mardi 30 septembre 2025

CRCCF: un rendez-vous manqué pour nos médias...



Jeudi dernier, 25 septembre, Jour des Franco-Ontariens, j'ai traversé la rivière des Outaouais pour une rare incursion au campus de mon alma mater, l'Université d'Ottawa, question d'assister au lancement de la saison 2025-2026 du Centre de recherche sur les francophonies canadiennes (une émanation de l'Université, toujours connu sons son ancien sigle, CRCCF, signifiant Centre de recherche en civilisation canadienne-française).

Ayant garé ma voiture au sous-sol de la Résidence Brooks en plein coeur du campus, dans le quartier Côte-de-sable, j'ai eu droit à mon premier Sorry, I don't speak French en demandant à un passant l'emplacement du guichet de péage. Me rendant à pied au pavillon Morisset, où l'événement avait lieu, j'ai croisé des centaines d'étudiants dans l'achalandage de 17 heures. Mes oreilles ont capté des dizaines de langues, l'anglais surtout, mais pas un mot de français. À l'intérieur de l'édifice, ma recherche du local du CRCCF m'a valu deux Pardon me?

Me voilà enfin arrivé aux bureaux exigus du Centre, évocation ottavienne du village gaulois assiégé. Une soixantaine de personnes s'y entassent, la plupart Franco-Ontariens j'imagine, mais on y rencontre aussi des Québécois, des Acadiens et des francophones de l'Ouest.  Certains participants portent le vert, couleur du drapeau de l'Ontario français, qui fête ce jour-là son 50e anniversaire. Au menu: un panel sur la mobilisation politique franco-canadienne depuis la fondation, en 1975, de la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ, devenue en 1991 la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA).

Tenant compte du rôle névralgique joué par le CRCCF et de la qualité des membres du panel (tous anciens ou actuels dirigeants de la FFHQ-FCFA, couvrant l'entièreté de son demi-siècle), je me serais attendu à une présence médiatique et à des reportages dans la presse et autres réseaux Web le lendemain. Pourquoi n'y avait-il aucun journaliste en devoir? Poser la question, c'est étaler au grand jour l'état lamentable de nos salles de rédaction dégarnies et désorientées. Avoir repris le métier ce 25 septembre, j'aurais pu facilement en tirer quelques textes dignes des premières pages du Droit (si le journal existait toujours) ou des bulletins de nouvelles électroniques.

Entre les questions identitaires exacerbées par les États généraux du Canada français à la fin des années 1960, les rapports avec Ottawa et Québec sur fond de guerre constitutionnelle, les luttes incessantes devant les tribunaux pour obtenir des écoles françaises à travers le Canada et surtout en assumer la gestion, entre l'effet croissant de l'immigration francophone dans un contexte de déclin démographique et la modernisation récente de la Loi sur les langues officielles, les panélistes ne manquaient pas de pain sur leurs planches historiques. Ce qu'ils ont dit sur le dernier demi-siècle aurait pu remplir un calepin de notes. Ce qu'ils n'ont pas dit aurait pu en faire déborder un second...

«LE» mot clé pour comprendre la dynamique de la francophonie hors Québec n'a pas été prononcé... Je parle bien sûr de l'assimilation, de l'anglicisation. En insistant sur l'intensification de l'immigration francophone hors Québec, personne n'a tenté d'expliquer pourquoi l'apport de nouveaux arrivants était devenu essentiel. Les collectivités francophones historiques s'effritent et s'effondrent un peu partout au pays (même le Québec est menacé), mais personne n'en a parlé jeudi soir. On dirait qu'assimilation est devenu un mot tabou... Sans faire face à cette réalité, il deviendra vite inutile de poursuivre les combats politiques, juridiques et constitutionnels. Tous les droits de la francophonie hors Québec reposent sur une sinistre condition: là où le nombre le justifie...

Un maquillage plus épais ne changera rien à un mal en profondeur. Ce n'est pas en «repensant ce que ça veut dire d'être francophone» à l'extérieur du Québec, ou en se «réinventant», qu'on améliorera les données de «langue d'usage» aux recensements fédéraux. Ne pas «se considérer comme minoritaires» ne changera rien au fait de l'être, surtout pas aux élections... Ce dont les organismes de la francophonie hors Québec ont besoin pour au moins tenter de relever les défis du présent et de l'avenir, ce sont des portraits réalistes des collectivités qu'ils disent représenter auprès des gouvernements (y compris celui d'Ottawa), tous issus de majorités anglophones, historiquement hostiles.

Il me semble avoir entendu le vice-recteur associé à la francophonie, Yves Pelletier, annoncer jeudi dernier que la nouvelle rectrice de l'Université d'Ottawa, Marie-Ève Sylvestre, avait demandé une étude de fond sur la présence du fait français au campus ottavien. Si cela s'avère vrai (excusez le pléonasme), il s'agit d'une bonne nouvelle. Ça permettra de relancer avec vigueur le débat inachevé sur la gestion franco-ontarienne à l'universitaire, débat saboté par l'octroi d'un micro-campus à Toronto qu'on a pompeusement baptisé Université de l'Ontario français.

En quittant les locaux du CRCCF, vers 20 h 15, j'ai reçu en pleine figure deux autres Sorry I don't speak French en cherchant le bon escalier vers ma sortie de l'édifice...

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Lien au CRCCF - https://www.uottawa.ca/recherche-innovation/crccf