectivité». Dans une véritable communauté, les gens vivent à proximité, se connaissent, partagent valeurs et culture. Tout le monde connaît tout le monde. Comme dans mon ancien quartier, qui s'appelait St-François d'Assise du côté sud de la voie ferrée du CP, et Mechanicsville au nord jusqu'à la rivière des Outaouais. C'était tricoté serré, et la plupart des familles y vivaient depuis fort longtemps, plusieurs depuis le 19e siècle. Et le territoire était bien délimité, adossé à un vaste pré à l'ouest, à la rivière au nord et à l'est, et à la «grand-rue» (la rue Wellington) au sud. C'était comme un village dans cette capitale fédérale unilingue anglaise. Dans les années 1960, les «communautés» urbaines éclateraient.

Il faut être vieux pour se souvenir de l'emprise de l'Église catholique sur la société canadienne-française et québécoise avant le concile Vatican II, la Révolution tranquille et la laïcisation brutale à partir de 1962 et 1963.  Mais cette libération d'un monde où tout était péché a aussi détruit l'un des éléments clés de notre vie communautaire. Notre univers gravitait autour de la paroisse, du clocher d'église. L'école franco-ontarienne était catholique et paroissiale. Les associations religieuses, laïques et aussi patriotiques (St-Jean-Baptiste, la Patente) se réunissaient au sous-sol de l'église. Les messes du dimanche, où l'église était remplie, permettaient aux gens de jaser, de prendre des nouvelles des amis, de la parenté. Et tout ça, c'est important, se déroulait en français. Dans une ville résolument anglaise, la francophonie avait ses clochers. Quand jeunes et moins jeunes ont délaissé l'église, ils se sont perdus de vue. Le vide laissé par l'effritement des sociétés paroissiales n'a pas été comblé.

Par ailleurs, sur le plan culturel, deux événements majeurs ont marqué le milieu des années 1950 et leur effet ne doit pas être sous-estimé. Le premier: l'arrivée de la télévision. Je me souviens d'avant la télé. Nous jouions toujours dehors avec des amis. Les parents et voisins jasaient entre eux sur les perrons en soirée. Puis, du jour au lendemain, tout a changé. Nous étions rivés tous les jours, pendant une heure ou deux, au petit écran. La Famille Plouffe, la Soirée du hockey, mais aussi les émissions de cowboys en anglais. La planète dans nos salons, sans les filtres des curés. Après huit ou neuf années de télévision sans censure religieuse, il n'est pas surprenant que les églises se soient vidées...

Le second fait marquant de la décennie de mon enfance: le rock'n roll. Les gens sourient toujours quand j'inclus ce facteur comme événement déterminant et révolutionnaire dans la culture du monde occidental. Mais je me souviens de la première prestation d'Elvis à la télé et de l'horreur de mes parents. Des jeunes achetaient des guitares, apprenaient quelques accords et se mettaient à imiter Presley, Buddy Holly, Chuck Berry et les autres. Un de nos voisins, Raymond Carrière, avait formé un groupe rock avec deux de ses amis, dont un certain Paul Anka... Avec l'arrivée des radios transistor, on écoutait les stations AM américaines en soirée pour entendre les grands succès du palmarès. Et rien de ça ne se passait en français. Il a fallu attendre le milieu des années 60 pour entendre du rock original en langue française (Classels, p. ex.). Il était trop tard. Des francophones se sont mis à écouter et chanter en anglais et n'ont pas cessé. En 2022 plus que jamais.

Au moment où ces facteurs se conjuguaient, le gouvernement fédéral a porté le coup de grâce à notre ancien quartier en construisant, dans les années 50 et après, un immense complexe administratif où travailleraient des milliers de fonctionnaires, situé dans le Pré Tunney adjacent au secteur Mechanicsville. L'idée qu'un tel méga-projet puisse détruire une communauté canadienne-française avoisinante n'a jamais effleuré l'esprit des décideurs fédéraux anglophones. L'inévitable s'est vite produit: la valeur des terrains en bordure du pré Tunney a bondi, le zonage n'a rien protégé, et en quelques années, les blocs d'appartements ont commencé à remplacer les maisonnettes du quartier. Les gens ont vendu, ont déménagé, l'école s'est vidée, l'église a été vendue. Un édifice locatif de 30 étages vient d'être érigé là où se trouvaient deux ou trois des vieilles maisons... L'ancienne école St-François d'Assise est maintenant intégrée à un complexe de condos... Sans protection de la ville, de la province et du fédéral, le verdict était sans appel.

Le fait que les quartiers franco-ontariens aient été généralement modestes, voire pauvres, n'a pas aidé. Conjuguée à la francophobie ambiante, la brutalité du grand capital et de ses sbires a été sans pitié. Dans la Basse-Ville d'Ottawa, au cœur de la francophonie ontarienne, la municipalité, bastion de racisme anti-canadien-français, a charcuté le quartier, le sectionnant en construisant un boulevard à quatre voies vers le nouveau pont quartier McDonald-Cartier (en prenant soin de ne pas élargir la rue dans le quartier huppé de la Côte-de-Sable), puis a refait l'artère est-ouest principale à l'aide d'expropriations massives. La proportion de francophones y est passée de 80% à 20%... Dans le quartier pauvre des Plaines Lebreton, où vivaient nombre de francophones, le fédéral a expulsé les résidents manu militari mi-années 60, les dispersant à travers la ville. Jamais n'a-t-on réservé un traitement similaire aux quartiers riches et anglais...

Si je raconte mon histoire aujourd'hui, c'est parce que je constate les mêmes signes d'effritement du côté québécois de la rivière, dans la ville de Gatineau, ainsi que sur l'île et dans la couronne de Montréal. Plusieurs des facteurs culturels et sociétaux qui ont précipité la perte des quartiers urbains francophones d'Ottawa sont les mêmes qu'au Québec. La seule différence fondamentale, au-delà du nombre, tient à la capacité d'intervention collective par l'intermédiaire d'un État que nous avons toujours la capacité de contrôler. J'ai beau réfléchir, j'ai beau me plaindre du sort qu'on a réservé à mon ancienne communauté, je ne vois pas ce qui aurait pu être fait pour la sauver. Que peuvent quelques milliers de Franco-Ontariens contre une ville, une province et un appareil fédéral qui leur sont hostiles? Rien. Plusieurs de ces anciens Franco-Ontariens ont traversé la rivière et vivent maintenant au Québec. Les plus vieux comme moi peuvent toujours raconter leur histoire, qui sera celle du Québec tout entier un jour à moins de prendre les mesures qui s'imposent pour assurer la pérennité de notre langue et de notre culture.

