lundi 4 novembre 2024

Voilà à quoi ressemble une ville sans journal quotidien...

Page une récente du seul «journal» qui reste chez nous, la feuille bilingue/bilingual «Bulletin de Gatineau». Mais cette «une» est tout de même percutante et fort opportune, surtout après la disparition du quotidien Le Droit... Gatineau, une ville de 300 000 personnes sans quotidien de langue française !!!
-----------------------------------------------------

Si mon ancien quotidien, Le Droit, publiait toujours une édition papier, je me plais à imaginer la manchette spectaculaire en gros caractères qui aurait sans doute orné les étalages de journaux dans les kiosques le lendemain de la publication d'une étude spéciale sur le déclin du français dans la région de Gatineau, ce 31 octobre 2024 (voir lien au texte de Radio-Canada en bas de page).

Avoir repris mon ancien poste de chef des nouvelles, j'aurais réservé le haut de la une à un titre qui se serait lu à peu près comme suit:

   À GATINEAU                                                                                                               «Plus facile pour un anglophone qu'un                                                             francophone de travailler dans sa langue!»

L'histoire n'est pas banale. Vous souvenez-vous de la dernière fois que Québec ait préparé et publié une étude portant spécifiquement sur la situation linguistique et la langue de travail à Gatineau? Moi pas. Et il y a aussi le fait que cette analyse provienne de Benoît Dubreuil, le tout nouveau Commissaire à la langue française du Québec, nommé en 2023. Qu'il se soit penché sur la problématique de Gatineau aussi rapidement rehausse l'impact de cette publication.

J'aurais affecté au moins deux ou trois journalistes (peut-être plus) à la rédaction de la nouvelle principale et des multiples suivis qui s'imposaient. Le résumé des données et conclusions de l'étude aurait été coiffé d'une entrevue en profondeur avec le Commissaire et l'un de ses experts pour dégager le sens des colonnes de chiffres accablantes.

D'autres reporters seraient allés chercher des réactions de députés (fédéraux et québécois), du maire de Gatineau, des conseillers municipaux et des personnes dans la collectivité gatinoise qui s'intéressent de près aux enjeux linguistiques. Sans oublier un bon vieux vox pop dans les rues de Gatineau... De quoi remplir au moins trois ou quatre pages du journal... avec un éditorial incisif et une caricature de l'éternel Bado...

Mais voilà. Le Droit n'a plus d'édition quotidienne imprimée. Même pas d'édition quotidienne numérique. Il reste un babillard en temps réel sur le Web avec une équipe amaigrie de journalistes, excellents par ailleurs. Mais quatre jours (4 novembre) après la diffusion du rapport du Commissaire à la langue française, rien n'indique qu'un reporter au Droit ait lu et décortiqué le rapport. Aucun texte maison n'a été publié, sauf par Radio-Canada, et même ce dernier laissait nettement à désirer. Jamais l'image de la une du «Bulletin de Gatineau» (bi-mensuel bilingue) illustrée en haut de cette page ne m'aura paru si opportune: «Voilà à quoi ressemble une communauté sans journal local»... 

Le résultat, c'est que cette importante étude est tombée à plat. Une petite déclaration ça et là, et vite le chemin des oubliettes. Personne ne verra cette page une qui aurait existé jadis, ni dans les kiosques, ni dans les restos et hôtels, ni sur les tables de cuisine. Et Gatineau, du moins son centre-ville, continuera de se transformer en Ottawa-Nord... 

------------------------

Lien au texte de Radio-Canada - https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2116894/commissaire-langue-francais-recul-fonction-publique-federale

Lien au texte de la Presse canadienne, reproduit sur le site du Droit - https://www.ledroit.com/actualites/2024/10/31/le-francais-recule-de-maniere-preoccupante-au-travail-et-dans-la-culture-SUQW2OGHGZF2PMIWN2ZYP75W5I/

Lien au rapport du Commissaire à la langue française du Québec - https://www.commissairelanguefrancaise.quebec/wp-content/uploads/2024/10/Situation-francais-etudes-complementaires.pdf