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La carte du haut est celle de la ville d'Ottawa en 1940.

Les quartiers en bleu rayé sont ceux où les francophones étaient fortement majoritaires. Les autres (4, 5 et 6) sont des quartiers où les francophones formaient une proportion appréciable de la population.


dimanche 23 octobre 2022

Une micro-agression, vous dites?

capture d'écran de Radio-Canada

Il y a un peu plus d'une trentaine d'années, c'était en février 1990 je crois, j'avais discuté avec un journaliste anglophone de Sault Ste-Marie (Ontario) dans le sillage de la crise pan-canadienne suscitée par la déclaration d'unilinguisme anglais de cette ville. Les anglophones du coin, et sans doute ceux d'ailleurs au pays, me disait-il, ne comprennent pas pourquoi les francophones demandent des services bilingues.

La population unilingue anglaise, expliqua-t-il, a souvent l'impression que les Canadiens français ont tous, ou presque tous, une connaissance suffisante de l'anglais et qu'ils exigent du français sur leurs boîtes de Corn Flakes dans le seul but d'irriter la majorité anglophone. Quand ce reporter a visité des villes et villages de l'Outaouais où partout, il rencontrait des unilingues français, il a compris bien des choses...

Mais la question posée restait pertinente. À Sault Ste-Marie, ville comptant 80 000 habitants, à peine 80 des 3500 citoyens de langue maternelle française ne connaissaient pas l'anglais selon le recensement de 1991. Et environ les deux tiers des 3500 habitants francophones parlaient surtout l'anglais à la maison (c'est encore pire aujourd'hui). Sans excuser l'apparente ignorance de l'histoire du pays et de la persécution dont avaient été victimes les Franco-Ontariens, on peut comprendre qu'un anglophone de l'Ontario se gratte la tête quand un francophone qui parle très bien l'anglais lui demande de communiquer, si ce n'est qu'un instant, en français.

La semaine dernière, à la commission fédérale d'enquête sur le recours à la Loi sur les mesures d'urgence pour mettre fin à l'occupation du centre-ville d'Ottawa par les camionneurs, un incident est survenu qui m'a rappelé un peu cette conversation avec le scribe du Sault Star. La demande d'un conseiller municipal franco-ontarien, Mathieu Fleury, de reformuler une question en français pour qu'il en saisisse mieux les nuances lui a attiré les sarcasmes du procureur des camionneurs, Brendan Miller, et des éclats de rire dans la salle. L'avocat Miller semble y avoir vu une ruse du conseiller municipal, qui avait jusque là témoigné en anglais (tout semble se passer en anglais à cette enquête), dans le but d'esquiver la question.

Mais il y avait plus! Beaucoup plus! Par le choix des mots, par le gestuel, par l'attitude, par le ton. Il faut visionner la reprise. Ou le procureur ne comprenait pas pourquoi un franco bilingue décidait tout à coup d'invoquer une incompréhension des nuances de l'anglais, ou la tentation était trop forte d'infliger une rebuffade sur la place publique à un francophone qui avait affirmé devant un unilingue anglais son droit d'être interrogé en français (c'est une enquête fédérale après tout). Je ne sais pas. Mais avoir été à la place de Mathieu Fleury, je me serais senti insulté, rabaissé, humilié.

Voici en anglais la question que l'avocat Miller, représentant les camionneurs, avait posée à M. Fleury: «Is micro-aggression, is your understanding of that is that it means verbal and environmental slights?» À la demande de voir la question formulée en français, le procureur a hésité, puis lancé en français en semblant chercher des écouteurs: «Je m'appelle Brendan Miller», ce qui a déclenché des rires dans la salle. M. Fleury a renchéri en anglais: ça peut paraître drôle, mais ce ne l'est pas. Par la suite, parlant à Mathieu Fleury comme à un enfant d'école, M. Miller est revenu à la charge: «What, of the words that I have put to you and there's a few - "means", "verbal", "and", "environmental" and "slights" - is confusing?» Personnellement, ayant grandi et fait mes études à Ottawa avec les mêmes cours d'anglais que les Anglo-Ontariens, j'aurais tout de même eu des problèmes avec les mots environmental (dans ce contexte précis) et slights (après vérification slight, c'est un affront). Je pense que la plupart des anglophones dans la salle auraient eu de la difficulté avec cette question.

Quoiqu'il en soit, là n'est pas le problème. Le conseiller municipal Fleury avait fait un effort honnête de répondre à l'interrogatoire en anglais même si ce n'est pas sa langue maternelle. Il avait parfaitement le droit de demander des clarifications en français dans le cadre de procédures où le français a un statut aussi officiel que l'anglais. Et ce, sans se faire humilier. Sans subir de micro-agression. Pour ma part, il en avait trop fait. Comme bien des Franco-Ontariens (et des Québécois de mon coin, à Gatineau), l'anglais prend trop souvent le dessus même quand le français occupe légalement une place égale (ou, comme au Québec, prépondérante). M. Fleury aurait dû témoigner en français dès le départ et obliger l'avocat à utiliser des écouteurs et l'interprétation simultanée pour le comprendre. Il n'aurait pas été soumis à la dernière injure de l'avocat Miller, qui a lancé à je ne sais qui après que Mathieu Fleury eut répondu en français à sa question originale: «Could someone get him a pair of these (des écouteurs) so he can understand what I'm saying in English as well, please? Is that possible? Do you need this?» M. Fleury a refusé parce que c'est l'autre, l'unilingue anglais, qui ne comprenait rien et qui aurait eu besoin de ces écouteurs...

Aux dernières nouvelles, l'avocat Miller avait l'intention d'entreprendre des procédures en diffamation contre le conseiller Fleury et contre la conseillère municipale Catherine McKenney qui avait encouragé son collègue à intervenir en français. On ne sait trop pourquoi... L'incident a défrayé quelques manchettes dans la presse locale, qui couvre quotidiennement les audiences de la commission d'enquête. L'impression donnée par les reportages télévisés, c'est que les travaux de cette commission se déroulent à peu près complètement en anglais. Les francophones qui gravitent autour de l'enquête sont probablement tous et toutes bilingues. Comme ceux de Sault Ste-Marie. Et ça, les anglos le savent puisque ces francophones leur répondent en anglais. Alors si les francophones connaissent tous l'anglais, pourquoi aurait-on besoin du français? La question est posée à tous ces anglophiles québécois, dont l'ancien premier ministre Couillard, qui croient que tous les jeunes francophones devraient apprendre l'anglais...

En ce qui me concerne, l'incident Miller-Fleury équivaut à du franco-bashing et la presse nationale de langue française aurait dû en faire un plat. Autre conclusion: comme d'habitude, dans les instances fédérales, les francophones, qui ont le droit de s'exprimer en français, ont l'obligation de s'exprimer le plus souvent en anglais... 

Pour en juger vous-mêmes, écoutez les échanges: (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1926210/commission-rouleau-mathieu-fleury-temoignage-francais?fbclid=IwAR0A9SSP8tfltL4mnXAR89KhoKEhlz-ByVYXa_21wOi9V2dU6cQG8dgovNI).


samedi 22 octobre 2022

Oser parler d'histoire !

capture d'écran de Radio-Canada

Dans son allocution lors de la cérémonie d'assermentation des trois députés du Parti québécois, ce vendredi 21 octobre 2022, Paul St-Pierre Plamondon a évoqué la conquête, la violence coloniale, les patriotes, les fourberies de 1867, la Charte imposée de 1982, le rejet de l'Accord de Charlottetown en 1992, pour rappeler que jamais, au grand jamais, les Québécois ou leurs représentants élus n'ont dit oui à la monarchie britannique ou à l'actuelle constitution canadienne. La conquête, les armes et la violence ont jadis scellé notre sort, affirme-t-il.

Que l'on conteste ou non le fond ou la forme de son propos (pour ma part j'y souscris), il faut savoir reconnaître au chef du PQ d'avoir rappelé avec éloquence que le présent et l'avenir se construisent sur un passé qu'il ne faut pas oublier. Personne ne semble se souvenir que «Je me souviens» reste la devise du Québec. Regardons autour de nous. On cache les vieux (et leur vécu) dans des résidences ou des CHSLD, le droit de mourir a tassé le droit de naître, les livres d'histoire se font poussiéreux et surtout, on enterre «les vieilles chicanes». On réécrit le passé avec des idéologies importées pour discréditer la noblesse d'un parcours historique unique. Juste dire «nous» est devenu suspect...

Si les députés péquistes (et ceux de Québec solidaire) refusent de prêter un serment d'allégeance au roi Charles III, c'est parce que l'histoire nous a liés à la monarchie britannique. Contre notre gré. Au nom des rois et reines du Royaume-Uni, on a usé de décrets impériaux et de violence pour mater toute tentative de révolte jusqu'à la création, par loi britannique, d'une fédération en 1867. On nous a refusé le pouvoir politique et économique après la conquête, et délibérément tenté de supprimer notre langue et notre culture. Acculés à la survivance, nos ancêtres ont fait ce qu'ils ont pu. Surtout des tas d'enfants. «Survivre c'était déjà vaincre», chantait Georges Dor.

Cette résistance silencieuse de millions de Québécois et Québécoises, ponctuée de sursauts de rébellion occasionnels, a créé un terreau fertile pour la Révolution tranquille des années 1960 et ses séquelles, qui nous marquent toujours en 2022. Les jeunes générations ne naissent pas spontanément, par miracle. Ma mère de 98 ans me raconte la vie des années 1930, de la Grande dépression. Sa mère, née au 19e siècle, me parlait de son père, bûcheron, tué sur un chantier forestier. Mon père a dû quitter l'école à l'âge de 13 ans pour travailler, et mes parents se sont privés de tout pour assurer l'éducation des enfants. Ça, c'est mon histoire, mais chacun, chacune a son propre vécu, qui remonte parfois jusqu'au 17e siècle dans le bassin du Saint-Laurent.

Ces générations se sont sacrifiées pour les suivantes, pour nous ouvrir des fenêtres qui leur étaient fermées à clef. S'il existe un au-delà (je n'en suis pas sûr mais je l'espère), tous ces anciens Canadiens français devenus Québécois doivent trouver leurs descendants bien ingrats parfois. Non seulement les oublie-t-on mais le plus souvent, nos dirigeants reprochent à ceux et celles qui s'en rappellent de déterrer de «vieilles chicanes», sans importance pour les défis d'aujourd'hui. Et voilà, enfin, qu'un chef politique évoque l'histoire de ces ancêtres qui ont étouffé trop souvent leurs ambitions individuelles et collectives mais n'ont jamais vendu leur âme à la monarchie britannique qui les avait opprimés. Dans les gradins de l'au-delà que j'imagine, il me semble entendre un tonnerre d'applaudissements.

J'ai écouté le discours de Paul St-Pierre Plamondon avec fierté et émotion. Il ne parlait pas seulement pour sa formation politique, mais pour la nation entière, pour les 400 années de notre aventure nord-américaine, pour notre passé, notre présent, notre avenir. Je lui dis: Bravo!


vendredi 21 octobre 2022

Premier ministre ou PDG de Québec Inc.?


Je ne regarde pas souvent la télé en après-midi mais ce jeudi 20 octobre, à 14 h 15, je me suis planté devant le petit écran (55 pouces, c'est petit?) pour voir et entendre l'assermentation du nouveau conseil des ministres de François Legault.

L'ambiance fait un peu penser au septième match d'une finale de hockey. Nos savants experts, analystes et commentateurs, ayant mis à profit leurs sources «bien informées», ont longuement supputé les chances de succès et d'échec des vedettes, et l'issue du match. Mais on ne sait jamais. Des surprises, il y en a parfois. Alors on scrute le terrain (ou la patinoire) en attendant avec anticipation le début de l'action.

Enfin, les caméras de la télé passent des gradins à l'arène... Les questions que je me pose sont sans doute les mêmes que celles de l'ensemble des citoyens... Qui seront les têtes d'affiche du ce gouvernement de la CAQ, en économie, en éducation, en santé, dans le dossier primordial de la langue française, de la laïcité? Et qu'arrivera-t-il aux députés de ma région, l'Outaouais? Un d'entre eux siège déjà au cabinet Legault, mais deux autres apparaissent ministrables...

Et le défilé commence... Un tourbillon de ministères, de titulaires, de sourires, d'accolades, de baisers, de poignées de main, ce coups de coude, d'applaudissements, de commentaires parfois irritants à la télé pendant les annonces officielles... Une première constatation... Au-delà des noms les plus connus - les Dubé, Guilbeault, Lebel, Fitzgibbon, Barrette, Roberge, Girard, Drainville - il y a devant moi une majorité de visages que je ne reconnaîtrais pas dans la rue si je les croisais...

J'ai vu Christian Dubé des milliers de fois à la télé, pandémie oblige, mais certainement pas Suzanne Roy, André Lamontagne et au moins une douzaine d'autres... Je me suis rendu compte qu'à force de suivre tel ou tel enjeu de près, on reconnaît instantanément certains arbres mais on perd de vue l'ensemble de la forêt. Qui sont donc ces personnes que je connais peu et qui exerceront pendant quatre années le pouvoir exécutif au Québec? D'où viennent-elles? Quelle expertise apportent-elles? Quel passé traînent-elles?

Pour en savoir davantage, j'ai fais ce que je fais depuis ce 9 juin 1969 quand j'ai mis les pieds pour la première fois dans une salle des nouvelles comme journaliste... J'ai tenté de m'informer et plus j'avançais, plus ce conseil des ministres - du moins dans les ministères à vocation économique - avait l'air d'un conseil d'administration d'entreprise privée ou de chambre de commerce... Que la syndicaliste Suzanne Tremblay, nouvelle députée de Hull, n'ait pas reçu d'appel du premier ministre ne me surprenait plus..

L'impression donnée, c'est qu'en matière économique, François Legault dirige le Québec en puisant beaucoup trop dans l'expertise, l'expérience et la philosophie d'entrepreneurs privés et du milieu des affaires. Entre François Legault, Éric Girard, Christian Dubé, Pierre Fitzgibbon, Christine Fréchette, Andrée Laforest, Kateri Champagne-Jourdain, André Lamontagne, France-Élaine Duranceau, Christopher Skeete, toute une litanie d'entreprises -Banque nationale, Price Waterhouse, Domtar, Financière BN, Walter Capital, Desjardins, Cashman Wakefield, chambres de commerce, etc. - se succèdent dans les CV.

Le militantisme ouvrier et communautaire, garant de l'intérêt public, n'y brille pas... Même à l'Enseignement supérieur siégera une ministre - Pascale Déry - ancienne vice-présidente aux communications de l'IEDM (Institut économique de Montréal), un organisme à distance de marche d'une droite radicale, qui prône trop souvent la réduction du secteur public au profit de privatisations. Et je n'ai pas vu de ministre au passé marxiste-léniniste pour contrer les possibles relents de l'IEDM dans ce cabinet Legault. La CAQ se considère peut-être une coalition entre fédéralistes et quasi-souverainistes, mais elle n'est certainement pas une coalition entre la gauche et la droite économiques. À droite toute!!!

Quand elle a été recrutée, la présidente du Syndicat de l'enseignement de l'Outaouais et nouvelle députée de Hull, Suzanne Tremblay, savait-elle qu'elle ferait partie d'un gouvernement où les rênes économiques seraient entre les mains de ressortissants des milieux d'affaires? Qu'espérait-elle quand François Legault l'encensait publiquement et que les rumeurs la voyaient candidate au poste de ministre de l'Éducation? Avoir été directrice ou propriétaire d'un collège privé, ses chances auraient sans doute été meilleures d'accéder au conseil des ministres.

Un mot, enfin, sur le décor dans lequel la cérémonie d'assermentation s'est déroulée. Dans la mesure où le symbolisme conserve toute son importance, notamment en raison du débat actuel sur le serment d'allégeance au roi Charles III, cela vaut la peine de noter que notre premier ministre a présenté son cabinet sous l'autorité d'un lieutenant-gouverneur nommé par Ottawa, représentant officiel de la monarchie britannique et anglicane au Québec, et que le drapeau du Canada trônait à côté du fleurdelisé au Salon rouge. Un spectacle humiliant!


samedi 15 octobre 2022

Le venin de la presse anglo....

Vraiment, quand il s'agit du Québec, la presse de langue anglaise est trop souvent disposée à publier comme vérité d'évangile, sans se donner la peine de vérifier, toutes sortes de propos injurieux, diffamatoires, porteurs de préjugés tenaces qui frisent à l'occasion le racisme.

L'édition du samedi 1er octobre 2022 du Globe and Mail, le prestigieux quotidien national du Canada anglais, proposait à son vaste public l'analyse d'un chroniqueur montréalais connu, Justin Ling, qui présentait le premier ministre québécois François Legault sous les traits d'un tyran irrespectueux des droits et libertés des citoyens québécois.

Sous le titre Duplessis, Part Deux? (voir https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-francois-legaults-duplessis-turn-is-a-threat-to-quebecs-democracy/), M. Ling brouille tellement la ligne de démarcation entre les faits et ses propres opinions qu'un tel texte, s'il m'avait été remis pour approbation avant publication, aurait été rejeté sur-le-champ et balancé dans la corbeille ou la poubelle la plus proche. Mais au Globe and Mail, il est passé comme un couteau dans le beurre.

Quelques exemples?

L'auteur mentionne entre autres que M. Legault «shares some of Mr. Duplessis' habits - contempt for the rule of law, a willingness to ignore Quebeckers' civil liberties». Juste comme ça. Sans le moindre élément de preuve. L'évidence même, pourrait-on croire. Mais au-delà de son accusation de mépriser les règles de droit et de passer outre aux libertés civiles des Québécois, il y a pire: l'emploi du mot «habits», qui signifie un comportement usuel, acquis par répétition fréquente. On ne vise pas ici les seuls enjeux de la laïcité ou de la langue français; on cible la personne elle-même. M. Legault.

Quelques paragraphes plus tard, Justin Ling en remet, cette fois avec de la sauce. Parlant toujours du premier ministre, il écrit: «His odious Bill 21 has stripped citizens of their right to expression in the workplace, forcing women who wear the hijab out of the classroom, forbidding men who wear the turban from being police officers, and casting a pall over Québec's ethnic minority communities». J'ai peine à croire que même au Globe and Mail, quelque rédacteur (en chef ou pas) n'ait pas sourcillé en lisant des propos à ce point excessifs.

Il y a au départ l'emploi du qualificatif «odious» - odieux en français - collé à la Loi 21 comme si cela allait de soi, sans avoir avoir besoin de justification. Cela donne le ton. Cette loi, affirme-t-il a arraché (stripped) aux citoyens leur liberté d'expression en milieu de travail. Rien de moins. Depuis quand l'interdiction de porter des symboles religieux pour certaines personnes en situation d'autorité constitue-t-elle l'entièreté de ce qu'on appelle «liberté d'expression» au travail? Comme exagération, cela défie l'entendement.

L'idée que la laïcité de l'État puisse protéger les libertés et l'égalité des citoyens ne semble pas l'avoir effleuré. Le fait que le hijab soit perçu comme un symbole d'oppression et d'infériorisation de la femme ne semble pas l'avoir effleuré. Il se limite à «l'expulsion» des femmes coiffées d'un hijab des salles de classe, et encore là il se trompe. Cette interdiction se limite aux enseignantes et enseignants. Les étudiantes musulmanes peuvent fréquenter l'école avec leur hijab en toute liberté.

Le texte du Globe sous-entend par ailleurs l'emploi de formes de violence (pas physique) à l'endroit des minorités ethniques et culturelles par le gouvernement de M. Legault. La Loi 21, y lit-on, jette un «pall» sur ces communautés culturelles et ethniques. Eh bien, un «pall», en anglais, c'est un drap mortuaire. On met ça sur un cercueil. Pas besoin de faire un dessin pour soupçonner une allusion au génocide possible de ces communautés culturelles et ethniques. Et on laisse passer ça, même s'il s'agit d'une fausseté flagrante.

D'un paragraphe à l'autre, l'auteur en rajoute. Que les faits le contredisent ne semble pas le préoccuper. Ainsi son rappel de la célèbre question de l'animatrice Shachi Kurl lors d'un débat télévisé des chefs durant la campagne fédérale de 2021. Selon M. Ling, Mme Kurl avait demandé aux chefs politiques si la Loi 21 était discriminatoire, ce qui aurait rendu M. Legault furibond, extrêmement enragé (apoplectic). Corrigeons: d'abord la question s'adressait au chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, et Mme Kurl avait affirmé que les Lois 21 et 96 du Québec étaient discriminatoires, et qu'elles marginalisaient les minorités religieuses, les anglophones et les allophones. Quant à savoir si François Legault a fait une crise d'apoplexie...

Quand on pense que ça ne peut que s'améliorer, ça empire. «Yet Mr. Legault has attacked the very foundation of the Québec state himself. Quebeckers are guaranteed rights by the federal Charter of rights and freedoms, a document their state has never patriated as well as Quebec's own Charter.» M. Legault s'attaque aux fondations mêmes de l'État? Expliquez-moi ça! La Loi 21 donne à l'État des fondements plus solides en le libérant (un peu) de l'ingérence des religions. Et peut-être quelqu'un devrait-il expliquer à M. Ling que la Charte fédérale de 1982 a été imposée en cachette par le Canada anglais et qu'elle était en bonne partie dirigée contre le Québec, qui ne l'a jamais reconnue.

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capture d'écran du texte du Globe and Mail

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Le paragraphe ci-dessus, pris en entier, fera croire au lecteur peu informé que le Québec, sous M. Legault et la Loi 96, est devenu un État policier qui persécute les anglophones et les Autochtones. Il ne manque qu'une allusion à la croix gammée et à la Gestapo. On peut presque imaginer de pauvres immigrants sous la tutelle d'enseignants cruels leur enfonçant le français dans la gorge, des inspecteurs surveillant les milieux de travail pour museler l'anglais, des policiers de la langue armés de mandats fouillant les commerces et emportant des caisses de documents incriminants... Plus loin de la réalité que ça, on gambade aux côtés d'Alice, au pays des merveilles... En passant, je vous invite à vérifier le sens du mot ham-fisted dans un dictionnaire anglais...

De plus, les Lois 21 et 96 ont enchâssé la laïcité de l'État et le français comme langue officielle et commune du Québec. Cela, en français, me direz-vous, ne choque les oreilles de personne. Mais la façon de traduire ces concepts en anglais peut avoir un effet profond sur leur perception. Laïcité de l'État s'habille ici en state-imposed secularism. Et on ajoute que le français devient the language of integration in the Québec nation. Le mot commune a été remplacé par intégration. On a frôlé le mot inclusion, à la mode ces jours-ci. J'ai grandi et j'ai vécu 29 ans à Ottawa et je sais quel effet ce langage peut avoir sur des anglophones déjà méfiants à l'endroit du Québec. C'est un peu comme une coloration d'Halloween, pour faire peur un peu. Et pour ajouter un peu au frisson, l'auteur souligne que M. Legault s'adonne de façon constante à la diabolisation des étrangers (the demonization of foreigners).

Selon le chroniqueur, M. Legault serait convaincu que lui seul peut prendre les meilleures décisions pour les Québécois. Pas les chartes, pas les experts, les tribunaux ou même la science. La preuve? Tenez-vous bien: les couvre-feu imposés en 2021 pour contrer la pandémie de COVID-19. Selon l'auteur, Québec fut le seul territoire en Amérique du Nord à prendre une mesure «aussi dramatique», «dispatching police across the province to harass and ticket anyone caught outside of their home after dark. Youth, particularly racialized youth, found themselves saddled with hefty fines just for being outside.» Non, mais quelqu'un se souvient-il de l'envoi de policiers partout au Québec avec l'objectif de harceler des jeunes de races non blanches? Mon souvenir, c'est que le couvre-feu a été généralement bien accueilli et respecté comme moyen de prévenir les rassemblements susceptibles de propager la COVID, et que cet objectif a été atteint. Par ailleurs, le Québec ayant été le plus durement touché par la première vague au printemps 2020, il était raisonnable de croire que des mesures plus rigides seraient prises pour éviter une récidive. Harcèlement des jeunes racialisés d'un bout à l'autre du Québec? De la bouillie pour les chats!

Non seulement ce texte peint-il, dans son ensemble, un portrait erroné du Québec et de son premier ministre (non, je ne suis pas un partisan de la CAQ), mais il est imbu de ce ton moralisateur, supérieur, que nous sert le Canada anglais depuis plus de deux siècles. Eux comprennent la démocratie, pas nous. Eux respectent les libertés, pas nous. Eux respectent les étrangers, par nous. Comme le disait Lord Durham, c'est pour nous élever à leur niveau qu'ils veulent nous enseigner leurs valeurs... et la langue anglaise. À leurs yeux, les mesures contenues dans les Lois 21 et 96 ne relèvent pas du simple différend d'opinion. Ce sont des péchés, ce qui justifierait de diaboliser nos chefs politiques et nos mesures identitaires. Et cela paraît, même sous la plume de journalistes réputés, dans des journaux réputés. Le mal est très profond.

Je proteste, pour la forme. Une bouteille de détergent que je lance dans un vaste océan de déchets...


lundi 10 octobre 2022

Tenez bon, M. Plamondon!

Ainsi le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, fraîchement élu dans la circonscription de Camille-Laurin, entend refuser de prêter serment d'allégeance à Charles Windsor, monarque du Royaume-Uni. On aurait dû depuis longtemps se débarrasser de cet archaïque lien à la Couronne britannique et le temps est venu de décider si, en 2022, la volonté du peuple québécois doit toujours s'accompagner d'une génuflexion devant le roi Charles III.

L'exigence du serment d'allégeance à la Couronne anglaise est stipulée à l'article 128 de la vieille Loi constitutionnelle de 1867, adoptée par le Parlement britannique sans aucune consultation populaire. Les rédacteurs de ce texte vétuste y parlent du Conseil législatif du Québec, qui n'existe plus, et de l'Assemblée législative du Québec, qui n'existe plus... ainsi que d'un lien et d'un arrangement constitutionnels relevant d'une époque disparue.

Le Québec a aboli son Conseil législatif en 1968 sans demander la permission du reste du Canada ou d'Elisabeth Windsor. Le Québec est le seul État fédéré du Canada qui s'est donné une «Assemblée nationale». C'était également en 1968. Récemment, le Québec a modifié unilatéralement la Loi constitutionnelle de 1867 en adoptant la Loi 96, y inscrivant le français comme langue officielle et langue commune du Québec.

La Loi de l'Assemblée nationale adoptée en 1982 ne mentionne pas le serment d'allégeance à la Couronne britannique. L'assermentation d'un député s'accompagne de la lecture du texte suivant: «Je, (nom du député), déclare sous serment que je serai loyal envers le peuple du Québec et que j’exercerai mes fonctions de député avec honnêteté et justice dans le respect de la constitution du Québec.» Et rien de plus.

Capture d'écran de l'Annexe 1 de la Loi sur l'Assemblée nationale

Le Québec avait déjà modifié l'article 128 avec l'abolition du Conseil législatif et le remplacement de l'Assemblée législative par une Assemblée nationale. Pourquoi ne pourrait-on pas considérer que l'Annexe 1 de la Loi de l'Assemblée nationale abolit de même façon l'exigence du serment d'allégeance au roi ou à la reine du Royaume-Uni? Le Québec est maître de sa constitution. Il peut la modifier seul. Pourquoi, alors, ne pas considérer la Loi de l'Assemblée nationale comme une modification du processus stipulé à l'article 128 de la vieille, très vieille loi de 1867?

L'occasion est belle pour François Legault, qui se dit chef de la nation, de prendre l'initiative d'offrir pas seulement à M. Plamondon, mais à TOUS les nouveaux députés le choix de prêter serment d'allégeance au seul peuple du Québec et à sa Constitution. Je suis prêt à parier que la majorité des députés élus laisseraient tomber la Couronne britannique sans même cligner de l'oeil. François Legault le premier. 

Dites-moi ce qui peut arriver si le gouvernement québécois décide de laisser tomber toute référence obligatoire à la Couronne britannique. Ottawa va-t-il envoyer l'armée et occuper l'Assemblée nationale au nom du roi lésé? Va-t-on demander une injonction à la Cour suprême, avec ses juges nommés par Ottawa, en vertu d'une constitution imposée par Ottawa? Enfin, ce serait intéressant comme scénario...

Tenez bon, M. Plamondon. Et si nos députés ont encore un peu de colonne vertébrale, peu importe le parti, ils vous appuieront. On ne refusera pas d'assermenter vingt, trente, quarante ou davantage de députés qui exigent de prêter un serment d'allégeance sans jurer fidélité à un monarque étranger. C'est l'temps!!!

Qu'en dites-vous, M. le premier ministre du Québec?


Les chemins d'été (épilogue)

Samedi 16 juillet 2022

Cette journée commence à Alma et se terminera à Gatineau. 680 km de route, environ. Je suis, comme d'habitude, le lève-tôt du groupe et avant le départ, comme à chacun de mes voyages, j'en profite pour prendre quelques photos de l'endroit où on a vécu (cette fois pendant 12 jours). Question de pouvoir  rafraîchir ma mémoire, si jamais elle s'embrouille. La table où Claude, Jacqueline, Ginette et moi avons mangé, jasé et joué aux cartes. Les chaises où on a lu, ou regardé nos tablettes. Le téléviseur qu'on n'a jamais vraiment utilisé, parce que pour les premiers six jours il ne fonctionnait pas et qu'après avoir été réparé, Dam-en-Terre n'offre qu'une seule station de télévision à sa clientèle, le réseau français de Radio-Canada. «Les gens ne viennent pas ici pour voir la télé», m'a-t-on répondu au bureau de l'administration. Sans doute...

Le salon de notre résidence de villégiature à Dam-en-Terre

La route sera longue, et les au revoir se font tôt. À la tristesse de voir notre séjour au Saguenay-Lac-Saint-Jean se terminer se mêle le bonheur de l'expérience et l'anticipation de se revoir, les quatre, en Outaouais à d'autres occasions. Après un plein d'essence et un copieux déjeuner (avalé avec moins d'appétit que d'habitude) au restaurant Marchand de Saint-Bruno, en banlieue d'Alma, la plaine jeannoise cède vite le pas aux sommets et vallées que traverse la route 169 dans le parc des Laurentides, jusqu'à la 175 et l'arrêt nécessaire à L'étape (photo ci-dessous). Plus on roule, plus une toux incessante me nargue, et mon niveau d'énergie semble suivre une courbe descendante...


À mesure qu'on s'approche de l'Outaouais, je commence à soupçonner que j'ai rapporté cette chose que j'avais réussi à éviter depuis mars 2020, armé de prudence et de quatre vaccins. À notre arrivée, je nourris encore quelque espoir qu'il s'agisse d'un vulgaire rhume, mais dès le lendemain matin on sort les tests et le résultat ne se fait pas attendre. En quelques secondes, une ligne rouge foncée de trop me dit que le verdict est sans appel. J'ai contracté la COVID... Les symptômes ont heureusement été légers dans mon cas. Ginette devait suivre avec un test positif quatre ou cinq jours plus tard. Claude et Jacqueline ne l'ont pas contractée. 


Deux jours plus tard, mon périple prend officiellement fin - du moins dans ma tête - quand je verse les dernières gouttes du deux-litres de lait Nutrinor (un nom que l'on voit partout au Lac-Saint-Jean) qu'on a acheté à Alma. Je ne sais pas, mais il semble avoir meilleur goût que celui auquel je me suis habitué à Gatineau. Peut-être parce que j'ai un faible pour les coopératives et que le lait Nutrinor, comme on l'indique sur les contenants, est fabriqué par une «fière coopérative de fermiers-propriétaires» de la région du Lac Saint-Jean. 



Et voilà! Là là (avec l'accent des 12 jours précédents)...


Les chemins d'été (12e jour)

Vendredi 15 juillet 2022

Notre douzième et dernière journée complète en terre jeannoise et saguenéenne! L'enthousiasme de repartir une nouvelle fois à l'aventure sur les chemins d'été au Lac Saint-Jean est tempéré par la nostalgie anticipée d'un retour à travers le parc des Laurentides, vers les autoroutes 40 et 50 qui nous ramèneront à la maison demain.

Le soleil étant au rendez-vous ce vendredi matin, le rendez-vous raté quelques jours plus tôt avec le Jardin Scullion (météo inclémente) sera tenu. Situé à courte distance de la ville d'Alma, près de la municipalité de L'Ascension-de-Notre-Seigneur, au nord du Lac Saint-Jean, le Jardin Scullion fut d'abord une pépinière, jusqu'à ce que le propriétaire Brian Scullion la transforme en immense jardin ouvert au public en 1996.

À ceux et celles qui s'attendraient à y voir des immenses sentiers et parterres couverts de fleurs comme aux Jardins Métis, dans le Bas-du-fleuve, détrompez-vous. Oui le Jardin Scullion propose des variétés de fleurs, mais c'est la verdure qui prédomine. L'immense rectangle de végétation contient surtout des aires forestières et des tourbières, où les visiteurs (de notre âge...) circulent le plus souvent en voiturette électrique sur plus de 4 km de sentiers. On y trouve plus de 2000 variétés de plantes provenant des quatre coins du monde, adaptées au climat nordique de la région du Lac Saint-Jean.

Jacqueline, Claude et Ginette

Ginette devant un parterre fleuri

Des sentiers en bois pour les voiturettes dans les tourbières

Circuler en voiturette électrique constitue le moyen le plus efficace de voir l'ensemble du Jardin en un temps raisonnable. C'est aussi la seule façon de traverser rapidement les tourbières, grâce à des sentiers en bois aménagés spécifiquement pour les voiturettes. Ça et là, des panneaux d'interprétation aident à comprendre les arbres, arbustes et fleurs. Les aires forestières sont par ailleurs séparées en zones thématiques. Le Jardin des conifères, par exemple, contient environ 350 variétés et cultivars, une collection de calibre mondial. Le Jardin Scullion figure d'ailleurs parmi les 150 plus beaux jardins de la planète dans le Guide de voyages Ulysse. 

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(Parenthèse visuelle)


Au Jardin Scullion, ce mystérieux cactus (?) pousse littéralement sur la roche. Un tout petit motton de terre semble suffisant pour soutenir sa croissance. En réponse à mon courriel, Brian Scullion (fondateur du Jardin) a indiqué qu'il s'agissait d'une sempervivum, plante originaire des régions froides de l'Europe. C'est une plante vivace qui fleurit d'avril à août, selon les espèces et les régions, et produit des rosettes de différentes couleurs. L'apparition de fleurs est signe de grande vitalité. On la nomme aussi «joubarbe».

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(Deuxième parenthèse visuelle)


En revenant du Jardin Scullion, nous apercevions dans les champs de bleuets ces étranges dômes bleus... Ayant écarté l'hypothèse d'une invasion d'extraterrestres et n'ayant pas le temps d'en trouver les auteurs, on s'est rabattu sur Internet. Selon un article du Quotidien du Saguenay, ce sont des ruches pour des abeilles de type mégachiles, qui contribuent à la pollinisation des fleurs dans les bleuetières. On a eu recours à ces dômes bleus à cause de la rareté croissante des abeilles traditionnelles.

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Le théâtre de Dam-en-Terre loge dans la bâtisse en haut, en retrait de la marina.

Pour notre dernière fin de journée au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on ne s'éloignera pas de notre base de Dam-en-Terre. Un souper au Pacini d'Alma, une valeur sûre, suivi de la pièce de théâtre Ils se sont aimés à la salle de spectacles du centre de villégiature, tout près de la marina. Ceux et celles qui me connaissent savent que je ne suis pas un amateur de théâtre, mais je dois saluer l'effort du Théâtre d'été de Dam-en-Terre d'offrir un menu culturel aux villégiateurs depuis une trentaine d'années. Des comédies le plus souvent, j'imagine, comme celle qu'on nous proposait ce 15 juillet, une adaptation québécoise d'une pièce française fort populaire. J'aurais d'ailleurs accordé 10 sur 10 aux deux comédiens. Quant à la pièce elle-même, enfin, on repassera... Une soirée fort agréable tout de même, rehaussée par le plaisir de se retrouver ensemble, Claude, Jacqueline, Ginette et moi, après douze jours merveilleux!

Demain: destination Outaouais!


jeudi 6 octobre 2022

Les chemins d'été (11e jour)

Jeudi 14 juillet 2022

Au mois de juin 1971, j'avais visité le Saguenay-Lac-Saint-Jean avec un collègue journaliste du quotidien Le Droit, Pierre Martel, originaire du village de Laterrière (près de Chicoutimi). Or, le 4 mai 1971, un glissement de terrain avait emporté une partie de la municipalité de Saint-Jean-Vianney, sur l'autre rive du Saguenay, entraînant la mort de 31 personnes et la destruction de 42 maisons. La nouvelle avait fait le tour du monde et comme jeunes reporters (j'avais 24 ans), le lieu du sinistre devenait pour nous un détour incontournable.

Il est difficile de décrire ce que l'on ressent quand une rue bordée de maisonnettes se transforme d'un coup sec en immense crevasse de 0,3 km carré (voir photo ci-dessous, que j'ai prise en 1971). Avec nos cartes de presse, les policiers nous ont laissés aller à pied jusqu'au bord du précipice. Dans le canyon de débris, on fouillait toujours pour des corps qui n'ont jamais été retrouvés sous la coulée de boue et d'argile. Plus tard, les autorités ont décidé de relocaliser les maisons restantes et de fermer le village. Cinquante ans plus tard, le 14 juillet 2022, Claude, Jacqueline, Ginette et moi sommes partis à la recherche des vestiges de Saint-Jean-Vianney.

Empruntant la route 172 et suivant les instructions de Georgette-GPS, nous avons viré à droite sur le chemin Shipshaw où une petite affiche indique la direction de Saint-Jean-Vianney. Après avoir roulé un bon bout de temps et passé devant le cimetière de l'ancien village, il n'y avait toujours rien à voir, sauf des arbres et de la brousse. Et pourtant, selon le GPS, nous étions arrivés à destination. Décidément, après un demi-siècle, la nature avait repris ses droits là où auparavant se trouvaient des rues, une église, des magasins et des résidences.  Puis tout à coup, en quittant le chemin Shipshaw, nous nous sommes retrouvés devant le mémorial Saint-Jean-Vianney, une structure métallique où l'on peut lire, en lettres percées à travers le métal, le nom du village sinistré.


Claude et Jacqueline devant le mémorial

Sur les panneaux en zigzag, photos et textes montrent des scènes de Saint-Jean-Vianney, des débuts à 1970, ainsi qu'une image des maisons relocalisées dans un nouveau secteur de la ville de Saguenay. Un peu plus loin subsistent des marches de l'ancienne église. Mais c'est à peu près tout. Aucune trace de la municipalité où quelques milliers de personnes vaquaient jadis à leurs occupations. Il ne reste que la végétation. La sensation produite est aussi puissante qu'en 1971 devant le sinistre gouffre. C'est comme le village fantôme Val-Jalbert sans les maisons. Saint-Jean-Vianney est habité par des fantômes sans village. Le cimetière demeure bien entretenu cependant, et plusieurs tombes indiquent des décès survenus bien après le glissement de terrain.

Ginette au «centre-ville» de ce qui fut Saint-Jean-Vianney

Une des images sur les panneaux métalliques

Sans s'avérer aussi tragique qu'à Saint-Jean-Vianney, un nouveau glissement de terrain a retenu l'attention des Saguenéens à l'été 2022. Survenu à la mi-juin dans l'arrondissement La Baie, à l'extrémité est de la ville de Saguenay, l'affaissement avait emporté une maison et forcé l'évacuation de 76 familles (qui n'avaient toujours pas réintégré leur foyer à la mi-juillet). Et comme nous nous rendions tout près de là pour la représentation du méga-spectacle La fabuleuse histoire d'un royaume, un petit détour pour jeter un coup d'oeil au quartier sinistré paraissait un complément logique à notre exploration de ce qui fut autrefois Saint-Jean-Vianney.


On roulait sans trop savoir où on allait quand Ginette s'est exclamée: «C'est là!», attirant notre attention aux résidences derrière une clôture de broche, aux énormes blocs de béton qui interdisaient le passage entre les maisons, et à l'impressionnant affaissement de terrain en haut de la côte où quelques maisons frôlaient le précipice. Ayant garé la voiture, nous sommes restés là à décortiquer la scène, pensifs. J'essayais d'imaginer ce qu'avaient dû ressentir les résidents, obligés d'évacuer leur demeure avec quelques minutes de préavis sans pouvoir emporter plus que l'essentiel, campés dans des logements temporaires depuis un mois, se demandant si et quand ils pourraient rentrer chez eux... Je me compte chanceux d'être logé sur un terrain plat...


En fin d'après-midi, aux abords de la Baie des Ha! Ha! (voir parenthèse ci-dessous), nos regards se fixent sur la Verrerie d'art Touverre, où le réputé Giuseppe Benedetto prépare quotidiennement des oeuvres en verre soufflé, en plus de faire des démonstrations. La chance nous sourit. Nous arrivons au début de la fabrication d'une assiette multicolore, qui se vendra sans doute 400 ou 500 $ dans la boutique adjacente à l'atelier. Maniant avec grande expertise ses outils et matériaux devant des fours chauffés à 2000 degrés, sans se brûler, l'artisan québécois d'origine italienne a mis environ une heure à façonner sa magnifique assiette. Une impressionnante démonstration! Nous avons fait quelques achats sur place, mais dans une gamme de prix plus accessible...

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(Seule parenthèse)

Devant la Baie des Ha!Ha!

Le secteur La Baie de la ville de Saguenay, anciennement Port-Alfred et Bagotville, est situé à la limite sud de la Baie des Ha! Ha! (un prolongement de 11 km du fjord du Saguenay en zone urbaine). Le nom de cette baie m'a toujours intrigué, et l'explication n'a rien de comique. Voici ce qu'en dit Wikipédia: «Le terme Ha! Ha! ne relève nullement de l'onomatopée, mais probablement d'une altération d'un toponyme Innu qui signifie lieu où on échange de l'écorce. D'autres linguistes pensent à une possible dérivation du terme français haha qui signifie obstacle inattendu sur un chemin.» Vous ne rirez pas non plus si vous rencontrez un immense requin du Groenland, un des multiples poissons de mer qui rôdent dans les eaux salées de la Baie des Ha! Ha!.

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Après un copieux souper à l'excellent restaurant Opia (865 Victoria, secteur La Baie), le temps est venu de se joindre au millier de spectateurs qui se massent au théâtre municipal de Saguenay pour le seconde présentation estivale de «La fabuleuse histoire d'un royaume». On ne peut que commenter en superlatifs cette épopée du Saguenay-Lac-Saint-Jean, formée de fresques historiques parfois spectaculaires, avec effets visuels spéciaux, mettant en vedette des humains mais aussi des animaux, l'action se déroulant sur la scène ainsi que dans les allées du théâtre... Fêtant cette année son 35e anniversaire, «La fabuleuse» est devenue un événement de marque, populaire et encensé par la critique. Mettez-le à votre agenda pour l'été 2023!

Retour à Dam-en-Terre pour notre avant-dernière nuit en terre jeannoise avant de rentrer en Outaouais...


Demain: les Jardins Scullion et une soirée de théâtre.